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dimanche, 04 janvier 2015

Fernando de ALMEIDA GOMES, Michaël AMOUR et 4 comparses convoqués au tribunal correctionnel du Havre, les 20 et 21 avril 2015...

Les lecteurs de ce blog apprécieront sans doute d'avoir (enfin) quelques nouvelles pas trop fanées de deux de nos meilleurs sujets, soit, par ordre d'apparition dans le collimateur de la justice, M. Fernando de ALMEIDA GOMES, vedette de notre « saga de Fernando » (qui détaille l'essentiel de ses prouesses, à Caen et ailleurs), et Michaël AMOUR, son fidèle tabellion, naguère encore notaire à la résidence de Criquetot l'Esneval.

Il me faut avouer que c'est à un correspondant anonyme que je dois d'avoir retrouvé leurs traces. J'ai donc reçu, il y a maintenant un bon mois, deux coupures de presse, avec la seule mention de leur parution dans « Le Havre Presse », respectivement les 2 et 15 octobre 2014. Le premier de ces articles est consultable en ligne à l'adresse suivante:

http://www.paris-normandie.fr/detail_article/articles/1558735/accueil/l-ancien-notaire-juge-en-avril#.VGomHWfm6G8

Il y est question de la convocation de Michaël AMOUR (et de 5 autres co-prévenus non nommés) devant le tribunal correctionnel du Havre pour 2 jours d'audience les 29 et 30 septembre, du renvoi de l'affaire aux 20 et 21 avril prochains, en raison de la grève des avocats alors prévue le mardi 30 (septembre), des raisons de cette comparution (faux en écriture et escroquerie), des 3 mois de détention provisoire purgés par le prévenu AMOUR d'octobre 2010 à janvier 2011, etc.

Le second article relate les précisions que M. Michaël AMOUR a souhaité apporter au premier dans le cadre d'un droit de réponse, et la position de la rédaction (copie ci-après).

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La vedette, c'est Fernando !

Intrigué par l'absence de toute précision, dans ces 2 articles, concernant les co-prévenus de M. AMOUR, et désireux d'en savoir plus sur les faits précis qui leur sont reprochés, j'ai choisi de prendre mon temps. Et j'ai bien fait, car ce que je subodorais s'est vérifié: notre ami Fernando de ALMEIDA GOMES tenait bien le premier rôle dans cette affaire...

Il y est en effet prévenu 1°) d'avoir été complice des délits de faux et usage de faux commis par Michaël AMOUR et un nommé Patrick ROCACHER (un comparse dont il sera question plus loin);

2°) de corruption active pour obtenir de Michaël AMOUR, alors notaire, l'établissement d'attestations ou de certificats faisant état de faits matériellement inexacts;

3°) de corruption active d'un cadre bancaire (par versement de commissions indues) pour l'octroi par ce dernier (en violation des ses obligations légales, contractuelles ou professionnelles) de financements par le biais d'avances patrimoniales ou l'escompte d'une lettre de change;

4°) d'usage d'une fausse attestation de propriété (établie au nom de Patrick ROCACHER par Michaël AMOUR) pour obtenir, en usant de corruption sur ledit cadre de la Société Générale (M. Christian MEREL), la remise de fonds d'un montant de 290 000 €;

5°) d'avoir, en employant des manières frauduleuses, trompé la Société Générale, "dans le cadre de l'obtention d'avances patrimoniales au profit de Christophe MERIER sur la base d'une garantie aléatoire attestée le 21 février 2007 par Maître PELTIER, notaire à Caen, sur des fonds mis provisoirement sous séquestre, et en usant de corruption sur Christian MEREL, pour obtenir la remise de fonds d'un montant de 243 500 €".

 

Michaël AMOUR, second couteau

Avec deux chefs d'inculpation seulement (faux et usage de faux, escroquerie), notre ami Michaël ne fait pas le poids. Il n'est en effet prévenu que de

1°) falsification (le 16 janvier 2007) d'une attestation de propriété concernant le programme immobilier Charles VII à Harfleur, et d'avoir sciemment fait usage de cette attestation;

et 2°) d'avoir, en employant des manières frauduleuses, trompé la Société Générale, en produisant cette fausse attestation de propriété établie au nom de Patrick ROCACHER, pour la déterminer à remettre des fonds soit 290 000 €, avec cette circonstance que les faits ont été commis par une personne dépositaire de l'autorité publique dans l'exercice de ses fonctions (Michaël était alors notaire à Criquetot l'Esneval).

Second couteau peut-être, mais notaire (circonstance aggravante qui lui a sans doute valu, malgré un casier judiciaire vierge jusque là, de faire au cours de l'instruction près de 5 mois de détention préventive, d'octobre 2010 à mars 2011). De son côté Fernando dormait lui aussi en prison, du 6 janvier au 20 juillet 2011. Christian MEREL, le cadre bancaire prévenu d'escroquerie et de corruption passive, y fit aussi un bref séjour, du 26 janvier au 2 mars 2011. Les 3 derniers prévenus n'ont été soumis qu'à un contrôle judiciaire, à compter de décembre 2010 pour l'un (Patrick ROCACHER), de juillet 2011 pour le second (Christophe MERIER), et de février 2012 pour le troisième (Jean-Claude BRAIZAT).

 

 

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Fernando, photo parue dans Ouest-France le 9 juin 2006

 Les exploits du flamboyant Fernando, petit rappel...

On ne présente plus Fernando de ALMEIDA GOMES, le flamboyant « homme d'affaires » (pourtant interdit de gérer depuis 1996) venu dans la région caennaise au cours des années 2000 pour réaliser, entre autres, les « Hauts de Venoix » à Caen (au nom de la Sarl éponyme du promoteur rochelais Philippe CLEMENCIN), et à Douvres la Délivrande les « Jardins de Notre-Dame » (Sarl en liquidation depuis 2007, même promoteur).

Le même Fernando qui se fit délivrer, sur les terrains naguère horticoles de l'Institut Lemonnier (sous la direction à l'époque de M. Eric MOISSET, et M. Luc DUNCOMBE, auteur d'une opportune modification du POS en ces lieux faisant alors fonction de maire-adjoint à l'urbanisme) deux bons gros permis de construire qu'il se hâta de refiler à Nexity Georges V (ce qui était sans doute prévu dès l'origine).

Le même Fernando promoteur en son nom propre, le long du canal, d'une « Villa des Dames » au permis de construire déclaré illégal malgré le soutien jusqu'au bout des municipalités successives (équipes LE BRETHON et DURON confondues), devenue « Sarl Villa de Tourville » suite à la déconfiture de la première, pour finir en liquidation judiciaire comme il se doit, après avoir englouti près de 2 millions d'euros judicieusement investis dans l'affaire par l'industriel irlandais Frank O'Kane (fort opportunément décédé en 2007).

Bref, un joli palmarès pour Fernando, en matière de liquidations judiciaires, dont celle de la Sarl « Palais Victoria » à Grasse (SIREN 490 144 722), qui mérite une mention toute spéciale.

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Les «  bons  » conseils de l'UBS

(Union des Banques Suisses)...

Créée le 15 mai 2006, cette Sarl « Palais Victoria », au modeste capital de 8000 € (et en liquidation judiciaire depuis le 18 mai 2009), avait pour cogérants notre Fernando ainsi que M. Christophe MERIER, un de ses fidèles lieutenants, et aussi l'un de ses co-prévenus dans l'affaire qu'aura à juger le tribunal correctionnel du Havre en avril 2015.

L'histoire commence fin 2004 quand un boucher de Bègles gagne 26 millions d'euros à la loterie d'Euro Millions. Celui-ci aide son frère, également petit commerçant, à se lancer dans les affaires en rachetant l'hôtel Victoria de Grasse, ce dans le but, évidemment, de revendre rapidement ce bien, et de réaliser au passage une confortable plus-value. Humain, trop humain...

Parmi les gens qui eux aussi aiment l'argent (celui des autres en premier lieu), il y a bien sûr Fernando et ses pareils (cf. les millions de Frank O'Kane, par exemple), mais il y a aussi et surtout les banques, et notamment les banques suisses. On sait UBS (maison-mère suisse et filiale française) poursuivie en France pour « démarchage illicite » et « blanchiment aggravé de fraude fiscale » (voir en annexe deux articles du Monde des 7 juin 2013 et 23 juillet 2014).

La soudaine fortune des frères BRUN intéresse bien sûr UBS, comme en témoigne un courrier d'avril 2005 publié par Charlie Hebdo en 2013

http://www.charliehebdo.fr/news/evasion-fiscale-les-banquiers-suisses-piquent-nos-riches-818.html

et c'est « naturellement » aussi la société UBS Immobilier France qui est chargée (moyennant commission) de proposer à M. Stéphane BRUN, l'ancien buraliste, une liste d'acquéreurs potentiels pour son hôtel. On ne fera pas l'affront à ces banquiers suisses de les croire naïfs ou mal informés. Sur leur liste de candidats figure pourtant notre ami Fernando (alors interdit de gérer depuis 10 ans, rappelons-le). Prétendument milliardaire, c'est lui qui sera retenu (il porte beau, se déplace en avion, ou en Jaguar, a toujours un notaire dans ses bagages, et sait vous inviter dans les meilleurs restaurants). Insolvable, il ne versera jamais un sou. Et il faudra des années à M. Stéphane BRUN pour récupérer son hôtel, puis pour obtenir des tribunaux qu'ils condamnent UBS à le dédommager pour « défaut de conseil et d'information » (Le Figaro, 15 novembre 2013).

 

 Les conseils de Madame à la victime du client de Monsieur...

Ce qu'on apprend enfin, en consultant sur Legifrance l'Arrêt de la Cour de Cassation du 28 juin 2012 (un des nombreux épisodes de ce marathon judiciaire), c'est que Madame ANNACHIARICO (en fait ANNICHIARICO), la directrice d'alors d'UBS Immobilier France (ou de UBS Wealth Management, c'est selon), était présente lors de la signature du contrat liant les sociétés respectives de M. BRUN et de notre ami Fernando. Et aussi qu'elle... était l'épouse du conseil de l'acquéreur (la société FGOMES de Fernando) !

Les conseilleurs ne sont pas les payeurs, c'est connu, et le monde des affaires est décidément tout petit...

 

C'est tout pour aujourd'hui, et au prochain numéro pour tenter de cerner le petit monde s'affairant autour de Fernando, apprendre quelles sont dans cette affaire les parties civiles, et essayer de mieux comprendre ce qu'on reproche à nos héros, tous présumés innocents bien entendu, tant que la justice n'en aura pas décidé autrement...

 

 

Annexes

Le Monde du 7 juin 2013

http://www.lemonde.fr/economie/article/2013/06/07/la-banque-ubs-suisse-mise-en-examen-pour-demarchages-illicites_3425826_3234.html

Le Monde du 23 juillet 2014

http://www.lemonde.fr/economie/article/2014/07/23/la-banque-ubs-mise-en-examen-pour-blanchiment-aggrave-de-fraude-fiscale_4461786_3234.html

Cour de Cassation, chambre civile 1, 28 juin 2012, pourvoi 11-1954

http://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000026095277&fastReqId=1179456204&fastPos=1

mardi, 12 août 2014

L’arrêt du 14 mai 2014 de la Cour d’appel de Caen dans l’affaire MOISSET-HIVONNET (Institut Lemonnier)

Dans une note du 2 avril dernier (il en a passé de l’eau sous les ponts de l’Orne depuis 4 mois !), je vous donnais rendez-vous à la mi-mai pour prendre connaissance de l’arrêt de la Cour d’appel dans l’affaire MOISSET-HIVONNET.
Mais à la mi-juin, je n’en avais toujours aucune nouvelle. Je n’avais rien vu sur ce sujet dans la presse locale, que je ne consulte il est vrai qu’épisodiquement. Et je n’étais pas le seul. A un lecteur de ce blog qui m’interrogeait à ce propos, j’indiquais le 19 juin que j’avais néanmoins appris (par l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours) que cet arrêt serait pour le moins surprenant… Mais j’attendais de voir sur pièces, plutôt que d’avancer des informations qui auraient pu s’avérer inexactes ou incomplètes.


Jugement public, privé de copie ?

Début juillet enfin, n’y tenant plus, et sur la foi d’informations publiées sur un site officiel (http://vosdroits.service-public.fr/particuliers/F1379.xhtml), où il était précisé que « Si le jugement a été prononcé publiquement, toute personne peut demander copie du jugement »), je me suis adressé au greffe de la Cour d’appel pour obtenir la copie souhaitée. Mais on m’y a déclaré que je ne pouvais l’obtenir sans l’accord de M. le Président de la Chambre des appels correctionnels, qu’on interrogerait sur ce point. Et j’ai reçu à la mi-juillet une réponse négative, qu’on pourra consulter ci-dessous (et agrandir...).

Chambre correctionnelle de la cour d’appel de Caen, arrêt du 14 mai 2014, Eric MOISSET, Jean-Marie HIVONNET architecte, AIPL (Institut Lemonnier), legs Louis Michel Lecrosnier, Sites et habitat, SCI JMT, SCI Le Concorde, François PELTIER notaire, José-Antoine PELTIER notaire, Anne-Sophie PELTIER née CABROL

Il n’était donc pas possible de me délivrer une copie de cet arrêt. Impossibilité sans doute toute matérielle (greffe surchargé, congés annuels, etc.), puisque l’article R156 du Code de procédure pénale (texte de 1959 modifié en 1972, et plus jamais depuis) ne prévoit aucune condition restreignant la communication « des arrêts, jugements, ordonnances pénales définitifs et titres exécutoires ».
http://www.legifrance.gouv.fr/affichCodeArticle.do?idArticle=LEGIARTI000006518105&cidTexte=LEGITEXT000006071154
Mais finissons-en. J’ai enfin une copie de cet arrêt, et ça ne m’a pas coûté un sou…


Relaxe pour tout le monde…

La lecture d’un jugement ou d’un arrêt, c’est par la fin qu’on la commence. Alors rendez-vous au dispositif de l’arrêt du 14 mai 2014, en sa page 12 (ouvrir le fichier PDF ci-après) :

Arrêt Chbre Correct. CA CAEN du 14.05.2014 Moisset-Hivonnet.pdf

« La Cour infirme le jugement déféré » et « renvoie des fins de la poursuite pour tous les chefs de prévention M. MOISSET Eric et M. HIVONNET Jean-Marie ».
Voilà effectivement une conclusion bien surprenante, quand, en première instance, le 26 juin 2012 (voir la page 4 du même arrêt), le Tribunal Correctionnel avait jugé constitués les délits d’escroquerie et de complicité d’escroquerie au préjudice de l’AIPL (Institut Lemonnier), et condamné pour ces faits M. Jean-Marie HIVONNET, architecte de cet institut, et M. Eric MOISSET, son directeur de 2004 à 2008, à des peines de 8 mois d’emprisonnement avec sursis, à 10.000 € d’amende chacun, et à l’obligation de réparer les dommages subis (rembourser ensemble 118.404 € ainsi que 47.840 € pour le seul J-M HIVONNET).  
Mais même si ce qui était noir pour le Tribunal Correctionnel en juin 2012 est redevenu intégralement blanc pour la Cour d’appel en mai 2014, il n’y a là bien sûr rien à redire, compte tenu du principe de double degré de juridiction, accordant à tout prévenu le droit de voir son affaire jugée deux fois, en fait et en droit.
Semblable arrêt est cependant un désaveu sur toute la ligne de la décision des premiers juges, et il est légitime de se demander pourquoi. La réponse se trouve pour l’essentiel aux pages 8 à 11 (pages 8 à 10 concernant la facture de 118.404 €, pages 10 à 11 concernant celle de 47.840 €).


Motifs de la relaxe

Pour les premiers juges, la première facture de 118 404 € était une facture d’honoraires « visant des prestations pour études et recherche (…) ne correspondant pas à la réalité du travail prétendument effectivement accompli », comme à la nature de ce travail, « s’agissant en réalité pour M. HIVONNET  (…) de percevoir une « commission pour risque » dans une opération immobilière » distincte de celle visée par la facture (soit la surenchère portée à 700 000 € sur la maison d’Ifs léguée à l’Institut par M. Louis Michel Lecrosnier, initialement estimée à 560 000 € par Me LISCH, notaire du défunt).
Sur la foi des analyses d’un « expert construction » (M. PREVOST), collègue architecte missionné par M. HIVONNET), et sur celle de l’attestation d’un promoteur-constructeur de Cabourg (M. Thierry BLACHER), les juges d’appel considèrent quant à eux qu’il n’y a pas lieu de mettre en doute la réalité du travail effectué pour 118.404 € (soit 3% de 3 300 000 €), s’agissant d’études pour la « revalorisation du site des anciens ateliers, recherches d’axes d’aménagement, avant projet pour dépôt du permis de construire », ni de voir de relation entre le paiement de cette facture et le compromis de vente passé entre l’Institut et une SCI de M. HIVONNET, fixant à 700 000 € le prix de la maison d’Ifs, prix pratiquement confirmé par l’estimation des domaines (et finalement payé par le contribuable après préemption de cette maison par Caen-la-Mer).    

S’agissant de la seconde facture de 47.840 € (« honoraires visant des prestations d’assistance pour mise en place d’une chaufferie bois »), le Tribunal Correctionnel avait semblablement conclu à des manœuvres frauduleuses, ces honoraires « ne correspondant pas à la réalité du travail prétendument effectivement accompli ».
Tel n’est pas là encore l’opinion des juges d’appel, considérant qu’un document de 162 pages versé aux débats « correspond à la facture litigieuse » et à « une prestation réelle de M. HIVONNET ».

 S’agissant ensuite de ce que le Tribunal Correctionnel considérait comme le remboursement de sommes indues à M. MOISSET (3° et 4° de la page 11 de l’arrêt du 14 mai 2014), les juges d’appel considèrent « que les pratiques comptables de l’Institut autorisaient le remboursement de ces frais » (« cadeaux sans destination identifiée », « achats sans lien direct avec l’activité », comme celui d’« une banquette lit et la housse », « achats de vin, d’une montre et d’un réveil (…) déclarés sur les notes de frais » ), et que « En conséquence aucune manœuvre frauduleuse n’est caractérisée… ».


Insuffisance de l’enquête préliminaire

S’agissant enfin du chèque de 5000 € de la société Sites et Habitat (une des sociétés de M. HIVONNET) que, selon le Tribunal Correctionnel, M. MOISSET aurait détourné en l’encaissant à titre personnel « alors qu’il aurait du revenir à l’AIPL », la Cour, notant que « les déclarations des prévenus varient quant à l’objectif du chèque litigieux », n’en conclut pas moins à la relaxe du chef d’abus de confiance, se fondant sur les insuffisances de l’enquête préliminaire qui «  ne permet pas d’établir que ce chèque (…) n’a pas réellement servi à l’achat de chèques cadeaux distribués aux élèves de l’Institut ».

En bonne justice, le doute doit effectivement profiter au prévenu. Il n’en reste pas moins qu’une enquête préliminaire plus sérieuse aurait peut-être permis d’éviter quelques (coûteuses) années de procédure pour rien.
S’agissant du legs Louis Michel Lecrosnier, notamment, et de l’acquisition des appartements par la SCI Le Concorde, une enquête un peu plus poussée n’aurait sans doute pas conclu à l’absence d’infraction pénale, comme indiqué dans cet arrêt page 8 (3ème alinéa).
Un juge d’instruction se serait sans doute demandé pour quelles raisons, bonnes ou mauvaises, M. Eric MOISSET, comme les frères PELTIER, notaires intervenant dans cette affaire de legs, et l’épouse d’un d’eux, figuraient au nombre des associés de cette SCI Le Concorde…

Les esprits curieux trouveront sans doute dans les archives de ce blog quelques informations utiles à la compréhension de cette histoire de legs…

En commençant peut-être par cette note du 16 mai 2012:

http://caennaissivoussaviez.hautetfort.com/archive/2012/05/16/m-eric-moisset-en-correctionnelle-le-22-mai-prochain-les-abs.html

 

 

 

 

mercredi, 02 avril 2014

MM. Eric MOISSET et Jean-Marie HIVONNET en appel, petit compte-rendu d’audience…

Histoires de factures

Il y a du monde ce 31 mars sur les bancs du public, dans la salle réservée aux audiences de la Chambre correctionnelle de la Cour d’Appel de Caen, au premier étage du Palais Gardin.
L’audience était fixée à 14 heures, et trois petites heures ont suffi pour expédier les affaires courantes (le menu fretin des violents, des petits voleurs, des petits escrocs, et autres conducteurs sans permis). Mais ce n’est qu’après 17 heures qu’on passe aux choses sérieuses avec l’examen de l’appel formé par MM. Eric MOISSET et Jean-Marie HIVONNET contre le jugement du Tribunal Correctionnel de Caen, rendu contre eux pour escroquerie et complicité d’escroquerie le 26 juin 2012.
Après le classique interrogatoire d’identité, au cours duquel M. MOISSET se déclare chômeur indemnisé par Pôle Emploi depuis environ 18 mois (alors qu’on le croyait, depuis six bons mois au moins, responsable d’agence d’une société de formation et de conseils aux entreprises dans une grande ville de l’Ouest), l’un des deux assesseurs du Président s’attelle à la (rude) tâche d’exposer le plus clairement possible l’état du dossier, sans oublier le contexte global de l’affaire.

Eric MOISSET, ancien directeur de l’Institut Lemonnier

Un chômeur très occupé (copie d'écran le 01/04/2014, cliquer pour agrandir)


Le contexte : un legs non dépourvu d’intérêt…

On apprendra à l’occasion, à ce moment comme à d’autres de cette longue audience de près de 4 heures, que les notaires chargés de la vente des biens immobiliers légués par M. Louis Michel Lecrosnier à l’Institut Lemonnier (MM. José-Antoine et François PELTIER, sans oublier Mme Anne-Sophie PELTIER née CABROL, épouse de l’un d’eux) ont pris très tôt des intérêts très conséquents dans une SCI « Le Concorde » qui se porte acquéreur de la majeure partie de ces biens, et dont la gérante est Mme Nicole MOUSSAY, associée à l’origine de cette SCI avec M. et Mme Sylvain LEFEVRE.
Pour plus de précisions sur ce point, on consultera avec profit ces 3 textes de mars et mai 2012 :

http://caennaissivoussaviez.hautetfort.com/archive/2012/05/16/m-eric-moisset-en-correctionnelle-le-22-mai-prochain-les-abs.html

http://caennaissivoussaviez.hautetfort.com/archive/2012/03/18/lemonnier-comment-marchands-de-biens-notaires-et-directeur-d.html

http://caennaissivoussaviez.hautetfort.com/archive/2012/03/25/titre-de-la-note.html

Dans le même contexte de ce legs, d’autres sujets d’étonnement attendent la Cour, comme le désaisissement express du notaire du légataire, Me LISCH, au profit de l’étude des frères PELTIER. On ne laissera paraît-il à Me LISCH que le temps de rédiger une déclaration de succession portant sur les seuls biens immobiliers du défunt, sans lui permettre de dresser un inventaire des biens mobiliers se trouvant au décès de ce dernier dans sa maison du 931 route de Caen à Ifs, maison estimée 540.000 € par ce premier notaire, et vendue 700.000 € à Caen-la-Mer, par la grâce d’une savante interposition (risquée paraît-il) de la SCI JMT, dont M. HIVONNET est l’un des deux co-gérants (SCI JMT au capital de 1000 €, immatriculée au RCS le 21 août 2008, SIREN 503295339)…
Il n’y aura jamais d’inventaire des biens mobiliers laissés par M. Louis Michel Lecrosnier à son domicile… Et M. MOISSET se chargera -bénévolement- du déménagement, ne rapportant à l’Institut Lemonnier que 2 armoires normandes (pas d’autres meubles, ni d’objets d’art, comme des œuvres du défunt ou des toiles de Garrido, ni rien d’autre…); mais il veillera aussi à indemniser ses assistants (tout aussi bénévoles dans cette rude tâche) par le don, notamment, de quelques  bouteilles de vin financées par l’Institut, au titre de ses frais professionnels...


Motifs des condamnations de première instance

Toutes ces bizarreries étonnent grandement le Président et ses 2 assesseurs, mais ils ne peuvent évidemment prendre en considération, pour confirmer ou non le jugement qui leur est déféré, que les faits incriminés en première instance, à savoir le paiement à la société « Sites et Habitat » de l’architecte Jean-Marie HIVONNET (promotion immobilière, SIREN 418885927) de 2 factures, l’une de 118.000 € TTC environ, la seconde de 47.840 € TTC, ainsi que l’encaissement par M. MOISSET d’un chèque de 5000 € de la même société « Sites et Habitat », et de prétendus remboursements de frais de moindre importance.
Ces deux factures sont formellement justifiées, selon les prévenus, pour la première par une étude consacrée à la possible urbanisation d’un terrain appartenant à l’Institut (et donc vendable si constructible), et pour la seconde par une autre étude portant sur la faisabilité et les économies escomptées de la réalisation d’une chaufferie au bois.
Ce sont ces deux factures qui ont valu à M. HIVONNET une condamnation pour escroquerie (le Tribunal Correctionnel ayant semble-t-il conclu à l’inexistence ou au moins à une considérable surestimation des travaux facturés), et à M. MOISSET une semblable condamnation, mais cette fois pour complicité d’escroquerie.
Ce dernier avait par ailleurs bénéficié d’une décision de relaxe pour les autres motifs de poursuites (le fameux chèque de 5000 € de « Sites et Habitat », des remboursements de frais de mission pour plus de 12.000 €, y compris l’achat de vins et d’une banquette-lit…).
Il pourrait en aller autrement cette fois, dès lors qu’interrogé par le Président, notamment sur ce chèque de 5000 €, M. MOISSET a fini par abandonner la thèse farfelue du don de la société « Sites et Habitat » destiné aux élèves de Lemonnier (pourquoi passer par le compte personnel du directeur ?), et déclaré à l’audience que cette somme rémunérait une activité d’apporteur d’affaires de sa société « Educ Immo » à celles de M. HIVONNET…


Vrai travail ou fausses factures ?

C’est donc essentiellement sur les 2 questions factuelles 1°) de la réalité des études effectuées et 2°) de l’existence d’une commande en bonne et due forme de ces travaux que porteront les débats, entre, d’une part les questions ironiques du Président (par exemple pourquoi, quand on est un professionnel de l’immobilier, demander un permis de construire dont on sait qu’il ne peut être accordé en l’état des règles d’urbanisme applicables à la zone considérée ?), et d’autre part les plaidoiries des parties civiles (Me Jean-Jacques SALMON pour l’AIPL Institut Lemonnier, Me Nathalie RIVIERE pour le CE de l’établissement), le réquisitoire de l’avocat général, et les plaidoiries de la défense.
Un système de défense d’ailleurs assez curieux pour M. MOISSET, arguant notamment de l’impossibilité de mettre en cause sa responsabilité pénale dans cette affaire, au motif qu’en honorant des factures il n’agissait qu’en qualité d’employé de l’institution, dont on ne pourrait mettre en cause que la compétence… ou l’incompétence (ne supposant d’autre sanction que le licenciement)…
La plaidoirie de Me CARATINI (défenseur de M. HIVONNET) sera un peu plus consistante, et fondée pour l’essentiel sur l’affirmation pure et simple de la réalité des travaux facturés par son client.


Le temps, c’est de l’argent…

Près de 4 heures de débats auront néanmoins permis d’éclaircir enfin quelques points, comme l’étonnante rapidité des sociétés de M. HIVONNET à satisfaire les demandes de ses clients. Ainsi, pour une commande formelle du 17 mars 2008, la facture (de plus de 118.000 € TTC tout de même) est émise dès le 20 mars, et réglée sans délai…
Sans même examiner la consistance des études produites (dont doutent évidemment les parties civiles et le représentant du parquet), cette exceptionnelle célérité pose question…
Interrogé sur ce point par le Président, M. HIVONNET assure qu’il s’agit là de pratiques courantes dans sa profession et les affaires de ce genre: on facture après coup au client des travaux qu’il n’avait pas formellement commandés au préalable, et dont le coût est paraît-il très raisonnable…

Les débats sont clos vers les 20h 45, et la Cour se donne 6 semaines pour rédiger son arrêt, ce qui n’est pas de trop dans une affaire dont bien des aspects restent obscurs (et le resteront peut-être à jamais, malheureusement).
Rendez-vous donc à la mi-mai pour prendre connaissance de cette décision.