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lundi, 10 novembre 2008

Visite à la (petite) patrie du Phénix de l’université de Caen...

L’ancêtre du Phénix

est de plâtre blanc,

au pays du tuffeau...

La consultation de ce blog deviendrait vite insupportable, j’en conviens, s’il n’était possible d’y glisser de temps en temps un petit moment de récréation. Voilà pourquoi je vous invite aujourd’hui dans une (naguère) petite commune du Loir et Cher, aujourd’hui rattrapée par la péri-urbanisation. En route pour Naveil, aux portes de Vendôme (itinéraire recommandé).

 

Naveil, tout le monde descend...

Pour sacrifier à la sacro-sainte tradition des congés payés, dans la limite des moyens -très modestes- qui étaient les nôtres à l’époque, nous avions en juillet 1989 décidé d’aller passer une quinzaine de jours dans le Perche vendômois.

Nous voilà donc à Naveil, où une visite de courtoisie s’impose, s’agissant de la commune d’origine d’un grand-père disparu, loin de chez lui, en 1955... Rien de tel pour se mettre en condition qu’une petite promenade au coeur du village (église, mairie, écoles). En fait de coeur (de coeur de bourg, comme on dit aujourd’hui), on est ici à l’extrémité de la zone urbanisée, face aux champs et à la vallée du Loir. La commune est manifestement éclatée en une multiplicité de hameaux, entre lesquels se sont agglutinés des pavillons des années soixante. Mais voilà que, dans ce décor parfaitement banal (comme chez nous la traversée de Biéville-Beuville, pour donner un exemple), il se passe quelque chose d’incongru. De curieuses apparitions nous font signe, aux fenêtres d’un bâtiment que rien de particulier ne signale...

 

Etrange apparition

A l’intérieur en effet, parmi d’autres sculptures, plusieurs maquettes immaculées de notre Phénix, aujourd’hui vilainement masqué à Caen par une station du trolleybus guidé (ce TVR improprement rebaptisé tram).

Mais que font donc ici tous ces phénix, comme un autre trait d’union pour nous entre Caen et Naveil ? Que font ici tous ces chevaux, ces taureaux, ces cervidés, tous ces personnages, toutes ces formes déclinées dans les matières les plus diverses (bois, pierre, fer, cuivre, bronze, et le plâtre des maquettes...)? Quel est ce lieu si étrangement favorable à cette fantasmagorique biodiversité? Et de quel feu sacré l’oiseau fabuleux et unique s’est-il un jour extrait pour renaître?

Phénix étude platre quart grandeur 1953.jpg

L’atelier-musée Louis Leygue à Naveil

Nous l’apprendrons bientôt, l’esprit des lieux se nomme Louis LEYGUE (1905-1992), sculpteur et Prix de Rome 1931. Nous sommes devant son atelier, légué à la ville de Vendôme pour y accueillir une petite partie de son oeuvre (pour l’essentiel monumentale et qui ne peut donc y figurer), des études, des ébauches, des maquettes. Ce petit musée est ouvert au public : Atelier-musée Louis Leygue, rue des Venages, Naveil - 41100 Vendôme -Tél: 02 54 77 85 37 (mairie) Ouvert le jeudi de 10h à 12h et de 14h à 18h, et le samedi de 14h à 18h).

Le village de Naveil, où ses beaux-parents étaient enseignants, devient en effet dans les années 50 l’endroit où Louis LEYGUE peut se consacrer à ses recherches, depuis lors tournées pour l’essentiel vers le travail du métal.

A l’époque, il y a dans tous les villages un maréchal-ferrant, le tracteur n’ayant pas encore fait disparaître le bon vieux percheron. De la forge de Naveil, devenue l’indispensable complément de l’atelier, sortent de bien peu banales productions, comme ce Triptolème parti ensemencer le monde (1950, fer, dimensions 1,37 x 1,45 x 0,6m, 16 kg, réalisé par découpage et modelage au marteau d’une feuille de métal).

Triptolème.jpg

Le Phénix, et autres oeuvres...

De bronze cette fois, le Phénix a été conçu en 1953. Mais c’est en 1955 qu’il est porté aux dimensions que nous lui connaissons (hauteur 8 mètres) pour être installé devant l’Université (architecte Henry BERNARD), à laquelle manquent encore les deux ailes de Lettres et de Sciences.

phénix vers 1960.jpg

C’est encore avec Henry BERNARD (auquel on doit aussi à Caen l’église St Julien, en contrebas de l’Université) qu’il participe en 1962 à la décoration du grand auditorium de la Maison de la Radio (Paris) par la réalisation de 2 vastes compositions pariétales (2 fois 10 mètres (Les bruissements de la forêt et Les rumeurs de la ville) ainsi que du soubassement des grandes orgues.

Sans nous aventurer dans une relation exhaustive de l’oeuvre, abondante et multiple, de Louis LEYGUE, auquel son ami Pierre Cruège a consacré en 2000 un livre publié aux Editions de l’Amateur (voir aussi le site http://www.louis-leygue.fr/chronologie.php), on signalera seulement sa participation en 1938-1939 à la décoration intérieure de la nouvelle ambassade de France à Ottawa, aux côtés de GROMAIRE et de Charles-Edouard PINSON, autre artiste très présent à Caen (Université, Chambre de Commerce, etc.).

http://www.ambafrance-ca.org/galerie/genese/artistes/leyg...

http://www.ambafrance-ca.org/galerie/genese/artistes/pins...

http://www.ambafrance-ca.org/galerie/genese/artistes/grom...

Signalons encore le Monument aux déportés de l’Ain (1949, bord du lac à Nantua), et le Cavalier tombé, oeuvre de 1945, agrandie et fondue en 1985 pour prendre place devant l’Hôtel de Ville de Vendôme.

le cavalier tombé maquette 1945.jpg

Redonner au Phénix la place qu’il mérite...

Vingt ans après notre première visite à Naveil, cela fait maintenant six ans qu’à Caen une station de notre prétendu « tram » (mis en service fin 2002) masque vilainement l’oeuvre de LEYGUE, dont la plus grande réussite est sans doute de s’être imposée depuis 50 ans comme un symbole et un repère « naturel » dans la ville. Il serait instructif de faire le recensement de ses « produits dérivés », de 1957 à nos jours (le restaurant universitaire, par exemple, utilisait dans les années 60 des assiettes siglées à son image). On se donne par ailleurs rendez-vous « au Phénix », pas à Jeanne d’Arc, à Louis XIV ou Du Guesclin. Et si on ignore souvent à qui on doit cette sculpture, si familière qu’elle pourrait être dépourvue de tout auteur strictement défini (comme ces chansons traditionnelles dont la popularité même a relégué l’auteur dans l’anonymat), il est par contre bien établi pour tout le monde qu’on ne la doit pas au ciseau de Jean-Claude DECAUX, lequel fait le beau métier de vendre du temps de cerveau disponible sur sanisettes et autres éléments de mobilier urbain...

Je n’ai rien contre les abribus Decaux, assez sobres, publicité et automates de billetterie mis à part. Mais je trouve inconvenant qu’on ait barré la perspective entre le château et l’université en exhibant une station de « tram », et en cachant le Phénix derrière. La platitude d’une fontaine en béton quadrangulaire et surdimensionnée, sur l’esplanade de la Paix côté château, n’a par ailleurs rien arrangé...

Alors, de grâce mesdames messieurs les décideurs, trouvez-nous les quelques milliers d’euros nécessaires pour installer le Phénix dans un endroit digne de lui, à l’autre extrémité de la pelouse par exemple...

 

 

 

 

 

 

mardi, 04 novembre 2008

152 rue St Jean...

 

Invitation au showroom

Au courrier aujourd’hui, une enveloppe à mon nom, postée à Rouen. Et à l’intérieur, un carton d’invitation. Je vous laisse en découvrir la teneur.

inauguration du showroom.jpg


Je suis certes très touché de la délicate attention de Monsieur D. GOMES. Mais je ne suis pas trop intéressé par les travaux de menuiserie métallique et de serrurerie de la SARL SERRURE ELEC, ni par les services de la cordonnerie DERREUMAUX, désormais organisateurs de shows en chambre au 152 rue St Jean. Je ne suis par ailleurs pas libre vendredi prochain, à l’heure du cocktail. Monsieur D. GOMES voudra bien m’excuser…





 

dimanche, 26 octobre 2008

La cité-jardin de la Haie Vigné après huit ans d’abandon, et divers bricolages peu glorieux...

Une enquête publique manipulée,

un premier permis de construire

retiré in extremis par Caen Habitat

en 2002, 8 ans de perdus

sous Brigitte Le Brethon,

et ça continue...

 

Différences de traitement

pour les cités-jardins de Caen

Les cités-jardins caennaises n’ont pas toutes la chance de la Cité des Rosiers. Cette dernière fait partie du patrimoine de l’OPAC, office départemental qui par définition n’a pas vocation à être, aujourd’hui comme hier, présidé par un élu caennais. Elle a aussi bénéficié du soutien de gens influents, et a grâce à eux obtenu une protection pour 3 ans au titre des monuments historiques.

Mais la raison pour laquelle cette cité n’est pas aujourd’hui menacée de démolition-reconstruction, comme le Clos Joli et le Clos charmant (le long et en arrière de l’avenue Georges Clemenceau, entre l’hôpital et Castorama, aux limites d’Hérouville), tient peut-être, avant tout, à la différence de conception du logement social que peuvent avoir les deux offices, OPAC et Caen Habitat. L’OPAC avait certes un projet de démolition-reconstruction radical de la Cité des Rosiers. Mais il l’a mollement défendu, et a admis la décision de la DRAC, en attendant la finalisation d’un projet compatible avec la nécessaire préservation de l’essentiel (la conservation des premiers logements sociaux construits dans notre ville).

Différence de conception en effet, car dans un contexte bâti similaire (Clos Joli et Clos charmant), l’OPAC a naguère réhabilité l’habitat existant (quitte à lui adjoindre les annexes nécessaires), quand l’office municipal Caen Habitat le déclarait obsolète et irrécupérable, et murait à tout va. Sans pour autant reconstruire sur le site...


Le blues des habitants de la cité

La question de la cité-jardin de la Haie Vigné revient ces temps-ci à l’ordre du jour (Ouest-France du 15 septembre 2008, consultable ici). Mais il faut sans doute mettre quelques bémols à l’article de Laurent NEVEU, quand il écrit par exemple, à propos de ces grosses maisons découpées chacune en quatre logements: « Depuis de nombreuses années, leurs occupants se battent pour qu’elles soient rasées, puis reconstruites, dans l’esprit original de la cité mais avec un confort plus actuel ».

Et d’ajouter: « Un projet de rénovation du quartier a été arrêté en 2006, « qui faisait l’unanimité » soulignent de nombreux habitants. (...) Le rêve s’écroule le 11 juillet dernier. (...) On nous a dit qu’il n’y aurait pas de travaux tout de suite, que l’Equipement rejetait le projet... ».

Laissons de côté, pour le moment, le dernier épisode (lettre de l’Equipement, nouveau projet de X. LE COUTOUR). Et occupons-nous des lacunes et des inexactitudes du récit de Laurent NEVEU.


Projets pour la Haie Vigné de 2000 à 2008

1. la réhabilitation envisagée

D’abord, ce ne sont évidemment pas les habitants qui se sont battus pour qu’on rase leur cité... L’histoire des projets concernant la Haie Vigné est bien différente de la fable qu’on nous sert aujourd’hui.

A l’origine, au cours des années 90, Caen Habitat s’interroge sur les différents scénarios possibles pour la (nécessaire) remise à niveau de cette cité (et des autres cités ouvrières de Caen). Cette réflexion est tout à fait justifiée dans son principe, et les réalisations de la cité Guynemer, sur la rive droite (à l’arrière de la clinique du Parc), en montrent l’aboutissement, qu’on peut saluer comme une réussite, dans ce contexte précis.

Mais les logements de la Haie-Vigné ne sont pas aussi exigus et mal équipés. La réhabilitation n’y est nullement exclue, et un des cabinets qu’on a chargé d’explorer et de chiffrer les solutions envisageables conclut en ce sens, pour un coût sensiblement équivalent à celui d’une démolition-reconstruction. Ce n’est pas moins cher, certes, mais cette solution présente l’avantage de préserver un élément non chiffrable, et néanmoins inestimable, l’aspect patrimonial d’une cité-jardin dont des photos figurent alors à titre de réalisation particulièrement réussie et exemplaire sur le site internet national du ministère de l’équipement et du logement (à la rubrique Histoire de l’habitat social).

La page a depuis longtemps disparu de ce site, et Caen Habitat, dès avant l’an 2000, avait écarté la solution de la réhabilitation. On ne peut dire s’il y a une relation de cause à effet entre cette décision et le toilettage de la documentation, pourtant uniquement de nature historique et culturelle.

Ce ne serait pas la première fois que l’histoire serait revisitée au gré des besoins du moment. Orwell n’a rien inventé, 1984 c’était hier...


2. le projet de révision du plan d’occupation des sols

Au même moment (années 1996-2000), un dossier important suscite bien des débats à Caen: il s’agit de la révision du plan d’occupation des sols (POS), alors vieux de plus de vingt ans, et tellement bricolé au gré des modifications successives qu’il en a perdu toute cohérence. Un audit commandé par la municipalité à MM. FATOME et RAYMOND avait d’ailleurs conclu à sa nécessaire remise à plat.

On nous pardonnera la sécheresse des lignes qui suivent. Mais les précisions qu’elles apportent, sans intérêt apparent pour le commun des mortels, nous sont des repères indispensables pour expliquer dans quel cadre, et par quelles manoeuvres, une procédure démocratique (une enquête publique) peut être vidée de tout sens.

Le conseil municipal de Caen avait donc arrêté le 22 novembre 1999 le projet de plan d’occupation des sols (POS) qui lui avait été soumis par le service municipal de l’urbanisme, après examen de celui-ci le 9 novembre 1999 par la commission n° 3 (Urbanisme, Intégration urbaine, Habitat), et le 16 novembre 1999 par les commissions réunies. Après un nouvel examen par les commissions réunies (le mardi 25 avril 2000) des avis rendus, sur ce projet de POS arrêté, par les Personnes Publiques Associées et les Personnes Publiques Consultées (Chambres de Commerce, des Métiers, d’Agriculture, Préfecture, Syndicat Intercommunal d’Architecture et d’Urbanisme, etc.), le conseil municipal de Caen avait de nouveau examiné ce dossier le jeudi 4 mai 2000.

C’est en cet état que le dossier avait été soumis à enquête publique du 29 mai au 7 juillet 2000.

La commission d’enquête avait ensuite analysé les 215 observations formulées par les caennais qui avaient pris connaissance du dossier (ils auraient été plus de 2600 à s’y intéresser), puis elle avait remis son rapport et ses conclusions à la Ville le 13 octobre 2000.

Après examen de ce rapport et de ces conclusions par la commission n° 3 (Urbanisme, Intégration urbaine, Habitat) le 21 novembre 2000, et par les commissions réunies le 23 novembre 2000, le conseil municipal de Caen avait définitivement adopté le 11 décembre 2000 le projet de Plan d’Occupation des Sols qui lui était soumis, tel que modifié pour prendre en compte les observations de la commission d’enquête, ou plutôt pour aller bien au-delà, ce pourquoi notamment l’association Hastings St Nicolas avait immédiatement introduit un recours contre cette délibération du 11 décembre 2000 (le POS tel que révisé) devant le Tribunal administratif de Caen.

Au nombre des dispositions litigieuses figuraient celles concernant le secteur UBa de la Haie Vigné, qui avaient fait l’objet, après clôture de l’enquête publique, de savants bricolages...


Règles applicables au secteur UBa (cité de la Haie Vigné, etc.) avant l’enquête

Pour des raisons qu’on ne développera pas ici, on avait opté dans le POS (tel qu’il a été arrêté en novembre 1999 et soumis à enquête en juillet 2000) pour des règles qui, concernant cette zone UBa tout du moins, interdisaient de fait des opérations de « démolition reconstruction » du type de celles menées naguère rue d’Hérouville ou à Charlotte Corday (modèle curieusement donné en exemple aux habitants de la cité conviés à la réunion d’information organisée par Caen-Habitat le lendemain même du 11 décembre 2000).

Les Caennais qui avaient pris la peine de s’informer des règles retenues, lors de l’enquête publique de juin et juillet 2000, avaient notamment pu lire, dans le projet de règlement, des dispositions comme celle-ci: « Le secteur UBa vise à préserver les caractéristiques urbaines de certaines portions de rue présentant une identité particulièrement affirmée. », ou encore comme cette autre: « Dans le secteur UBa, les constructions édifiées après démolition d'un bâtiment existant doivent reprendre l'implantation par rapport aux limites séparatives de la construction démolie (...) ».

Il était clair que de telles dispositions rendaient fort improbable la démolition des bâtiments existants (sans possibilité de reconstruire des bâtiments plus vastes, et donc sans intérêt en termes de gain de densité).

Mais c’était sans compter sur la pugnacité et la détermination des partisans de la démolition-reconstruction, soucieux d’arriver à leurs fins par tous les moyens...


La lettre cachée, ou la manipulation de l’enquête...

C’est ainsi que, sans avoir jamais figuré au dossier de l’enquête (et pour cause!), une lettre recommandée parvenue à la Commission après clôture de ladite enquête fut hardiment jointe au dossier, et fut à l’origine d’un remaniement considérable du règlement dans ses dispositions relatives au secteur Uba.

Edgar Allan Poe n’est pour rien dans cette affaire. Mais cette lettre n’émane pas non plus d’un quelconque citoyen de base, peu au fait des règles de procédure concernant les enquêtes publiques, et de la loi en prescrivant la « démocratisation ». Ainsi, pour le commun des mortels, « clôture » signifie qu’après l’heure, c’est plus l’heure. Tel n’est apparemment pas le cas quand le retardataire (ou ses commanditaires) appartien(nen)t au petit nombre des gens qui comptent.

On serait en droit d’en conclure que la procédure d’enquête publique (comme toutes les prétendues concertations, informations des habitants, et tutti quanti) n’a d’autre objet que de mettre en scène un simulacre de démocratie locale, quand les vraies décisions se prennent ailleurs, avec toute la discrétion souhaitable, entre gens de bonne compagnie.

Mais il est temps d’en venir au fait, c’est à dire à la lettre que M. Michel ANGER, à l’époque Directeur Général de CAEN-Habitat, adressait le 6 juillet 2000 (soit la veille de la clôture de l’enquête publique) à Madame BOUET, Présidente de la Commission d’Enquête.


La prose tardive de M. Michel ANGER

On trouvera donc ci-après les passages les plus significatifs de cette lettre, confiée aux services de la Poste pour remise à sa destinataire, censée l’annexer aux registres d’observations consultables par tous les Caennais. Signalons que pour le directeur de Caen-Habitat (dont le siège est à l’époque rue Jean Romain) le bureau de poste le plus proche est à Gambetta, endroit lui-même à mi-chemin entre la rue Jean Romain et l’Abbaye aux Hommes. Laquelle était à 5 minutes à pied sans attente aux guichets... Quant aux délais de distribution d’un recommandé, ils sont évidemment plus longs, comme chacun sait.

Voilà donc le texte en question:

Madame la Présidente,

Dans le cadre de l'enquête publique en cours (...), je voudrais attirer votre attention sur une disposition du règlement tel qu'il est proposé car elle obère toute possibilité de requalification et d'évolution de l'habitat qui se trouve dans cette zone.

Il s'agit d'un groupe d'habitat individuel (60 logements) de la Haie Vigné qui est en Zone UBa. Ces logements qui datent des années 1930 sont obsolètes du point de vue des normes d'habitabilité et d'hygiène. L'Office, conjointement avec la Ville de Caen, étudie actuellement une évolution de ce patrimoine pouvant aller de l'augmentation de la surface habitable à la démolition reconstruction.

Or, si on se réfère au règlement proposé pour cette zone et plus particulièrement aux articles UB6 (page 26), UB7 (page 27) et UB10 (page 29) les dispositions prévues ne permettent pas de travailler à la création d'un habitat aux normes actuelles et qui correspond à l'attente des locataires en place.

Si nous devions appliquer la règle telle qu'elle est écrite dans ce projet de règlement, nous serions obligés de diminuer le nombre de logements. Il faut noter qu'actuellement le coefficient d'occupation du sol est déjà très faible (0,20).

Compte tenu de ces éléments, je vous demande de bien vouloir reconsidérer les règles applicables à ce secteur.

(....)

Cet aspect, de maintien des droits à construire existants, utilisable à discrétion des Maîtres d'Ouvrage, ne peut-il pas être intégré dans les règles de cette zone ou bien peut-il être obtenu des modalités de compensation ?

Je reste à votre disposition pour tout complément d'informations.

En espérant un examen favorable de ces remarques,

Veuillez agréer, Madame la Présidente, l'expression de mes salutations distinguées,

Le Directeur Général,

M. ANGER


Un lézard, mais pas de hasard...

On ne saurait contester le droit d’un employé d’un office municipal à donner son avis sur les règles à mettre en oeuvre en vue de l’évolution du patrimoine bâti de la commune, qu’il réside lui-même à Caen ou que cela ne soit pas le cas. La longue expérience de M. Michel ANGER aux commandes de Caen-Habitat donnait même à son avis beaucoup de poids et d’intérêt. C’était donc là un avis qu’il aurait été souhaitable de voir figurer sur les registres d’enquête dès l’ouverture de celle-ci, cinq bonnes semaines plus tôt.

On peut par contre, par delà la tardivité de l’avis, s’interroger sur la forme qui lui est donnée (par le directeur de Caen-Habitat és qualité, sur papier à en-tête de l’office municipal). Caen-Habitat est en effet un office HLM doté d’un conseil d’administration, dont la présidence est traditionnellement assurée par un adjoint au maire de Caen. C’est à l’époque Pierre-Nicolas BOVALIS, pharmacien de son état à la Guérinière, où il est locataire de l’office (en ce qui concerne les murs de son commerce bien sûr, car il n’habite pas le quartier, cela va sans dire).

Si le directeur, en sa qualité de technicien du logement social, doit évidemment avoir un avis sur tout ce qui concerne le patrimoine de l’office et son évolution, il est moins sûr qu’il lui appartienne de le rendre public en son seul nom. Cet avis doit d’abord être soumis au conseil d’administration, et c’est au politique, le président de ce CA, qu’il appartient de rendre public les critiques éventuelles approuvées par le CA, quant aux conditions auxquelles un document comme le POS peut soumettre le développement nécessaire du patrimoine de l’office.

Ceci dit, il est possible que M. ANGER ait eu une piètre opinion des compétences du conseil d’administration de l’office, purement et simplement considéré comme une chambre d’enregistrement (il y aurait certes à dire sur la désignation de ses membres, et la manière dont étaient « organisées » à Caen les élections des représentants des locataires). Il est possible aussi qu’il ait pensé (légitimement) avoir une meilleure connaissance de la problématique du logement social que celle dont pouvait faire montre M. Pierre-Nicolas BOVALIS.

Il est par contre certain que ce dernier participait de droit à toutes les réunions de la municipalité (pas le conseil municipal, mais la réunion des adjoints autour du maire, pour décider de tous les sujets d’importance, comme la révision du POS par exemple). En sa qualité d’adjoint, M. BOVALIS avait donc pu, en temps voulu, relayer auprès de ses collègues (MM. SOLIGNAC-LECOMTE, Thierry MARC, Luc DUNCOMBE, entre autres) les critiques de M. ANGER relatives au règlement du secteur Uba et de la zone UD. Avant qu’on n’arrête le projet de POS (novembre 1999), tant il est vrai qu’à l’époque la Haie-Vigné était déjà secrétement condamnée à subir une opération de démolition-reconstruction (cf. « L'Office, conjointement avec la Ville de Caen, étudie actuellement une évolution de ce patrimoine pouvant aller de l'augmentation de la surface habitable à la démolition reconstruction. »).

Mais il en va des projets soumis à l’approbation du bon peuple (lors d’une enquête publique) comme des promesses de campagne électorale. Il n’était sans doute pas question d’annoncer publiquement alors ce qu’on allait faire concrétement plus tard...

Voilà pourquoi je pense que ce n’est pas par hasard si c’est M. Michel ANGER qui a soumis à la Commission d’Enquête les critiques de Caen Habitat concernant le secteur Uba de la Haie-Vigné, et si cette lettre datée du 6 juillet 2000 est fort opportunément parvenue à sa destinataire plusieurs jours après la clôture de l’enquête...


Ce qui reste des règles applicables au secteur UBa après l’enquête...

Les articles R.123-35 (alinéa 3) et R.123-12 (premier alinéa) du code de l’urbanisme (dans sa rédaction en vigueur à l’époque), admettaient certes que le POS soit « éventuellement modifié » après enquête publique, mais à la condition que cela soit « pour tenir compte des résultats de l’enquête publique ». Au cas présent, on n’aurait évidemment pas dû tenir compte des observations formulées par M. ANGER, parvenues hors délais, et même plusieurs jours après la clôture de l’enquête.

Ces observations seront pourtant bel et bien prises en compte, et une nouvelle moûture du règlement concernant le secteur Uba de la Haie-Vigné sera concoctée tout spécialement par le service municipal de l’urbanisme (directeur Gilles GUERIN), qui videra de toute leur substance les dispositions soumises aux Caennais 6 mois plus tôt...

Un exemple d’ajout pur et simple concernant l’article UB6, qui rend constructible l’intégralité du terrain, quand l’implantation des constructions d'origine, au centre de celui-ci, laissait la place à de vastes jardins tout autour:

« Dans le secteur UBa, les constructions doivent reprendre les caractéristiques d'implantation des constructions d'origine par rapport aux voies du secteur à préserver; selon les cas, ces caractéristiques peuvent être adaptées afin de permettre une amélioration des conditions d'habitabilité et de confort :

- pour le groupe d'habitations de la Haie Vigné : implantation en recul; le recul correspondant à l'implantation des constructions d'origine peut être réduit jusqu'à un minimum de 5m dans le cadre d'un projet cohérent portant sur l'ensemble du groupe et en respectant l'organisation urbaine des maisons regroupées en cœur d'îlot; dans le cadre d'un tel projet, la construction d'annexes (garages notamment) est autorisée à l'intérieur de la marge de recul. »

L’article UB7 se voit quant à lui vidé des dispositions gênantes, et enrichi d’une disposition dérogatoire:

« Dans le secteur UBa, les constructions édifices après démolition d'un bâtiment existant doivent reprendre l'implantation par rapport aux limites séparatives de la construction démolie (...)

7.5 Dans le secteur UBa de la Haie Vigné, les règles générales de UB ne s'appliquent pas, les constructions doivent respecter un recul de 5 m minimum par rapport aux limites séparatives. »

Nouvelle dérogation à l’article UB9, et triplement de l’emprise au sol permise par rapport à l’existant:

(...) 9.6 - Dans le secteur UBa de la Haie Vigné, les règles générales de UB ne s'appliquent pas, le coefficient d'emprise au sol est fixé à 60% de la surface de la parcelle diminuée des reculs ou retraits par rapport aux voies et aux limites séparatives. »

Tout commentaire est superflu. Ce règlement n’a plus rien à voir avec le projet soumis aux Caennais. Il est taillé sur mesure pour permettre l’opération de démolition-reconstruction que M. ANGER avait mise au point, conjointement avec les services municipaux, dès avant l’enquête publique...


3. le permis de construire du 19 novembre 2001

Il faut battre le fer quand il est chaud. C’est sans doute pourquoi, au lendemain même du 11 décembre 2000 (date de l’approbation du POS révisé à sa convenance par le conseil municipal de Caen), Caen Habitat organise pour les habitants de la cité de la Haie Vigné une réunion d’information, pour leur présenter son premier projet (partiel) de construction de 2 bâtiments, soit 4 logements de 563 m² de SHOB au total, sur un terrain sis au 2 rue Hardouin Mansart à Caen.

Six mois plus tard, l’office dépose sa demande de permis de construire, qui lui est accordé sous le n° 014 118 01 R 0080 le 19 novembre 2001.

C’est alors que les habitants de la cité, auxquels se joignent des habitants des zones pavillonnaires voisines, se regroupent en une « association pour la préservation du quartier la Haie Vigné », et font appel à l’association Hastings St Nicolas pour contester à leurs côtés ce permis de construire.

Il faut dire qu’ils trouvent dans le dossier de ce permis un argument supplémentaire, l’avis défavorable de l’Architecte des Bâtiments de France sur ce projet. Cet avis du 28 août 2001 est ainsi motivé:

« Par leur implantation les constructions projetées ne semblent pas exploiter toutes les possibilités qu’offrent ces parcelles: grand jardin côté rue et petit jardin à l’arrière côté Ouest. Elles présentent des volumes complexes et des matériaux de couverture peu en rapport avec le contexte. »

Est-ce cet argument qui fait mouche, nous autorisant à parler de l’atteinte au caractère ou à l’intérêt des lieux environnants (article R.111-21 du code de l’urbanisme) ? Sont-ce les autres arguments invoqués (méconnaissance des dispositions de 3 articles du POS révisé, illégalité de ce règlement soulevée par voie d’exception) ? Toujours est-il que Caen Habitat et la Ville battent en retraite.

Par un mémoire déposé au Tribunal Administratif le 1er octobre 2002, Brigitte Le Brethon, Maire de Caen, conclut à un non-lieu dans cette affaire, au motif que la Ville a procédé au retrait de la décision contestée, par arrêté du 30 septembre 2002 de son adjoint Daniel DETEY. Et comme indiqué dans les visas de cet arrêté, ce retrait serait intervenu à la demande de l’office municipal d’HLM Caen Habitat, lequel, par une lettre du 27 septembre 2002, renonçait au bénéfice de son permis de construire.


Sauf erreur de ma part, il n’y a jamais eu depuis d’autre permis délivré pour autoriser la démolition et/ou la construction de nouveaux bâtiments à la Haie Vigné.

Quant au plan d’occupation des sols, il est toujours aussi contradictoire et mal foutu, dans ses dispositions concernant ce secteur. Et ceux qui en ont rédigé le règlement sont toujours là, et bien en cour semble-t-il. Voilà qui promet.

En attendant on mure, c’est tout ce qu’on sait faire...