Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

lundi, 10 novembre 2008

Visite à la (petite) patrie du Phénix de l’université de Caen...

L’ancêtre du Phénix

est de plâtre blanc,

au pays du tuffeau...

La consultation de ce blog deviendrait vite insupportable, j’en conviens, s’il n’était possible d’y glisser de temps en temps un petit moment de récréation. Voilà pourquoi je vous invite aujourd’hui dans une (naguère) petite commune du Loir et Cher, aujourd’hui rattrapée par la péri-urbanisation. En route pour Naveil, aux portes de Vendôme (itinéraire recommandé).

 

Naveil, tout le monde descend...

Pour sacrifier à la sacro-sainte tradition des congés payés, dans la limite des moyens -très modestes- qui étaient les nôtres à l’époque, nous avions en juillet 1989 décidé d’aller passer une quinzaine de jours dans le Perche vendômois.

Nous voilà donc à Naveil, où une visite de courtoisie s’impose, s’agissant de la commune d’origine d’un grand-père disparu, loin de chez lui, en 1955... Rien de tel pour se mettre en condition qu’une petite promenade au coeur du village (église, mairie, écoles). En fait de coeur (de coeur de bourg, comme on dit aujourd’hui), on est ici à l’extrémité de la zone urbanisée, face aux champs et à la vallée du Loir. La commune est manifestement éclatée en une multiplicité de hameaux, entre lesquels se sont agglutinés des pavillons des années soixante. Mais voilà que, dans ce décor parfaitement banal (comme chez nous la traversée de Biéville-Beuville, pour donner un exemple), il se passe quelque chose d’incongru. De curieuses apparitions nous font signe, aux fenêtres d’un bâtiment que rien de particulier ne signale...

 

Etrange apparition

A l’intérieur en effet, parmi d’autres sculptures, plusieurs maquettes immaculées de notre Phénix, aujourd’hui vilainement masqué à Caen par une station du trolleybus guidé (ce TVR improprement rebaptisé tram).

Mais que font donc ici tous ces phénix, comme un autre trait d’union pour nous entre Caen et Naveil ? Que font ici tous ces chevaux, ces taureaux, ces cervidés, tous ces personnages, toutes ces formes déclinées dans les matières les plus diverses (bois, pierre, fer, cuivre, bronze, et le plâtre des maquettes...)? Quel est ce lieu si étrangement favorable à cette fantasmagorique biodiversité? Et de quel feu sacré l’oiseau fabuleux et unique s’est-il un jour extrait pour renaître?

Phénix étude platre quart grandeur 1953.jpg

L’atelier-musée Louis Leygue à Naveil

Nous l’apprendrons bientôt, l’esprit des lieux se nomme Louis LEYGUE (1905-1992), sculpteur et Prix de Rome 1931. Nous sommes devant son atelier, légué à la ville de Vendôme pour y accueillir une petite partie de son oeuvre (pour l’essentiel monumentale et qui ne peut donc y figurer), des études, des ébauches, des maquettes. Ce petit musée est ouvert au public : Atelier-musée Louis Leygue, rue des Venages, Naveil - 41100 Vendôme -Tél: 02 54 77 85 37 (mairie) Ouvert le jeudi de 10h à 12h et de 14h à 18h, et le samedi de 14h à 18h).

Le village de Naveil, où ses beaux-parents étaient enseignants, devient en effet dans les années 50 l’endroit où Louis LEYGUE peut se consacrer à ses recherches, depuis lors tournées pour l’essentiel vers le travail du métal.

A l’époque, il y a dans tous les villages un maréchal-ferrant, le tracteur n’ayant pas encore fait disparaître le bon vieux percheron. De la forge de Naveil, devenue l’indispensable complément de l’atelier, sortent de bien peu banales productions, comme ce Triptolème parti ensemencer le monde (1950, fer, dimensions 1,37 x 1,45 x 0,6m, 16 kg, réalisé par découpage et modelage au marteau d’une feuille de métal).

Triptolème.jpg

Le Phénix, et autres oeuvres...

De bronze cette fois, le Phénix a été conçu en 1953. Mais c’est en 1955 qu’il est porté aux dimensions que nous lui connaissons (hauteur 8 mètres) pour être installé devant l’Université (architecte Henry BERNARD), à laquelle manquent encore les deux ailes de Lettres et de Sciences.

phénix vers 1960.jpg

C’est encore avec Henry BERNARD (auquel on doit aussi à Caen l’église St Julien, en contrebas de l’Université) qu’il participe en 1962 à la décoration du grand auditorium de la Maison de la Radio (Paris) par la réalisation de 2 vastes compositions pariétales (2 fois 10 mètres (Les bruissements de la forêt et Les rumeurs de la ville) ainsi que du soubassement des grandes orgues.

Sans nous aventurer dans une relation exhaustive de l’oeuvre, abondante et multiple, de Louis LEYGUE, auquel son ami Pierre Cruège a consacré en 2000 un livre publié aux Editions de l’Amateur (voir aussi le site http://www.louis-leygue.fr/chronologie.php), on signalera seulement sa participation en 1938-1939 à la décoration intérieure de la nouvelle ambassade de France à Ottawa, aux côtés de GROMAIRE et de Charles-Edouard PINSON, autre artiste très présent à Caen (Université, Chambre de Commerce, etc.).

http://www.ambafrance-ca.org/galerie/genese/artistes/leyg...

http://www.ambafrance-ca.org/galerie/genese/artistes/pins...

http://www.ambafrance-ca.org/galerie/genese/artistes/grom...

Signalons encore le Monument aux déportés de l’Ain (1949, bord du lac à Nantua), et le Cavalier tombé, oeuvre de 1945, agrandie et fondue en 1985 pour prendre place devant l’Hôtel de Ville de Vendôme.

le cavalier tombé maquette 1945.jpg

Redonner au Phénix la place qu’il mérite...

Vingt ans après notre première visite à Naveil, cela fait maintenant six ans qu’à Caen une station de notre prétendu « tram » (mis en service fin 2002) masque vilainement l’oeuvre de LEYGUE, dont la plus grande réussite est sans doute de s’être imposée depuis 50 ans comme un symbole et un repère « naturel » dans la ville. Il serait instructif de faire le recensement de ses « produits dérivés », de 1957 à nos jours (le restaurant universitaire, par exemple, utilisait dans les années 60 des assiettes siglées à son image). On se donne par ailleurs rendez-vous « au Phénix », pas à Jeanne d’Arc, à Louis XIV ou Du Guesclin. Et si on ignore souvent à qui on doit cette sculpture, si familière qu’elle pourrait être dépourvue de tout auteur strictement défini (comme ces chansons traditionnelles dont la popularité même a relégué l’auteur dans l’anonymat), il est par contre bien établi pour tout le monde qu’on ne la doit pas au ciseau de Jean-Claude DECAUX, lequel fait le beau métier de vendre du temps de cerveau disponible sur sanisettes et autres éléments de mobilier urbain...

Je n’ai rien contre les abribus Decaux, assez sobres, publicité et automates de billetterie mis à part. Mais je trouve inconvenant qu’on ait barré la perspective entre le château et l’université en exhibant une station de « tram », et en cachant le Phénix derrière. La platitude d’une fontaine en béton quadrangulaire et surdimensionnée, sur l’esplanade de la Paix côté château, n’a par ailleurs rien arrangé...

Alors, de grâce mesdames messieurs les décideurs, trouvez-nous les quelques milliers d’euros nécessaires pour installer le Phénix dans un endroit digne de lui, à l’autre extrémité de la pelouse par exemple...