mercredi, 02 décembre 2009
Modification simplifiée n° 1... de la modification n° 3 du plan d'occupation des sols de Caen !...
Quand on modifie en novembre
la modification approuvée en mai...
Les modifications du POS (la troisième du genre a été approuvée par le conseil municipal le 18 mai dernier), les révisions simplifiées (les 5 dernières ont fait l'objet d'une enquête publique du 7 septembre au 8 octobre inclus), ici on connaît.
L'ardeur réformatrice de Xavier LE COUTOUR, certes un peu brouillonne, ne fléchit pas. Cela lui vaudra sans doute, un de ces jours, d'être appelé au gouvernement. A propos de ces derniers bricolages, on sait aujourd'hui que le Commissaire-Enquêteur, Madame Catherine de la Garanderie, a rendu son rapport et ses conclusions (je vous parlerai un de ces jours de la langue un peu particulière dont elle use)...
Elle a rendu sa copie, mais pas moi, vous l'aurez remarqué. Je ne vous en ai rien dit. Je suis par contre allé consulter ces dossiers. Pas vous ? Et je n'ai pas laissé d'observations sur le registre d'enquête. Pourquoi faire ? Pour donner l'occasion au commissaire-enquêteur de faire semblant de discuter mes arguments, ou ceux des très rares participants à ce grand moment de démocratie qui nous était offert ? Madame Catherine de la Garanderie me saura gré de l'avoir dispensée de ce pensum. Sans doute sait-elle comme moi que cela ne sert à rien, que c'est pour la forme, que l'époque est aux communicants vaseux, et aux vaseux communiquants (Besson, Bockel, et je vous fais grâce des variantes locales).
C'est nouveau, ça vient de sortir...
Mais une « modification simplifiée », on n'avait pas encore vu ça à Caen. Normal, c'est tout nouveau, pour l'usage qui peut en être fait, très souple, très discret, très pratique... La loi n° 2009-179 promulguée le 17 février, dite « loi pour l'accélération des programmes de construction et d'investissement publics et privés », fourre-tout dans lequel le Conseil Constitutionnel avait préalablement fait un peu de ménage (6 articles annulés, dont les dispositions, insérées par amendements, étaient paraît-il « dépourvues de tout lien avec les dispositions figurant dans le projet de loi »), n'a pu en effet trouver application qu'après la publication du décret n° 2009-722 du 18 juin 2009, créant les articles R.123-20-1 et R.123-20-2 du Code de l'urbanisme.
Avec un minimum de contraintes, notamment procédurales, vos élus peuvent maintenant, par dérogation et jusqu'au 31 décembre 2010 (L.2009-179, article 1), bricoler de leur propre chef le POS ou le PLU communal, en autorisant l'implantation des constructions en limite séparative (L.2009-179, article 1), en augmentant notamment jusqu'à 20 % le coefficient d'emprise au sol, le COS (supprimé dans notre POS de 2000), et la hauteur maximale des constructions; en diminuant (sans autre précision) les obligations de recul des constructions par rapport aux limites du terrain d'assiette ou aux autres constructions situées sur le même terrain; en diminuant jusqu'à 20 % la superficie minimale des terrains constructibles. Je passe sur d'autres dispositions, moins attentatoires aux règles définies lors de l'élaboration, supposée démocratique, des règles d'urbanisme (concertation préalable, enquête publique). Vos élus pourront enfin « rectifier une erreur matérielle » et « supprimer un ou plusieurs emplacements réservés ou réduire leur emprise ».
Un arrêté municipal du 26 octobre 2009
On ne sait si notre bon maire Philippe DURON (à ses moments perdus député, comme à d'autres patron de l'agglo, du SCOT, PCA du CHU, et j'en passe, un véritable homme-orchestre c't'homme-là), on ne sait s'il a voté cet excellent texte, fort susceptible en effet d'accélérer les programmes de construction privés, en rendant plus lucratives les opérations envisagées (plusieurs fois 20 % de constructibilité en plus pour un même terrain, sous réserve d'un peu de compréhension de la part des élus...).
Quoi qu'il en soit, il n'a pas rechigné à en faire usage, et a signé le 26 octobre un arrêté, par lequel il décide de mettre à la disposition du public, du 9 novembre au 11 décembre, le dossier de la première modification simplifiée du POS dont on ait jamais entendu parler à Caen...
Emplacement réservé n° 25
pour l'extension de la maison de retraite
(EHPAD) Jean-Ferdinand de Saint-Jean
De quoi est-il question dans cette modification simplifiée ? Tout simplement, et uniquement, de supprimer une réserve pour équipement dans le quartier St Julien. Quelle réserve ? Pour le savoir, il faut faire le déplacement, se rendre à la mairie, salle du scriptorium, où l'on a en permanence installé des paravents dissimulant aux regards des autres visiteurs les activités coupables des rares caennais soucieux de s'informer des projets urbanistiques foisonnants des DURON, LE COUTOUR et consorts (même quand il fait un temps à ne pas mettre un chien dehors). Ne pouvait-on annoncer clairement la couleur, parler d'emblée de l'emplacement réservé n° 25, pour l'extension de la maison de retraite (EHPAD) Jean-Ferdinand de Saint-Jean ? Sans doute, mais on aurait ainsi beaucoup perdu en discrétion, n'y gagnant qu'un peu en transparence (on sait quels ravages un peu de glasnost peut faire dans les maisons les mieux tenues).
Cet emplacement réservé n° 25, c'était le point 7 de la modification n° 3 du POS de Caen, soumise à enquête publique du 14 février au 16 mars dernier. Selon nos élus, et leurs mentors du service municipal de l'urbanisme, il y avait urgence, au printemps 2009, à créer une réserve pour équipement sur la propriété du 16 avenue de Courseulles (et 1-3 rue Gaillarde), pour l'extension de la maison de retraite, située rue Malfilatre, en contrebas de l'Université.
Les grandes manoeuvres...
Je vous en ai, souvenez-vous, longuement parlé sur ce blog (voir ici même ma « Troisième leçon sur la modification n° 3 », ainsi que « Avis et conclusions du commissaire enquêteur »). Dans ce dernier texte, je vous rapportais l'intéressant développement consacré par Mme BOUET-MANUELLE à cette question.
Me AUGER, avocat des propriétaires de la maison concernée, avait en effet annexé au registre de l'enquête des observations juridiquement très argumentées, montrant qu'à travers la création de cet emplacement réservé n° 25, il s'agissait tout simplement de grever cette propriété privée d'une servitude très contraignante, obligeant les détenteurs de ce bien à ne le céder qu'à leur voisine, la maison de retraite... avec laquelle ils étaient déjà en négociation dans ce but ! Mme BOUET-MANUELLE poursuivait en évoquant « deux estimations réalisées par les Domaines à un an d'intervalle faisant apparaître une diminution de 28 % entre janvier 2008 et janvier 2009 », ainsi que des propos tenus par Gilles DETERVILLE, adjoint aux affaires sociales, à l'hebdomadaire Liberté (du 5 mars 2009), selon lesquels la création de cette réserve n° 25 serait le moyen de « faciliter les négociations sur le prix du terrain pour l'acquéreur ».
A la veille de l'ouverture de l'enquête publique et à l'insu du propriétaire, la question avait donc été débattue en municipalité, pour définir la tactique à mettre en oeuvre (dont Gilles DETERVILLE s'était imprudemment fait l'écho). Comme disait Coluche, « Le plus dur pour les hommes politiques, c'est d'avoir la mémoire qu'il faut pour se souvenir de ce qu'il ne faut pas dire »...
Bricoler la pompe à phynances...
Mme BOUET-MANUELLE, citant l'article L.142-5 du Code de l'urbanisme, affirmait certes que « le classement en emplacement réservé ne doit avoir aucune influence sur le prix », mais elle tenait aussi à signaler qu'elle n'était pas dupe, en ajoutant que: « à partir du moment où la réserve existe, il est fort probable qu'aucun autre éventuel acquéreur ne se présente ».
Il n'était pas seulement fort probable, il était sûr qu'aucun autre acquéreur ne se présenterait. Qui voudrait perdre son temps à se porter acquéreur d'un bien qu'il ne peut acheter ? Exit le prix du marché, librement négocié entre vendeur et acquéreur, qu'on notifie par DIA (déclaration d'intention d'aliéner) au titulaire du droit de préemption urbain (la commune). D'où l'intérêt aussi d'une seconde évaluation, en forte baisse, par le service des Domaines...
La main dans le sac...
Selon Mme BOUET-MANUELLE, les élus (ou les techniciens), interrogés par elle sur les motifs réels de la création de cet emplacement réservé, lui auraient raconté de bien curieuses salades: « La ville de Caen dit qu'elle a besoin de cette réserve pour fonder son droit de préemption urbain ». Faux, bien sûr, mais pourquoi se gêner ? Les commissaires-enquêteurs ne sont-ils pas là pour avaler les balivernes qu'on leur raconte, et émettre au pire de timides recommandations sur quelque disposition annexe ?
Se pouvait-il qu'il y se trouve quelqu'un pour évoquer l'existence dans le POS du plan 3.17 (Périmètre des droits de préemption), celle d'un DPU (droit de préemption urbain) renforcé sur certaines zones (secteurs Presqu'île portuaire, Gardin, Mont Coco...), d'une zone de préemption du département s'agissant des espaces naturels sensibles (Prairie), tout le reste étant en DPU simple, dont on nous précise qu'il a été institué par une délibération du 25 mai 1987 ?
L'avenue de Courseulles et la rue Gaillarde ne font pas exception à la règle... .
Les services municipaux avaient donc raconté des âneries au commissaire enquêteur, pour tenter de justifier l'évident détournement de procédure dont était entachée cette réserve n° 25. Or un détournement de procédure aussi évident constitue un motif d'annulation très valable d'une décision administrative, en cas de recours en excès de pouvoir. Car cela consiste tout simplement à utiliser une procédure dans un autre but que celui pour lequel elle est conçue. Comme à instituer un emplacement réservé quand ce n'est pas utile et justifié, dans le seul but de faire artificiellement baisser le prix d'un bien...
Un avis favorable bien curieux
pour une « procédure inopportune »...
La question de l'emplacement réservé n° 25 était, de façon symptomatique, la seule pour laquelle le commissaire enquêteur n'émettait pas d'avis au moment de son examen. Il fallait donc aller chercher cet avis dans ses conclusions générales aux pages 9 et 10.
C'est un avis vraiment curieux, puisque favorable à la création de l'emplacement réservé n° 25 (extension de l'EHPAD correspondant à un réel besoin, ce que personne ne nie), tout en « considérant en revanche que la procédure de création d'un emplacement réservé, étant donné la façon dont cette dernière arrive en fin de parcours amiable, est inopportune »
Mme BOUET-MANUELLE avait décidément du mal à appeler un chat un chat. L'usage de cette procédure n'était pas seulement déplacé, incorrect (inopportun). Il était purement et simplement illégal, pour les raisons développées plus haut. Ne concluait-elle pas en recommandant à la Ville de réfléchir « à la façon la plus appropriée de fonder son droit de préemption urbain sur la parcelle que souhaite acquérir l'EHPAD »...
Du vote au conseil municipal du 18 mai 2009...
Les conseillers municipaux caennais, quelle que soit leur couleur, et l'équipe à laquelle ils appartiennent, ne se croient pas tenus (s'ils en sont capables) à un examen critique des projets qu'on leur soumet, et votent ce qu'on leur demande de voter. Il suffit à leur bonheur de trimbaler sous leur bras de gros dossier qu'ils ne consultent guère, et de subir mensuellement, de longues heures durant, les exposés soporifiques de leurs champions respectifs. Cela était vrai pendant le long règne de Jean-Marie GIRAULT, et pendant le septennat de Brigitte LE BRETHON. Cela pourrait bien être encore plus vrai aujourd'hui...
Nos conseillers municipaux ont donc voté comme un seul homme (femmes comprises) la modification n° 3 du plan d'occupation des sols de Caen, point 7 compris (emplacement réservé n° 25). Ce vote mémorable eut lieu le 18 mai 2009...
... à un vote contraire six mois plus tard !
Dans le mémoire qu'il avait annexé au registre d'enquête en mars 2009, Me Jacques AUGER, avocat des propriétaires de la maison concernée, avait bien montré le caractère douteux de la disposition en cause, et n'avait même pas craint de parler de « manoeuvre dolosive ». Il était dès lors clair qu'au cas où le conseil municipal approuverait la modification n° 3 sans y rien changer, il trouverait là matière à obtenir du Tribunal Administratif l'annulation de cette délibération, ou de la seule disposition faisant grief à ses clients...
Je n'ai bien sûr depuis 18 mois plus aucune information sur les affaires municipales (le secret défense n'est pas affaire de couleur, mais d'exercice du pouvoir, et celui qu'exercent Philippe DURON et les siens n'est pas plus démocratique que les précédents). Mais je suis bien certain que Me Jacques AUGER avait formé un recours contre la délibération du 18 mai 2009, et que c'est la perspective d'une annulation, et rien d'autre, qui a décidé Philippe DURON à reculer, et à procéder à la suppression de l'emplacement réservé n° 25...
L'important c'est la com'.
L'important aujourd'hui ce n'est plus la rose, mais la com'. Voilà pourquoi la raison invoquée par les élus pour engager cette modification du POS est une mauvaise raison, une fable: « L'EHPAD a indiqué à la Ville par courrier en date du 8 octobre 2009 que le projet d'extension sur les deux parcelles inscrites en emplacement réservé était finalement abandonné. Compte tenu de la décision de l'EHPAD, le maintien de la réserve ne se justifie plus... ».
N'y avait-il pas urgence pour que le maire signe un arrêté le 26 octobre, au seul prétexte qu'il aurait reçu une lettre datée du 8 du même mois, traitant d'une question qui n'était certes pas de toute première importance ?
Des réserves depuis longtemps inutiles, il y en a pourtant bien d'autres dans le POS de Caen.
On peut citer l'exemple de l'emplacement réservé pour voirie n° 18, impasse débouchant sur la rue Richard-Lenoir, et se terminant en potager municipal à son autre extrémité. Un potager concédé à titre précaire et gratuit par Brigitte LE BRETHON, et une impasse qui ne débouchera jamais rue Varignon de l'autre côté, après avoir permis à Bouygues Immobilier de rentabiliser au maximum le terrain sur lequel il a construit le « Carré Mathilde »...
Personne n'a pourtant jamais songé à supprimer cette réserve, pas même Xavier LE COUTOUR, qui aurait pourtant trouvé là l'occasion d'étoffer sa modification simplifiée n° 1...
C'est aux petites choses qu'on reconnaît les grands hommes.
01:02 Écrit par Bruno dans Urbanisme et logement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : xavier le coutour, philippe duron, modification simplifiée n° 1 de la modification n° 3 du pos, emplacement réservé pour équipement n° 25, 16 avenue de courseulles et 1-3 rue gaillarde, maison de retraite (ehpad) jean-ferdinand de saint-jean, madame catherine de la garanderie
dimanche, 25 octobre 2009
Piet Hein, poète danois et touche-à-tout aux multiples talents...
Jeg er s'gu min egen
Pour des raisons diverses sur lesquelles je ne m'attarderai pas ici, il y a longtemps que je voulais vous parler d'un personnage aussi singulier et attachant que peu connu en France, le danois Piet HEIN (1905-1996), tout à la fois poète, artiste, designer, inventeur, philosophe, scientifique, et, en tant qu'intellectuel, militant antifasciste des années 30.
Si je ne l'ai pas fait plus tôt, c'est qu'il n'était à l'évidence guère facile (même en se limitant au poète) de vous proposer des textes écrits dans une langue parlée par seulement quelques petits millions d'individus dans ce vaste monde, et qu'il n'est pas question pour moi de vous en proposer des traductions de mon cru (il n'est apparemment pas traduit en français), sauf à risquer au mieux un mot à mot bien incapable de rendre les effets et la concision de l'original.
Comme bon nombre d'auteurs danois, qui publient en anglais pour des raisons évidentes (Karen BLIXEN en étant l'exemple le plus connu), il a lui-même rédigé une version anglaise de ses « grooks », petits poèmes très brefs (« gruk » en danois, probable mot-valise issu de l'amalgame entre « grin » -rigoler- et « suk » -soupirer-). Les amateurs peuvent s'en procurer plusieurs recueils sur internet (en anglais ou en danois, au choix).
Mais passons sans tarder au premier des textes que je veux vous proposer, aux allures de comptine. Pas si puérile que cela cependant, quand on sait que bon nombre de ces textes ont été publié dans le journal Politiken (sous un pseudonyme, mais quand même), dans un pays sous occupation nazie entre 1940 et 1945.
Chat perdu sans collier
Il s'agit d'un jeune chat qu'on croise, et qu'on croit perdu sans doute. Mais quand on lui demande qui est son maître (à qui il est), il répond indigné, et avec un juron (« s'gu », c'est à dire quelque chose comme « nom de dieu »), qu'il n'a d'autre maître que lui-même. Peut-être même ni dieu ni maître. J'aime bien ce chat, il va sans dire.
Pelouse interdite
Voilà maintenant une sauterelle sur un galet (le Danemark est pays de moraines) qui pleure comme rarement on vit quelqu'un pleurer. Au prix d'efforts surhumains (je sais, c'est une sauterelle, et il serait plus fidèle à l'original de dire « au prix de grandes difficultés »), elle a acquis les rudiments de la lecture. Elle s'est alors mise en quête de quelque écrit à déchiffrer, et le premier texte qui lui est tombé sous les yeux, c'est une pancarte « Pelouse interdite »...
Den bedrøvede græshoppe
En græshoppe sad på en lille flad sten
og græd som det sjældent grædes
den havde møjsommeligt lært ABC
og så fået en tekst, og det var jo en
ved at græsset må ikke betrædes.
Versions anglaises...
Deux autres petits textes, en anglais cette fois (je connais la version danoise du premier, dit par Piet HEIN lui-même sur un 33 tours 25 cm édité par RCA, collection Louisiana Gyldendal grammofonplader, et je vous en aurais volontiers proposé un extrait, si réaliser cet innocent piratage n'était pas au dessus de mes forces... j'en profite pour signaler que tout coup de main bénévole est le bienvenu). Pour la compréhension de ces deux textes, vous vous débrouillerez. Faut vous mettre aux langues étrangères, c'est notre président qui le dit...
CONSOLATION GROOK
Losing one glove
is certainly painful,
but nothing
compared to the pain,
of losing one,
throwing away the other,
and finding
the first one again.
DREAM INTERPRETATION
Simplified
Everything's either
concave or -vex,
so whatever you dream
will be something with sex.
Husk at leve mens du gør det...
Les plaisanteries les plus courtes sont les meilleures (les plus efficaces), c'est bien connu. Mais il arrive que le sujet réclame de plus longs développements. C'est le cas avec les deux derniers textes qui suivent, extraits de « Husk at leve » (« N'oublie pas de vivre », Borgens Billigbøger, 1965).
Ordet er devalueret
Ordet er devalueret.
Kunsten er blevet en kunst.
Den som kan tale og ingenting sige
er sikker på folkegunst.
Fraser og flovser, klicheer, jargon'er,
skåler og halv besked
skaber en skuffende billig syntetisk
erstatning for virkelighed.
Radio - det er jo ikke kunst.
Radio det er teknik.
Målet er ikke at tjene et emne
men at benytte et trik.
Vist skal vi vise folk virkeligheden,
men først må vi lyve den sammen.
Underholdning og harmløshed
skal fylde din livsdag. Amen
Og så kan der komme en stille ung mand
med noget enkelt og sært.
Han spør ikke, om det er kunst eller ej.
Men han véd, det er stort og svært.
Han har taget de lyriske snabelsko af,
for han står på et vanhelligt sted.
Hans kunst er: at ikke gå udenom,
men få vanskelighederne med.
Og så viser det sig, at et ærligt sind
er en rolle man ikke kan spille.
Og så viser det sig, at dét folk forstår,
er det man sir ganske stille.
Og så viser det sig, hvad al uægte kunst
vrider sig for at benægte:
at den eneste vej til at virke ægte
det er at være ægte.
Je vous propose ci-dessous une ébauche de traduction de ce texte (écrit il y a plus de quarante ans !), dont l'intérêt principal me paraît être la dénonciation du mensonge médiatique si courant aujourd'hui...
L'inflation verbale
Les mots ne valent plus un clou.
L'art est devenu un truc.
Celui qui sait parler pour ne rien dire
est sûr d'obtenir la faveur des foules.
Phrases toutes faites, platitudes, clichés,
jargon, toasts et verbiage
nous offrent à bon marché de la réalité
un ersatz trompeur et décevant.
La radio? ce n'est pas de l'art.
La radio c'est de la technique.
Son but n'est pas d'approfondir un sujet
mais d'utiliser un truc.
Sans doute devons nous montrer aux gens la réalité,
mais il nous faut d'abord la ficeler en un gros mensonge.
Divertissement et inoffensives banalités
seront ton lot. Ainsi soit-il.
Et voilà qu'arrive un jeune homme taiseux
avec quelque chose en lui de particulier, d'étrange.
Il ne se demande pas si c'est de l'art ou non.
Mais il sait que c'est important et difficile.
Il a jeté aux orties les cothurnes, et tout l'attirail ronflant du lyrisme,
car il se tient en un lieu profane.
Son art consiste à ne rien éluder,
à prendre en charge les difficultés.
Et voilà qu'il apparaît que le meilleur comédien
ne peut pas singer la sincérité.
Et voilà qu'il apparaît que cela même que les gens comprennent,
c'est ce que l'on dit posément.
Et voilà qu'apparaît ce que tout art inauthentique
à grand renfort de contorsions s'acharne à nier:
que la seule façon de faire vrai
c'est d'être vrai.
Pourquoi ont-ils brûlé Giordano Bruno ?
Il est souvent risqué de crier que le roi est nu, que Bongo est le fils de son père (ou Jean le fils de Nicolas), n'en déplaise à H-C Andersen et aux monarques bonhommes de ses contes. Brûler les livres (et leurs auteurs le cas échéant) se pratiquait couramment du temps de l'inquisition, du temps d'un petit peintre viennois prénommé Adolf, et aujourd'hui encore... Il y a quatre siècles, Giordano Bruno fut brûlé à Rome pour avoir refusé de se rétracter (ses thèses ne portaient pas seulement sur la conception d'un univers infini, au-delà des conceptions coperniciennes, mais aussi sur quelques questions alors au moins aussi sensibles, comme la virginité de Marie ou la question de la trinité).
Je ne vous donnerai cette fois d'indications que pour la compréhension des passages essentiels de ce dernier poème:
Pourquoi ont-ils brûlé Giordano Bruno ? Parce que l'ouverture d'esprit est dangereuse. Parce que la puissance spirituelle de la parole est une arme. Parce que l'indépendance est une force... Parce qu'une pensée libre brise toutes les chaînes... Voilà pourquoi ils ont brûlé Giordano Bruno. Parce que l'homme est plus grand que les geôles où on le fait croupir, que les armes qu'on tourne contre lui, que les puissances qui s'échinent impuissantes contre la pensée de Giordano Bruno. Voilà pourquoi ils sont morts, et pas lui.
Hvorfor brændte de Giordano Bruno ?
Fordi sindets åbenhed er farlig.
Fordi ordets åndskraft er et våben.
Fordi livets frihed er en magt.
Fordi livets frihed er den magt
imod hvilken voldsmagt er forgæves.
Fordi ordets åndskraft er vort våben
mod inkvisitionens herredømme.
Fordi sindets åbenhed er farlig
for enhver som lever på dets trældom.
Fordi Aristoteler kan styrtes,
og Copernici udvide verden.
Fordi menneskenes lange vandring
imod ny mangfoldighed og fylde,
ledet af den ydmygt åbne tanke,
sprænger alle slaveriers bånd.
Derfor brændte de Giodano Bruno.
Derfor, - Fordi mennesket er større
end de kamre, som det kues ned i,
end de våben, som man vender mod det,
end de magter, som så magtesløse
tårnes mod Giordano Brunos tanke.
Derfor lever ikke de, men han.
Le dernier mot
Le dernier mot (trouvé je ne sais plus où sur internet), on le laissera à Piet HEIN:
« After all, what is art? Art is the creative process and it goes through all fields. Einstein's theory of relativity - now that is a work of art! Einstein was more of an artist in physics than on his violin. Art is this: art is the solution of a problem which cannot be expressed explicitly until it is solved. »
Plus d'infos (entre autres):
http://fr.wikipedia.org/wiki/Grook
http://chat.carleton.ca/~tcstewar/grooks/grooks.html
http://www.villastabbia.it/Eng/Piet-Hein-Villa-Stabbia.htm
N'oublions pas l'inventeur de jeux (Hex en 1942) et de casse-tête (Soma-Cube en 1936):
http://jeuxsoc.fr/?principal=/jeu/hex__
Infos en danois, pour ceux qui le lisent :
http://www.denstoredanske.dk/Kunst_og_kultur/Litteratur/D...
http://www.denstoredanske.dk/Danmarks_geografi_og_historie/Danmarks_historie/Danmark_1849-1945/Frisindet_Kulturkamp
Intéressant article sur le « Frisindet Kulturkamp » (et le rôle de Piet HEIN en son sein en mars 1940) dans le Leksikon for det 21. århundrede (« Det er altid sejrherrerne, der skriver historien »)
http://www.leksikon.org/art.php?n=1483
(NB: 3 des liens ci-dessus ne fonctionnent pas; pour accéder aux sites ciblés, il faut donc copier / coller le lien dans la barre du moteur de recherche)
20:09 Écrit par Bruno dans Du bonheur dans les épinards... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : piet hein poète danois, husk at leve mens du gør det, husk at elske mens du tør det, giordano bruno
jeudi, 22 octobre 2009
Le cauchysme, maladie infantile du radicalisme à la mode de Caen ?
Trois p'tits Tourret puis s'en vont...
Lénine n'est pas mon cousin, et pourtant, au vu des symptômes présentés ces derniers mois par la variante locale du radicalisme (Citoyens à Caen - PRG, et réciproquement), il aurait certainement, comme moi, diagnostiqué une pathologie de type dégénérative, qu'on conviendra (provisoirement) de baptiser « cauchysme » pour sa plus récente manifestation, révélée par l'hebdomadaire Liberté dans son édition du jeudi 15 octobre 2009.
(cliquer pour agrandir)
Une souris verte...
Pascale CAUCHY, conseillère régionale et par ailleurs adjointe de Philippe DURON à la mairie de Caen, y confirme en effet qu'elle rejoint Europe Ecologie, c'est à dire les Verts, et quitte donc le groupe CàC-PRG, puisque CàC, mouvement dont elle faisait partie depuis 1995, n'admet pas la double appartenance... Ou du moins ne l'admettait pas il y a plus de dix ans, époque où Jean-Luc VERET en avait proposé la solution, pour la participation à d'autres scrutins que municipaux (il avait alors quitté CàC pour les Verts, déjà...). Mais les statuts, c'est comme les principes, ça se modifie. Et n'ayant moi-même plus cotisé depuis sept ans au moins, j'ai pu louper quelques épisodes...
Brève histoire de Citoyens à Caen
Citoyens à Caen est à l'origine, autour d'André PAYSANT, une machine de guerre anti-MEXANDEAU. Bon, ce n'était pas que cela non plus (et c'est la raison pour laquelle des gens d'horizons assez divers ont pu des années travailler ensemble). Mais de ce seul point de vue, ce fut très efficace (échecs de la gauche aux municipales de 1995 et 2001). Revenons en 1995. Réunis à Asnelles à la veille des municipales pour mettre au point liste et programme, les futurs colistiers d'André PAYSANT n'apprennent qu'alors qu'il a finalement choisi de se présenter à... Cherbourg, qu'il leur faut se choisir une autre tête de liste, et qu'il propose pour le remplacer Xavier LE COUTOUR. Et voilà ce dernier en selle...
Six ans plus tard, après une fusion des petites listes (dont CàC) avec le PS, et un nouvel échec face à Brigitte LE BRETHON, Citoyens à Caen décide de s'accoupler au PRG, pour sa soi-disant « audience nationale ». Alain TOURRET est alors, pour quelques mois encore, député de Vire. Il est depuis (pour quelques mois encore ?) un des nombreux vice-présidents du Conseil Régional. Et surtout maire de Moult, ce qui est déjà beaucoup... C'est sans doute à l'occasion de cette alliance que Citoyens à Caen a perdu un peu de son âme (disons de son originalité, de ses illusions, de sa capacité à faire illusion), perdu aussi quelques militants réfractaires au radicalisme mou (voire franchement flasque), ... et gagné quelques strapontins (aux régionales de 2004, et aux municipales de 2008).
La somnolence, stade ultime du radicalisme
A l'époque de la fusion avec le PRG (qui n'était pas une fusion nous assurait-on, chaque partie devant paraît-il garder une certaine autonomie), CàC présentait au moins l'avantage (pour le PRG) d'une présence et d'un capital de sympathie sur Caen. L'apport du PRG n'était guère qu'une étiquette, une marque de fabrique, un souvenir (celui des Rad-Socs d'avant-guerre, suffisamment nombreux pour faire et défaire les ministères, mais sans religion bien précise). A Caen comme ailleurs, cela faisait belle lurette que les radicaux (du PRG) n'existaient plus que sur le papier, et faisaient l'appoint sur les listes PS (ce qui explique la présence de Jean-Louis TOUZE dans l'opposition -ô combien modérée- à Jean-Marie GIRAULT et Brigitte LE BRETHON). Belle affaire donc pour le PRG que cette OPA sur CàC. Mais les mauvaises habitudes, c'est contagieux, et l'ensemble CàC-PRG sombra rapidement dans la somnolence radicale, épisodiquement troublée par les tirades vibrantes et creuses des campagnes électorales.
De la somnolence au coma...
Vu de l'extérieur, l'affaire est peut-être plus grave encore, et on peut se demander si Citoyens à Caen n'est pas aujourd'hui en état de mort cérébrale, comme son compère le PRG dont le coma prolongé n'augure rien de bon.
On en cherchera des signes dans les manifestations extérieures de ces deux entités. Qui a entendu parler à Caen de la diffusion du moindre tract, émanant de CàC ou du PRG, sur quelque sujet que ce soit ? Ce ne sont pourtant pas les sujets de préoccupation et de mécontentement qui manquent: licenciements, chômage, grande pauvreté, logements décents non accessibles à une part de plus en plus importante de la population, atteintes incessantes aux libertés, mainmise des copains et des coquins sur tous les rouages de la société, et j'en passe. Qui a entendu parler de la moindre réunion publique organisée par l'une ou l'autre de ces (très discrètes) organisations ? Personne...
« Caen à gauche »
Si cela avait été le cas, elles auraient assurément annoncé cette réunion, ou publié ce tract, sur leur site internet commun, crânement intitulé « Caen à gauche ». S'il arrivait que des gens « de droite », inquiets de quelque possible mouvement d'humeur populaire, viennent consulter les écrits de cette bande d'agitateurs, en quête de quelque signe annonciateur, ils seraient tout de suite rassurés. Pas un mot, pas un geste des mois durant. Le dernier billet publié date du 5 mars 2009. Des voeux tardifs de nouvelle année, et les bonnes résolutions qui vont avec...
http://www.caen-a-gauche.com/index.php?option=com_content...
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On peut poursuivre la visite par les bas côtés: la rubrique « nos élus » est instructive. On y trouve (encore) Pascale CAUCHY, Xavier LE COUTOUR bien sûr, et Jean-Louis TOUZE. Point à la ligne. Le groupe Citoyens à Caen - PRG n'annonçait-il pas fièrement, dans le n° 91 de Caen-Magazine (septembre-octobre 2008), qu'il comptait 9 élus ? Où sont les 6 autres ? Serait-ce qu'à Citoyens à Caen l'élu de base, simple conseiller municipal, compte pour du beurre ? On mesure à cette aune quel prix on doit y accorder à l'avis du citoyen de base, malgré tous les discours sans conséquence qu'on y tient à ce sujet...
caen mag n 91 sept-oct 2008.pdf
Voilà la coquille vide que Pascale CAUCHY quitte à son tour.Est-ce seulement « pour changer d'épicerie », comme l'écrit le préposé aux potins de Liberté, trop heureux de pouvoir sans risque rapporter une vacherie ? Est-ce pour courir au secours de la victoire, comme il le laisse encore entendre ? Nul ne sait. Tendez l'oreille, le séisme est imminent. Alain TOURRET (présenté comme le « patron » de Citoyens à Caen) n'a-t-il pas déclaré que « La politique n'est pas une aventure individuelle mais un choix collectif ». Bigre!
23:55 Écrit par Bruno dans Affaires municipales | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : pascale cauchy, citoyens à caen - prg, europe ecologie, les verts, jean-luc veret, andré paysant, louis mexandeau, xavier le coutour, alain tourret, jean-louis touze, conseil régional de basse-normandie, mairie de caen, philippe duron