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vendredi, 24 novembre 2017

République, reliques, et simonie...

Caen, place de la République, Laurent CHEMLA, Le Printemps, Claude JEAN, Sedelka, Joël BRUNEAU, Sonia de LA PROVOTE, Philippe LAILLER, Rives de l'Orne, Maurice BANSAY, modification n° 2 du plan local d'urbanisme (PLU) de Caen, secteur UPr, abattage d'arbres, Code du patrimoine, fouilles d'archéologie préventive, parking souterrain, maîtrise d'ouvrage de l'aménageur, redevance d'archéologie préventive, contrôle de légalité, recours gracieux

Gestion de patrimoine ?

Un bien curieux montage que celui imaginé par la municipalité et les services de la ville de Caen (ou de l'agglo, c'est tout comme), pour permettre à des intérêts privés, des sociétés de MM. Laurent CHEMLA (Le Printemps,etc.) et Claude JEAN, filles et gendre (Sedelka, etc.) de faire main basse à un coût acceptable sur une propriété publique (la moitié de la place de la Ré-publique).

Passons sur l'apparition ex-nihilo ou presque de ce projet, quelques mois seulement après les élections municipales. Un projet que le programme du maire n'annonçait pas, nous dit-on, du moins dans cette dimension ? Mais qui dormait sans doute quelque part, dans un tiroir... Qui pourrait aujourd'hui encore prétendre que les programmes électoraux engagent leurs auteurs ? Il suffit pour s'en convaincre de jeter un œil sur le volet urbanisme de celui que se proposaient de mettre en œuvre, au printemps 2014, Mme Sonia de LA PROVOTE (aujourd'hui sénatrice, et hier encore adjointe -à l'urbanisme- de M. Joël BRUNEAU), et son acolyte Philippe LAILLER. Un programme de petites maisons et de grands jardins à protéger d'urgence des appétits des bétonneurs, avant l'élection ; une débauche de bons gros permis de bétonner à grande échelle, une fois élus...

Passons aussi sur l'argument de vente de ce projet, la fameuse (et fumeuse) « redynamisation » du centre-ville et de son commerce. Comme si la vitalité commerciale était chose qui se décrète, comme si on ne nous avait pas déjà fait le coup avec la FNAC, et les Rives de l'Orne de Maurice BANSAY (entre autres associé de Silvio BERLUSCONI et de ses méthodes mafieuses dans l'affaire du centre commercial de Gruliasco près de Turin, cf. la Repubblica du 27 avril 1994, notamment, ou ce blog « Caennais si vous saviez », note du 21 février 2009). Comme si l'arrivée de la FNAC en son temps n'avait pas entraîné la disparition de pratiquement tous les libraires et disquaires de Caen. Comme si les Rives de l'Orne elles-mêmes étaient florissantes aujourd'hui (cases commerciales abandonnées, etc.), comme si on pouvait penser qu'elles auraient entraîné un développement du commerce de centre-ville...

Passons encore sur la modification n° 2 du plan local d'urbanisme (PLU) de Caen, approuvée le 4 avril 2017 par l'assemblée communautaire de Caen la Mer, aujourd'hui compétente. Après une enquête publique, qui s'est déroulée du 12 décembre 2016 au 20 janvier 2017, et « s'est très bien passée », comme le dit dans son rapport Mme Catherine de la Garanderie, commissaire-enquêteur. En 6 permanences, elle a en effet rencontré « une dizaine de personnes », et pense que « le caractère très technique de la grande majorité des 25 points constituant la modification [...] n'a pas encouragé le public à se déplacer ». Elle n'a là sans doute pas tort. Il y a eu aussi, il est vrai, 3 observations sur le registre d'enquête, et 3 courriers qui lui ont été annexés... Mais c'est bien maigre tout de même, car il paraît que Caen ville centre compte encore plus de 100 000 habitants, sans compter ceux de la communauté urbaine, puisque ce sont maintenant les 113 représentants de ses 50 communes (40 pour Caen) qui ont compétence en matière d'urbanisme.

Dommage, car c'est à cette modification n° 2 qu'on doit, pour notre place de la République, la transformation d'un emplacement réservé n° 3 (pour parking et espace vert) en un secteur UPr, « zone de projet dédiée à l'activité et au commerce ». La chose aura peut-être échappé aux représentants de Troarn (Saline!), de St Aignan de Cramesnil, de Brouay, Le Mesnil Patry (Thue et Mue) ou de Tilly la Campagne...

Passons enfin sur la désaffectation du parking en surface (aménagé à cet endroit il y a bien une soixantaine d'année), désaffectation préalable au déclassement de ce terrain d'un demi-hectare en plein centre-ville, ainsi passé du domaine public au domaine privé de la commune, et dès lors susceptible d'être vendu au premier venu (mais pas à n'importe qui), et à un prix qu'on pourrait dire d'ami à cet endroit, quand on sait qu'un terrain « encombré » de 595 m² (mais constructible à RdC + 4) peut se vendre 525 000€ au Calvaire St Pierre...

Et venons-en au dernier développement connu de ce dossier, la délibération n° 32 de l'ordre du jour du conseil municipal du 6 novembre 2017.

Une délibération qui « autorise le Maire à déposer une demande d'autorisation de travaux d'enlèvement d'arbres au nom de la commune sur la parcelle KX61 et à prendre tout acte nécessaire à l'exécution de la présente délibération. »

 

Qui c'est qui nous fait les fouilles ?

Approuvée par la majorité de droite et centre-droit de M. BRUNEAU, cette délibération lui permettrait donc de faire tronçonner, aux frais du contribuable caennais, une cinquantaine d'arbres, s'il en obtient l'autorisation...

Mais sauf à vouloir prendre le risque (en toute connaissance de cause) de se rendre complice d'une illégalité flagrante, les autorités administratives compétentes pour délivrer au maire cette autorisation seraient bien avisées de se plonger au préalable dans une lecture attentive du Livre V du Code du Patrimoine.

Qu'est-ce qui justifierait en effet l'abattage de cette cinquantaine d'arbres ? La nécessité de « fouilles d'archéologie préventive » sur ce site dont le sous-sol recèle encore les fondations de l'hôtel de ville de Caen (ancien couvent des Eudistes) détruit en 1944, vestiges dont la réalisation du parking souterrain projeté entraînerait irrémédiablement la destruction.

Et à qui incombe la réalisation de ces fouilles ? La réponse est (notamment) dans l'article L. 523-8 du Code du Patrimoine :

« L'Etat assure la maîtrise scientifique des opérations de fouilles d'archéologie préventive mentionnées à l'article L. 522-1. Leur réalisation incombe à la personne projetant d'exécuter les travaux ayant donné lieu à la prescription... »

ou dans l'article R. 523-41 du même code :

« Les opérations de fouilles archéologiques prescrites par le préfet de région (...) sont réalisées sous la maîtrise d'ouvrage de l'aménageur. »

Mais, dans l'affaire qui nous occupe ici, cet « aménageur », cette « personne projetant d'exécuter les travaux » est-ce la commune représentée par son maire ? Non bien sûr.

L'aménageur, c'est (comme tout le monde le sait depuis belle lurette) le groupement des sociétés de MM. Laurent CHEMLA (Le Printemps,etc.) et Claude JEAN, filles et gendre (Sedelka, etc.)

 

La redevance d'archéologie préventive...

Et ce n'est bien sûr pas tout. La réalisation de fouilles n'est évidemment pas gratuite. Et pour financer la gratuité de certaines d'entre elles (nous ne détaillerons pas), on a prévu l'institution d'une « redevance d'archéologie préventive », laquelle est « due par les personnes, y compris membres d'une indivision, projetant d'exécuter des travaux affectant le sous-sol et qui: a) Sont soumis à une autorisation (...) en application du code de l'urbanisme; (...) » (article L. 524-2 CPat)

« Le fait générateur de la redevance d'archéologie préventive est: a) Pour les travaux soumis à autorisation (...) en application du code de l'urbanisme, la délivrance de l'autorisation de construire ou d'aménager (...) » (article L. 524-4 CPat)

« Le montant de la redevance d'archéologie préventive est calculé selon les modalités suivantes: I. – Lorsqu'elle est perçue sur les travaux mentionnés au a de l'article L. 524-2, l'assiette de la redevance est constituée par la valeur de l'ensemble immobilier déterminée dans les conditions prévues aux articles L. 331-10 à L. 331-13 du code de l'urbanisme.

« Le taux de la redevance est de 0,40 % de la valeur de l'ensemble immobilier. (...) » (article L. 524-7 CPat)

 

Petit détour imposé par le Code de l'urbanisme...

Les articles L. 331-10 à L. 331-13 du code de l'urbanisme dont il vient d'être question traitent des questions d'assiette et de calcul de la taxe d'aménagement :

« L'assiette de la taxe d'aménagement est constituée par: 1° La valeur, déterminée forfaitairement par mètre carré, de la surface de la construction; 2° La valeur des aménagements et installations, déterminée forfaitairement dans les conditions prévues à l'article L. 331-13 (...) ». (article L. 331-10 Curb).

« La valeur par mètre carré de la surface de la construction est fixée à 660 € (...) » (article L. 331-11 Curb).

« La valeur forfaitaire des installations et aménagements est fixée comme suit: (...) 6° Pour les aires de stationnement non comprises dans la surface visée à l'article L. 331-10, 2000€ par emplacement, cette valeur pouvant être augmentée jusqu'à 5000 € par délibération de l'organe délibérant (...) de la collectivité territoriale ou de l'établissement public compétent en matière de plan local d'urbanisme (...) » (article L. 331-13 Curb).

Pour un projet comme celui des promoteurs de cette halle commerciale de la place de la République, le montant de la redevance d'archéologie préventive légalement due par l'aménageur est donc de plusieurs dizaines de milliers d'euros (on laissera les services compétents en calculer le montant exact).

 

D'où il ressort principalement que...

1°) qu'en inscrivant à l'ordre du jour des délibérations de son conseil municipal du 6 novembre 2017 la question n° 36 (l'abattage des arbres de la place de la République, préalable aux fouilles d'archéologie préventive), la municipalité de Caen s'est indûment substituée à l'aménageur parfaitement connu de tous, et a méconnu les règles posées par le Code du Patrimoine ci-dessus exposées, et qu'en conséquence cette délibération n° 36 doit être considérée comme illégale ;

2°) que l'abattage de ces arbres, s'il devait un jour s'avérer nécessaire, ne pourrait avoir lieu qu'après la délivrance à l'aménageur d'un permis de construire en bonne et due forme, et donc après que ce dernier ait acquis la propriété du terrain d'assiette de son projet, ou dispose d'une promesse de vente de ce terrain que seul le conseil municipal de la commune peut lui consentir ;

3°) qu'une décision d'un conseil municipal ou d'un maire (comme cette délibération n° 36) ne peut avoir pour effet ou pour but de permettre au redevable d'un quelconque impôt, taxe ou redevance d'éluder le paiement de ces contributions, ni de mettre à la charge de la collectivité des dépenses (abattage d'arbres, fouilles) qui incombent en droit à une ou plusieurs personnes physiques ou morales clairement définies.

 

Cette délibération n° 36 encourt donc manifestement l'annulation, que ce soit après une demande de contrôle de légalité à formuler auprès du préfet (s'il consent à la déférer au TA), ou suite à un recours gracieux auprès du maire, lui demandant de soumettre à son conseil municipal une demande de retrait de cette délibération...

 

 

 

 

 

mardi, 06 décembre 2016

Primaires, et complémentaires...

 

Caen, tramway, TVR Bombardier, Viacités, AFITF, Philippe DURON, François GEINDRE, Philippe LAILLERiller

Décocratie

C'est manifestement livré en kit, prêt-à-l'usage, avec toute commande ferme de tramway. C'est vrai que ça ne coûte pas bien cher (c'est toujours trop), mais ça peut donner au bon peuple (car c'est quand même lui qui paye) l'illusion d'avoir pris part à la décision (ce qu'on appelle, je crois, la démocratie participative).

On ne fera pas la liste de toutes les villes de France et de Navarre (et même de Wallonie, ou de Belgique, si l'on préfère) dont les habitants se sont vus proposer le choix du papier peint de la future étuve à roulettes qu'ils pourront emprunter matin et soir, aux heures d'affluence. Quelques exemples suffiront.

 

Des goûts et des couleurs

Du 1er décembre 2015 au 31 janvier 2016, 14886 niçois ont participé à la consultation organisée par Christian Estrosi (député-maire de Nice, Président de la Métropole Nice Côte d’Azur, Président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, et j'en oublie sans doute), en vue de choisir, de très démocratique façon, la couleur de leur tram Alstom. La version ocre rouge a donc recueilli 44% des suffrages exprimés. Les versions 1 et 2 (bleu « Klein » et bleu « Ciel et Mer », ont quant à elles respectivement récolté 18,5 % et 37,5 % des voix... En savoir plus sur:

http://nice-tram-design.fr/#!resultats et http://www.nicecotedazur.org/actualite/2015/11/30/choisis...).

Du 20 au 24 octobre 2014 (à midi), c'est aux internautes strasbourgeois qu'on demandait de choisir le dessin du nez de leur nouveau tram Alstom Citadis. 4660 voix pour la version 2, 4363 pour la version 1...

(https://www.cts-strasbourg.eu/fr/la-cts/Votez-pour-le-nez...).

Du 7 au 21 septembre 2013, les Avignonnais avaient quant à eux 12 choix possibles concernant la peinture de leur futur tram Alstom Citadis Compact (3 « designs » et 4 couleurs). C'est fini bien sûr, mais on peut encore jouer avec le « configurateur » sur http://lelookdemontram.com/.

Les bisontins en 2011 purent choisir entre le blanc nacré, le rose fuchsia ou le bleu turquoise. Quant au Liégeois, qui est un Belge comme un autre, qu'a fait le Liégeois ? https://www.rtbf.be/info/regions/detail_le-choix-du-desig...

Et ainsi de suite...

 

A nous les primaires, et les complémentaires !

Puisque tout le monde fait ça, aux quatre coins de l'Hexagone, et au-delà, il n'y avait pas de raison pour que les Caennais y échappent. « Soyez acteur du projet, choisissez votre tram de demain » dit la page d'accueil de http://design.tramway2019.com/, joliment décorée des sigles de ses « sponsors » : l'Europe, la France, l'AFITF, la région Normandie, le département du Calvados, la communauté d'agglo Caen la Mer. Ne manquent à l'appel que la Galaxie et l'ONU...

Mais puisqu'il est question de choisir notre tram de demain (c'est déjà fait, entre gens de bonne compagnie), pourquoi ne pas profiter de l'occasion pour faire le bilan du tram d'hier (et d'aujourd'hui encore, hélas).

 

Le « tram » d'hier qui n'aura jamais 30 ans

Drôle de tram (sur pneus) qui ne l'est que de nom, unijambiste (ou monorail, si l'on veut). Prévu pour tenir 30 ans (et financé en conséquence), mais épuisé et bringuebalant après 15 ans de pannes et d'entretien coûteux. Une sorte de trolleybus guidé que nous ont imposé nos élus, de droite comme de gauche (François GEINDRE, Jean MOULIN, Philippe DURON) dont aucun, à l'exception notable de François SOLIGNAC-LECOMTE, n'a eu l'élégance de tirer les conséquences de cet échec annoncé en se retirant de la scène politique.

Bien au contraire. Philippe DURON, par exemple, a quitté en 2008 son fauteuil de président de la région pour poser ses fesses molles sur celui de maire de Caen, et de président de la communauté d'agglo, alors que, moins de 6 ans après sa mise en service, le « tram » TVR Bombardier déraillait déjà depuis longtemps...

Dès lors rien de plus normal que de retrouver, depuis 2012, ce naguère fervent supporter d'un projet foireux à la présidence de l'AFITF (agence de financement des infrastructures de transport de France), une structure intervenant de façon non négligeable dans le financement des projets de transport collectif urbain, mais jugée inutile par la Cour des Comptes (Rapport public 2009). Il sait assurément ce qu'il ne faut pas faire...

 

Autre exemple : l'inénarrable télé-pharmacien de la Grâce de Dieu, grand amateur de caméras de vidéosurveillance, qui (re)mit en son temps ce projet contesté sur les rails grâce à sa seule petite voix de conseiller municipal de Caen (mais qui alors en valait 17, si je me souviens bien), lors d'une réunion du SMTCAC (Syndicat Mixte des Transports en Commun de l'Agglomération Caennaise depuis rebaptisé Viacités).

Sauf que le conseil municipal de Caen, sa majorité (à laquelle appartenait l'intéressé) et son maire d'alors (J-M GIRAULT) avaient décidé qu'il ne fallait pas voter cette délibération. Pas homme à dire publiquement un éventuel désaccord, Philippe LAILLER la vota en douce.

Président local d'un groupuscule centriste, il est à ce titre, aujourd'hui, sixième adjoint au maire de Caen (sur une douzaine), chargé de la sécurité des personnes et des biens, du stationnement, de la circulation et du patrimoine communal. Des attributions à sa mesure.

 

Maintenant, si ça vous amuse de donner votre avis sur la forme d'un bout de tôle (le nez de l'engin), et la couleur de l'ensemble...

Caen, tramway, TVR Bombardier, Viacités, AFITF, Philippe DURON, François GEINDRE, Philippe LAILLERiller

Caen, tramway, TVR Bombardier, Viacités, AFITF, Philippe DURON, François GEINDRE, Philippe LAILLERiller

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mercredi, 27 août 2014

Zoologie et urbanisme, petite exploration du PLU de Caen, secteur UBa4…

Le hérisson, la fouine et le Professeur Xavier LE COUTOUR (fable caennaise)

Me voyant récemment contraint (je vous dirai peut-être pourquoi un jour prochain) de me plonger dans les subtilités (et les incohérences) du Plan Local d’Urbanisme (PLU) du Professeur Xavier LE COUTOUR, naguère encore adjoint du regretté Philippe DURON (un PLU dont on sait qu’il fut approuvé par une délibération du Conseil Municipal du 16 décembre 2013, et rudement critiqué par l’opposante qu’était alors Mme Sonia de LA PROVOTE), j’explorais sans plaisir aucun les 18 pages du règlement consacrées à la zone UB (pages 45 à 62) quand j’eus le bonheur d’y découvrir un article 11.4.2 ainsi rédigé :
« La conception des clôtures doit permettre le passage d’animaux terrestres de petite taille (hérissons, fouines…). »
Ouf ! Il n’était pas prévu de permettre le passage des engins de chantier, représentants plus communs de la faune locale, depuis quelques temps…


La rose et le hérisson, épines et piquants

Au cours des 20 dernières années, il m’était plusieurs fois arrivé de rencontrer (nuitamment) un hérisson dans mon jardin, et même une fois toute une petite famille de hérissons en balade (famille monoparentale comme on sait). Il faut dire que je n’utilise jamais de pesticides dans ce jardin (et même pas le moindre outil, sinon le sécateur et le taille-haie, et très rarement la fourche à bêcher), qu’on n’y est pas dérangé pendant la période d’hibernation (branchages, feuilles sèches à discrétion), et que le petit-gris (hélix aspersa) y prospère à nouveau depuis l’abandon par la mairie de l’utilisation des pesticides sur les espaces verts des alentours. Des espaces encore verts, mais pour combien de temps, car voués à l’urbanisation (et quelle urbanisation !, secteur UBa4 :RdC + 4 étages sur 18 mètres de profondeur à partir de l’alignement…).

Caen, Plan Local d’Urbanisme (PLU) zone UB, secteur UBa4, Professeur Xavier LE COUTOUR, Philippe DURON, espaces verts garantis, cœurs d’îlot verts, 160 rue de la Délivrande

Plan du secteur UBa4 Côte de Nacre - Délivrande - Copernic

Règlement PLU

(cliquer sur le lien pour ouvrir)

Mais revenons à nos moutons, nos hérissons, et nos fouines. Inconnues celles-là dans le secteur UBa4 dessiné par les soins de MM. LE COUTOUR et DURON (sa majorité d’alors et ses alliés écolos) au carrefour des avenues de la Côte de Nacre et Nicolas Copernic, et à l’extrémité de la rue de la Délivrande). Et pourtant friandes de gras hérissons, eux-mêmes menacés de disparition par celle du bocage et des petits bois (à la campagne), et des jardins en ville…


La Fouine, cette inconnue (librement adapté de Wikipedia)

La Fouine (Martes foina) est un mammifère carnivore de mœurs nocturnes, qui fait partie de la famille des Mustélidés, au même titre que la belette, la loutre, le putois ou le blaireau (ne pas confondre avec le blaireau commun, espèce endémique dans diverses sphères de la société, et dès lors classée à tort dans le règne animal). C’est un animal solitaire qui évite ses congénères en dehors des périodes de reproduction, et marque son territoire (de 12 à 210 hectares) à l’aide d’odorantes sécrétions. Elle se nourrit, selon les saisons, de petits mammifères (au nombre desquels le hérisson…), de fruits, d'oiseaux, de déchets trouvés près des habitations. Elle vit surtout à la campagne (dans les bois et vergers), mais aussi à proximité des habitations et jusque dans les villes, gîtant dans les granges et les greniers. La fouine, qui grimpe fort bien, aime vivre à proximité des habitations humaines ou sous le toit des maisons. Par sa présence et son activité nocturne, elle peut déranger les habitants (j’ai des amis dans ce cas, dans la banlieue de St Denis sur Sarthon, discrète mégalopole de l’Orne), soit en rongeant ou en déchiquetant des matériaux isolants (gaines de câbles, isolation thermique...), soit par ses cris ou cavalcades en période de rut, soit encore par les odeurs de ses déjections ou des charognes qu'elle laisse derrière elle. La fouine n'est pas une espèce menacée à l'échelle mondiale. Néanmoins les anticoagulants utilisés contre les rongeurs ont pour effet d'empoisonner toute la chaîne alimentaire qui s'en nourrit, et notamment les fouines qui s'empoisonnent à leur tour en consommant des rats, mulots, souris et autres rongeurs agonisants et donc faciles à chasser. La fouine (comme le hérisson) a enfin un autre ennemi majeur, l’automobile. Résultat…

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Squelette de fouine, image Didier DESCOUENS sous licence Creative Commons

 

Vie sauvage et espaces verts en UBa4

Ah ! Quelle belle chose que notre PLU nouveau, si soucieux de la libre circulation d’une espèce inconnue dans nos contrées d’UBa4, pourtant vouées sans vergogne à une totale minéralisation par la grâce des articles 7.1.1, 9, 10.2 et 13 du règlement.
Ainsi, sur 18 mètres de profondeur à partir de l’alignement, le terrain peut être intégralement bétonné (emprise au sol de 100%) sur 17 mètres de hauteur (4 étages sur rez-de-chaussée)…

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Sans un poil de verdure, sans un brin d’herbe, et bien entendu sans un arbre. L’article 13 couvre pourtant 2 bonnes pages (p.59 à 61) sur les 18 du règlement consacrées à la zone UB.
Le début est prometteur : « Les espaces libres doivent faire l’objet d’un traitement paysager afin de participer à l’insertion de la construction dans le site, à l’amélioration du cadre de vie, au renforcement de la biodiversité et à la gestion de l’eau pluviale. » (art 13.1)
Mais c’est sans compter sur les Dispositions quantitatives de l’article 13.2.1 : « Dans le secteur UBa et ses sous-secteurs, 30% de la superficie du terrain située au-delà de la bande de constructibilité principale doivent être traités en espaces verts (…) ».
Or dans cette zone de délaissés de voirie et de petites parcelles de lotissement des années 20 et 30, les 18 mètres de la bande de constructibilité principale couvrent l’essentiel ou même la totalité du terrain.
Une aubaine pour toute société de construction-vente. La prime au confetti, à bétonner très profitablement jusqu’au dernier centimètre carré. L’eau de pluie trouvera ailleurs un sol plus propice à l’infiltration. La fouine et le hérisson n’auront pas de clôture à franchir. Ils feront le tour du bâtiment…

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Exercice pratique : constructibilité maximale de la parcelle du 160 rue de la Délivrande (cliquer pour agrandir)



Dans ces conditions, on attend des promoteurs de tout poil qu’ils aient la décence d’élever une statue à leurs bienfaiteurs DURON et LE COUTOUR, et de ceux qui ont approuvé ce PLU (notamment écolos ou se réclamant de la défense de la verdure en zone urbaine) qu’ils aillent apprendre à lire.   
On ne doute pas que ces derniers aient apprécié les longs développements de l’article 13.2.2 et de ses Dispositions qualitatives (« espaces verts garantis », « cœurs d’îlot verts », « arbres remarquables et remarqués »). Mais c’était à l’évidence de la bouillie pour les chats…



Et puisqu’il fut ici question, entre autres, de fable et de hérissons, laissons le dernier mot au fabuliste qui, dédaignant la fouine, n’en confia pas moins au hérisson un modeste second rôle. Voici donc « Le renard, les mouches et le hérisson », dans une première version publiée (en note) aux pages 386 et 387 de l’édition Walckenaer de 1836.

Un renard tombé dans la fange,
Et des mouches presque mangé,
Trouvait Jupiter fort étrange
De souffrir qu’à ce point le sort l’eût outragé.
Un hérisson du voisinage,
Dans mes vers nouveau personnage,
Voulut le délivrer de l’importun essaim.
Le renard aima mieux les garder, et fut sage.
« Vois-tu pas, dit-il, que la faim
Va rendre une autre troupe encor plus importune ?
Celle-ci déjà soûle aura moins d’âpreté. »
Trouver à cette fable une moralité
Me semble chose assez commune.
On peut sans grand effort d’esprit
En appliquer l’exemple aux hommes.
Que de mouches voit-on dans le siècle où nous sommes !
Cette fable est d’Esope, Aristote le dit.