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dimanche, 22 janvier 2012

L’affaire du legs Louis Michel-Lecrosnier à l’Institut Lemonnier examinée en mai prochain par le Tribunal Correctionnel ?

Les Thénardier d’aujourd’hui

Dans une note publiée sur ce blog le 13 juin 2011, je me demandais si quelqu’un avait mis les doigts dans le pot de confiture, lors de la mise à la disposition de l’Association Institut Professionnel Lemonnier (AIPL) du produit d’un important legs (plus de 2 millions d’euros, s’agissant de la partie émergée), consenti à l’établissement (dont le directeur fut jusqu’en 2008 M. Eric MOISSET) par M. Louis Michel-Lecrosnier, un ancien élève, mort sans héritier en 2007.
Legs Louis Michel-Lecrosnier: à l’Institut Lemonnier les langues se délient, lentement et prudemment…

Par trois fois, en avril, mai et juin 2011, Ouest-France s’était fait l’écho des doutes du commissaire aux comptes, chargé de valider le bilan 2008 de l’AIPL, et à sa suite des soupçons de la nouvelle direction de l'Institut, du comité d'entreprise, de la section CFDT de l’établissement, de l’association des anciens élèves (ADB, anciens de Don Bosco), et j’en passe…

Association Institut Professionnel Lemonnier, legs Louis Michel-Lecrosnier, M. Eric MOISSET, anciens de Don Bosco, MM. José-Antoine et François PELTIER notaires, SCI « Le Concorde », Mme Nicole MOUSSAY, Réglement national du notariat, Décret 45-117 du 19 décembre 1945

Enquête bouclée, audience programmée pour le 22 mai…

A la lecture de ces articles, on apprenait aussi que la brigade financière de la police judiciaire de Caen avait procédé, à partir de décembre 2009, à plusieurs auditions dans le cadre d'une enquête préliminaire.
On ignore qui les enquêteurs ont pu alors entendre, mais on peut supposer qu’il s’agit, entre autres, des dirigeants de l'Institut Lemonnier (avant et après 2008), du commissaire aux comptes, des notaires caennais chargés de la vente (étude de Mes José-Antoine et François PELTIER), et enfin des dirigeants et associés du nouveau propriétaire des biens immobiliers légués, une SCI « Le Concorde » (SIREN 502768740, gérante Mme Nicole MOUSSAY).
Cette enquête est semble-t-il aujourd’hui bouclée, puisque, selon des rumeurs persistantes et apparemment fondées, une audience serait programmée pour le 22 mai au Tribunal Correctionnel de Caen, afin de juger le ou les responsables de l’évaporation (seulement partielle, tout de même) du legs Louis Michel-Lecrosnier.


Pilleurs de troncs, détrousseurs de cadavre

Une évaporation toute relative, car on se doute bien que rien ne s’est perdu. Dit autrement, qu’une partie des fonds (et accessoirement des meubles compris dans le legs) sont allés dans d’autres poches que celles du légataire désigné par le défunt. Difficile de mettre des meubles dans sa poche, certes. Pas très discret. Beaucoup moins en tout cas que les tours de passe-passe qu’autorise le recours à ces sociétés dites « transparentes » que sont les sociétés civiles immobilières.
Mais discrétion ou pas, c’est pas joli joli, et pour tout dire pas très catholique, de jouer sans risque les détrousseurs de cadavre, ou les pilleurs de troncs…

Association Institut Professionnel Lemonnier, legs Louis Michel-Lecrosnier, M. Eric MOISSET, anciens de Don Bosco, MM. José-Antoine et François PELTIER notaires, SCI « Le Concorde », Mme Nicole MOUSSAY, Réglement national du notariat, Décret 45-117 du 19 décembre 1945

"Un interlocuteur privilégié: votre notare"...


Qui sera de la fête ?

Qui donc sera cité à comparaître, le 22 mai, à la barre du Tribunal Correctionnel ? Le suspense reste entier aujourd’hui. Et le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie.
On se souvient cependant que le legs en cause avait, s’agissant des seuls biens immobiliers, une valeur globale de 2.000.000 d’euros, si l’on prend en considération les sommes rentrées dans la comptabilité de l’Institut (1,3 million d'euros pour des locaux commerciaux à Caen + 24 appartements vendus à une SCI, et 700 000 € pour la maison du donateur, à Ifs).
2.000.000 d’euros, ou plus, si comme le suggère le commissaire aux comptes chargé de valider le bilan 2008, on n’a pas « l'assurance raisonnable de la réalité, de l'exhaustivité et de la correcte évaluation des produits liés au legs » (cité par Jean-Pierre BEUVE dans un article paru dans Ouest-France, le vendredi 15 avril 2011).
S’agissant des biens immobiliers (logements et locaux commerciaux), le professionnel compétent pour procéder à une correcte estimation de leur valeur, c’est bien évidemment le notaire chargé des opérations de délivrance du legs, puis de vente, en bloc, des biens en cause.


Le notaire: « L’intérêt du client prime toujours le sien »

On sait qu’un règlement national (références ci-dessous) fait aux notaires, en son article 3.2.1, obligation de délivrer à leur clientèle, en toute impartialité, « l’information la plus complète », étant bien entendu qu’ils doivent « choisir les moyens les plus appropriés pour parvenir au résultat désiré par le client » (ici l’Institut Lemonnier), et qu’il leur est interdit « soit par eux-mêmes, soit par personnes interposées, soit directement, soit indirectement de se livrer ou de s’intéresser à aucune des opérations prohibées par l’article 13 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 ».
Le texte complet de cet article 13 figure ci-dessous

Dans ces conditions, quelle raison aurait pu motiver une évaluation incorrecte des biens cédés à la SCI « Le Concorde » ?



 
Réglement national du notariat
http://www.paris.notaires.fr/UPLOAD/files/73d7a07f4e0d764a/Reglementnationalintercours2010.pdf

Décret no 45-117 du 19 décembre 1945 portant règlement d'administration publique pour l'application du statut du notariat.
Article 13
Il est interdit aux notaires, soit par eux-mêmes, soit par personnes interposées, soit directement, soit indirectement :
1° De se livrer à aucune spéculation de bourse ou opération de commerce, banque, escompte et courtage ;
2° De s'immiscer dans l'administration d'aucune société ou entreprise de commerce ou d'industrie ;
3° De faire des spéculations relatives à l'acquisition et à la revente des immeubles, à la cession des créances, droits successifs, actions industrielles et autres droits incorporels ;
4° De s'intéresser dans aucune affaire pour laquelle ils prêtent leur ministère ;
5° De recevoir ou conserver des fonds, à charge d'en servir l'intérêt ;
6° De se constituer garants ou cautions, à quelque titre que ce soit, des prêts à la négociation desquels ils auraient participé, comme aussi de ceux dont les actes seraient dressés par eux ou avec leur participation ;
7° De se servir de prête-nom en aucune circonstance même pour des actes autres que ceux désignés ci-dessus ;
8° De consentir avec leurs deniers personnels des prêts qui ne seraient pas constatés par acte authentique ;
9° De contracter pour leur propre compte aucun emprunt par souscription de billet sous seing privé.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006060428&dateTexte=20110818





lundi, 13 juin 2011

Legs Louis Michel-Lecrosnier: à l’Institut Lemonnier les langues se délient, lentement et prudemment…

Quelqu’un a-t-il mis les doigts
dans le pot de confiture ?

C’est la troisième fois (en moins de 2 mois) que Ouest-France consacre un article à cette affaire, qui depuis près de deux ans met en émoi l'Institut Lemonnier tout entier, direction, conseil d’administration, comité d’entreprise, personnel enseignant ou non, syndicats et association des anciens élèves.
Ce serait beaucoup de fumée, s’il n’y avait pas le feu…


2.000.000 d’euros, ou plus ?

Il est vrai que c’est une affaire à 2.000.000 d’euros, si l’on prend en considération les seules sommes rentrées dans la comptabilité de l’Institut (1,3 million d'euros pour des locaux commerciaux à Caen + 24 appartements vendus à une SCI, et 700 000 € pour la maison du donateur, à Ifs). Ou plus, si comme le suggère le commissaire aux comptes chargé de valider le bilan 2008, on n’a pas « l'assurance raisonnable de la réalité, de l'exhaustivité et de la correcte évaluation des produits liés au legs » (cité par Jean-Pierre BEUVE dans Ouest-France, le vendredi 15 avril 2011, lien ci-dessous).
Et ne parlons même pas des meubles du donateur, mort sans héritier en 2007, qui était ébéniste, sculpteur sur bois et meilleur ouvrier de France dans cette discipline. Les conditions curieusement artisanales de leur déménagement (au moins partiel) font depuis longtemps jaser à Lemonnier. D’ailleurs, « seules deux armoires normandes sont arrivées à l'Institut », ainsi que le précise Éric Jouenne, directeur de l’Institut depuis la rentrée 2008, soit après la fumée des cierges, comme disait ma grand-mère (voir ci-dessous, à ce propos, le second article de Jean-Pierre BEUVE dans Ouest-France, le lundi 23 mai 2011).
Un troisième article du 10 juin 2011, non signé, se fait cette fois l’écho des inquiétudes de la section CFDT de l’établissement, qui se demande elle aussi ce que sont devenus les meubles qui n’ont jamais rejoint l’Institut (chapitre sans doute secondaire de « l'exhaustivité des produits liés au legs »), fait état de « dépenses d’un intérêt douteux », estime que « l’Institut a été spolié », et s’étonne de l’absence de plainte de l’établissement afin d’obtenir réparation…

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Lemonnier, années 60 (cliquer pour agrandir)

 

Soupçons prudents de la direction de l'Institut

Ainsi donc, selon la CFDT, pas de plainte (avec constitution de partie civile) de l'Institut Lemonnier lui-même en sa qualité de possible (et plus que probable) victime, pour n’avoir sans doute pas recueilli l’intégralité des biens légués (les meubles), et, s’agissant des immeubles, la juste contrepartie de leur valeur sur le marché.
Il n’est jamais trop tard pour bien faire, et la direction de l'Institut a certes saisi le procureur, suite au rapport du commissaire aux comptes (exercice 2008). Le comité d'entreprise, via un courrier de son l'avocat en date du 23 juillet 2009, aurait lui aussi émis les mêmes hypothèses (prudentes) d’irrégularités. Et, à partir de décembre 2009, la brigade financière de la police judiciaire de Caen aurait procédé à plusieurs auditions dans le cadre d'une enquête préliminaire. Une enquête qui devrait être prochainement bouclée (Ouest-France).
Mais, officiellement, la direction de l'Institut, comme le comité d'entreprise et l’association des anciens élèves, restent extrêmement prudents, et laissent la justice décider de faire son travail, si elle le juge bon, sans intervenir pour le moment.
Est-ce seulement pour épargner de nouveaux traumatismes au personnel et aux anciens élèves ? Préfère-t-on laisser circuler des rumeurs (fort plausibles), et voir un jour éclater le scandale, au risque d’être alors accusé d’avoir tenté d’en épargner les protagonistes ?


L’intervention de la Providence, et son contexte

Il est peut-être bon, à ce stade, de revenir à l’origine de l’affaire. Mort sans héritier à 82 ans, en 2007, M. Louis Michel-Lecrosnier, formé à l'Institut Lemonnier et membre des ADB (anciens de Don Bosco, association des anciens élèves), a souhaité que son legs de la majeure partie de ses biens à l’établissement serve à « l'amélioration des conditions de formation et de vie des élèves ». Et pas à autre chose, même à la marge…
Un message parfaitement compris par M. Eric MOISSET, à l’époque directeur de l'Institut, comme en témoigne cet extrait du journal des ADB de janvier 2008 (Le « Mot du directeur », pages 2 et 3)

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http://www.adb-lemonnier.net/journal.php

La Providence (qui, avec majuscule, est de nature divine, bien entendu) avait bien fait les choses, sachant qu’à l’époque l’établissement était paraît-il en difficultés financières, difficultés qui avaient par ailleurs justifié que la ville de Caen consente à une révision ponctuelle de son POS (sous l’autorité de M. Luc DUNCOMBE, alors adjoint au maire), permettant ainsi la vente à M. Fernando de ALMEIDA GOMES de terrains horticoles naguère inconstructibles sur lesquels NEXITY allait réaliser ses fameuses « Villas Mathilde »…


Ce qu’on sait, et ce qui se dit…

Mais revenons au legs Michel-Lecrosnier, dont la partie immobilière passait officiellement dans le patrimoine de l’Association Institut Professionnel Lemonnier (objet: « formation morale et professionnelle de la jeunesse ouvrière ») par une attestation de propriété dressée le 8 janvier 2008 en l’étude de Mes José-Antoine et François PELTIER, notaires à Caen.
C’est la même étude qui, les 17 et 19 juin 2008, passera l’acte de vente par l’AIP Lemonnier à une SCI « Le Concorde » (SIREN 502768740, gérante Mme Nicole MOUSSAY) de 24 logements et quelques locaux commerciaux, au prix rond de 1.300.000 € (le prix de 650 m² de logement dans l’ancien, puisque le prix moyen de ce produit est, paraît-il d’environ 2.000 € / m² à Caen).
D’aucuns, on l’a vu, doutent de « la correcte évaluation » de ces biens, vendus paraît-il à ce prix selon l'estimation de France Domaine.
Mais d’autres (ou les mêmes), apparemment plus curieux et mieux renseignés, affirment quant à eux que la clef du mystère est dans la répartition des parts des associés de la SCI « Le Concorde », avant comme après les 17 et 19 juin 2008. Des parts qui auraient changé de mains (et de valeur) plusieurs fois en quelques mois. Des associés qu’on ne se serait pas attendu à trouver là, en personne ou derrière un prête-nom, avant la vente de ces biens à la SCI dont ils étaient membres…

De mauvaises langues, sans doute.





Sources

Jean-Pierre BEUVE, Ouest-France, vendredi 15 avril 2011
http://www.ouest-france.fr/actu/actuLocale_-Le-legs-qui-embarrasse-l-Institut-Lemonnier-_14118-avd-20110415-60286108_actuLocale.Htm

Jean-Pierre BEUVE, Ouest-France, lundi 23 mai 2011
http://www.ouest-france.fr/actu/actuLocale_-Legs-Lemonnier-les-anciens-s-interrogent-_14118-avd-20110523-60534839_actuLocale.Htm

 

Supplément : « Les funérailles d’antan » de Georges Brassens  

Quand les héritiers étaient contents
Au fossoyeur, au croque-mort, au curé, aux chevaux même
Ils payaient un verre

Mais les vivants aujourd'hui n'sont plus si généreux
Quand ils possèdent un mort ils le gardent pour eux
C'est la raison pour laquelle, depuis quelques années
Des tas d'enterrements vous passent sous le nez...


Georges Brassens - Les Funerailles d'Antan par susacacon