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dimanche, 18 mars 2012

Lemonnier : comment marchands de biens, notaires et directeur de l’Institut ont liquidé les biens légués à l’établissement par Louis Michel Lecrosnier…

Petit drame en six actes
(pour commencer…)

Ce n’est pas un drame, car il n’y a pas mort d’homme. L’homme était déjà mort. L’affaire est beaucoup plus triviale. De la comédie de mœurs, dont les différents épisodes respectent l’unité de lieu (ces lieux discrets au confort bourgeois où l’on passe des actes entre gens de bonne compagnie), le tout dans une relative unité de temps (l’année 2008).

Rappel des épisodes précédents

L’histoire vous est maintenant bien connue : mort sans héritier à 82 ans, en 2007, M. Louis Michel-Lecrosnier, ancien élève de l'Institut Lemonnier, lègue à cet établissement la majeure partie de ses biens (2 millions d’euros, au moins), afin que ce legs serve à « l'amélioration des conditions de formation et de vie des élèves ». Et pas à autre chose, même à la marge…
Mais très vite le doute s’empare de tous ceux qui, de près ou de loin, s’intéressent aux affaires de l'Institut (la nouvelle direction, le comité d'entreprise, la section CFDT, l’association des anciens élèves, baptisée ADB, pour anciens de Don Bosco, et j’en passe…), car, selon le commissaire aux comptes chargé de valider le bilan 2008 de l’Association Institut Professionnel Lemonnier (AIPL), on n’a pas « l'assurance raisonnable de la réalité, de l'exhaustivité et de la correcte évaluation des produits liés au legs » (cité par Jean-Pierre BEUVE dans Ouest-France, le vendredi 15 avril 2011).
La brigade financière de la police judiciaire de Caen a donc été chargée, à partir de décembre 2009, d'une enquête préliminaire, et dans ce cadre a procédé à plusieurs auditions.
Mais Ouest-France nous apprenait récemment que les poursuites envisagées, concernant le legs Louis Michel-Lecrosnier, seraient classées sans suite. Sur ce point, l'enquête n'aurait rien mis de suspect en évidence (Ouest-France 15 février 2012).
C’est pour d’autres faits délictueux que M. Eric MOISSET, directeur de l’Institut Lemonnier jusqu’en septembre 2008, serait jugé le 22 mai prochain par le Tribunal Correctionnel, sous l’inculpation d’abus de confiance et escroquerie.


Ni(hi)l sapientiae odiosius acumine nimio

Et si, par hypothèse, on n'avait rien mis de suspect en évidence, dans l’affaire du legs, pour la seule et bonne raison qu’on n’avait sans doute pas cherché là où les réponses s’étalaient, bien en évidence ? (voir « La lettre volée », d’Edgar Allan Poe, et je vous épargne la référence à l’analyse qu’en fait Lacan dans ses Ecrits). Rien en fait de sagesse n'est plus détestable que d'excessives subtilités…
C’est là où je vous avais laissé dans ma note du 26 février dernier.

Que M. Eric MOISSET puisse comparaître seul devant ses juges, pour des faits assez secondaires, ce serait évidemment injuste.
Il fallait aller jeter un œil sur les cessions de parts mentionnées sur la fiche de la SCI « Le Concorde » (SIREN 502768740), accessible à tous sur le site Societe.com.
Au Greffe du Tribunal de Commerce, au premier étage du Palais de Justice Gardin, vous pouvez obtenir, pour une dizaine d’euros chacune, des copies intégrales de tous les actes déposés par les sociétés immatriculées au RCS de Caen.
Dans cette note, et celle qui suivront, je me contenterai donc de relater le contenu des 6 premiers actes de cessions de parts enregistrés en 2008 dans le dossier de la SCI « Le Concorde ».
C’est assez pour mettre au grand jour l’opération montée, autour du legs Louis Michel-Lecrosnier, par des marchands de biens, associés fondateurs de la SCI, les notaires chargés de la rédaction des actes, et M. Eric MOISSET, directeur à l’époque de Institut Lemonnier.


Ultimes précisions chronologiques, et autres

Les actes I et II de cette farce sont tous deux datés du 30 avril 2008, presque 4 mois après la constitution de la SCI « Le Concorde » (par acte SSP du 2 janvier 2008), mais aussi un mois et demi avant la vente (des 17 et 19 juin 2008), consentie par l’Association Institut Professionnel Lemonnier (AIPL) des biens issus du legs Louis Michel-Lecrosnier à cette même SCI.
Avant de passer à la relation des stipulations de ces deux actes, il convient de signaler que la SCI (au capital de 1000 € divisé en 100 parts, et domiciliée au 135 rue de Falaise à Caen) n’a initialement que 2 associés détenant 50 parts chacun: M. Sylvain LEFEVRE et son épouse née Maryline RAIMOND d’une part, et Mme Nicole MOUSSAY (par ailleurs gérante de la SCI) de l’autre.
L’étude notariale rédactrice des actes (notamment l’acte de vente des 17 et 19 juin 2008), est celle de Mes François et José-Antoine PELTIER.


Acte I : apparition du HOLDING ALGAS,
gérante Anne-Sophie PELTIER, née CABROL

Par un acte du 30 avril 2008, la SCI « Le Concorde », dont le patrimoine est encore inexistant (contrairement à ce qui en est dit aux pages 2 à 13 de ce document, qui fait état, la date laissée en blanc, d’un acte d’acquisition reçu par Me François PELTIER) admet en son sein un troisième associé, la Sarl HOLDING ALGAS, entreprise unipersonnelle au capital de 500 € (SIREN 492659271).
Il est peu probable que Mme Nicole MOUSSAY, qui cède à prix coûtant (200 €) 20 de ses 50 parts sociales à cette Sarl HOLDING ALGAS, ait fait par hasard la connaissance de la gérante de cette société (créée en novembre 2006), Mme Anne-Sophie PELTIER, née CABROL.
Rien d’autre à dire sur cet acte, si ce n’est que cette cession recueille bien entendu l’agrément (exigé par les statuts de la SCI, voir pages 14, 15 et 17) de M. et Mme Sylvain LEFEVRE, seul autre associé du moment, et que la société (la SCI) « n’a aucun prêt en cours » (page 15), même si, pour des raisons de facilité rédactionnelle (ces actes sont tous rédigés sur le même modèle, y compris les blancs), ce document fait déjà état d’un prêt hypothécaire de 1 420 000 €…
Je suis vraiment désolé de vous faire attendre une prochaine livraison de ce feuilleton, pour vous révéler peut-être qui seront fin 2008 les différents associés de  la SCI « Le Concorde ». Il convient en effet de vous épargner en une seule fois la lecture d'un exposé déjà bien fastidieux…


Acte II : apparition d’un quatrième associé,
en la personne de M. Eric MOISSET,
à l’époque directeur de Institut Lemonnier

C’est encore par un acte sur 20 pages du 30 avril 2008,  pour l’essentiel copié-collé du précédent, que la SCI « Le Concorde » admet en son sein un quatrième associé, M. Eric MOISSET lui-même.
Mais c’est cette fois M. et Mme Sylvain LEFEVRE qui cèdent à prix coûtant (100 €) 10 de leurs 50 parts sociales à M. MOISSET, et la cession recueille bien sûr l’agrément de Mme Nicole MOUSSAY. La seule originalité de cet acte est la renonciation expresse de Mme MOISSET à revendiquer la qualité d’associée dans la SCI. Enfin le cédant et le cessionnaire (M. MOISSET) déclarent « contracter en pleine connaissance de cause ». C’est sans doute là une formule type, mais qui prend à l’occasion une signification assez savoureuse…
Que fera M. MOISSET de ses dix parts de la SCI, à court, moyen ou long terme ? Ce n’est pas aujourd’hui que je vous le dirai; j’ai déjà gravement abusé de votre patience, en vous imposant une littérature passablement assommante.

Patience, donc. Mais je crois qu’on peut déjà tirer quelques leçons des rapports manifestement confiants qui se sont noués entre ceux qui achètent (Mme Nicole MOUSSAY, M. et Mme Sylvain LEFEVRE), et celui qui représente l’établissement vendeur, et ratifiera la vente en son nom (M. Eric MOISSET).
Tous connaissent et approuvent le prix convenu pour la transaction, et le dernier tout particulièrement le trouve assez bon, puisqu’il estime opportun, plusieurs semaines avant la vente, de s’intéresser au devenir des biens vendus par son établissement.
A la place de la brigade financière de la police judiciaire, j’aurais peut-être trouvé ces relations un peu suspectes…



Ouest-France, mercredi 15 février 2012, « Lemonnier: ex-directeur en correctionnelle »
http://www.ouest-france.fr/2012/02/15/caen/Lemonnier-ex-directeur-en-correctionnelle--62252631.html


Autres notes consacrées à cette affaire sur ce blog

http://caennaissivoussaviez.hautetfort.com/archive/2012/02/26/institut-lemonnier-l-ancien-directeur-eric-moisset-en-correc.html

http://caennaissivoussaviez.hautetfort.com/archive/2012/01/22/l-affaire-du-legs-louis-michel-lecrosnier-a-l-institut-lemon.html

http://caennaissivoussaviez.hautetfort.com/archive/2011/06/13/legs-louis-michel-lecrosnier-a-l-institut-lemonnier-les-lang.html





dimanche, 22 janvier 2012

L’affaire du legs Louis Michel-Lecrosnier à l’Institut Lemonnier examinée en mai prochain par le Tribunal Correctionnel ?

Les Thénardier d’aujourd’hui

Dans une note publiée sur ce blog le 13 juin 2011, je me demandais si quelqu’un avait mis les doigts dans le pot de confiture, lors de la mise à la disposition de l’Association Institut Professionnel Lemonnier (AIPL) du produit d’un important legs (plus de 2 millions d’euros, s’agissant de la partie émergée), consenti à l’établissement (dont le directeur fut jusqu’en 2008 M. Eric MOISSET) par M. Louis Michel-Lecrosnier, un ancien élève, mort sans héritier en 2007.
Legs Louis Michel-Lecrosnier: à l’Institut Lemonnier les langues se délient, lentement et prudemment…

Par trois fois, en avril, mai et juin 2011, Ouest-France s’était fait l’écho des doutes du commissaire aux comptes, chargé de valider le bilan 2008 de l’AIPL, et à sa suite des soupçons de la nouvelle direction de l'Institut, du comité d'entreprise, de la section CFDT de l’établissement, de l’association des anciens élèves (ADB, anciens de Don Bosco), et j’en passe…

Association Institut Professionnel Lemonnier, legs Louis Michel-Lecrosnier, M. Eric MOISSET, anciens de Don Bosco, MM. José-Antoine et François PELTIER notaires, SCI « Le Concorde », Mme Nicole MOUSSAY, Réglement national du notariat, Décret 45-117 du 19 décembre 1945

Enquête bouclée, audience programmée pour le 22 mai…

A la lecture de ces articles, on apprenait aussi que la brigade financière de la police judiciaire de Caen avait procédé, à partir de décembre 2009, à plusieurs auditions dans le cadre d'une enquête préliminaire.
On ignore qui les enquêteurs ont pu alors entendre, mais on peut supposer qu’il s’agit, entre autres, des dirigeants de l'Institut Lemonnier (avant et après 2008), du commissaire aux comptes, des notaires caennais chargés de la vente (étude de Mes José-Antoine et François PELTIER), et enfin des dirigeants et associés du nouveau propriétaire des biens immobiliers légués, une SCI « Le Concorde » (SIREN 502768740, gérante Mme Nicole MOUSSAY).
Cette enquête est semble-t-il aujourd’hui bouclée, puisque, selon des rumeurs persistantes et apparemment fondées, une audience serait programmée pour le 22 mai au Tribunal Correctionnel de Caen, afin de juger le ou les responsables de l’évaporation (seulement partielle, tout de même) du legs Louis Michel-Lecrosnier.


Pilleurs de troncs, détrousseurs de cadavre

Une évaporation toute relative, car on se doute bien que rien ne s’est perdu. Dit autrement, qu’une partie des fonds (et accessoirement des meubles compris dans le legs) sont allés dans d’autres poches que celles du légataire désigné par le défunt. Difficile de mettre des meubles dans sa poche, certes. Pas très discret. Beaucoup moins en tout cas que les tours de passe-passe qu’autorise le recours à ces sociétés dites « transparentes » que sont les sociétés civiles immobilières.
Mais discrétion ou pas, c’est pas joli joli, et pour tout dire pas très catholique, de jouer sans risque les détrousseurs de cadavre, ou les pilleurs de troncs…

Association Institut Professionnel Lemonnier, legs Louis Michel-Lecrosnier, M. Eric MOISSET, anciens de Don Bosco, MM. José-Antoine et François PELTIER notaires, SCI « Le Concorde », Mme Nicole MOUSSAY, Réglement national du notariat, Décret 45-117 du 19 décembre 1945

"Un interlocuteur privilégié: votre notare"...


Qui sera de la fête ?

Qui donc sera cité à comparaître, le 22 mai, à la barre du Tribunal Correctionnel ? Le suspense reste entier aujourd’hui. Et le silence éternel de ces espaces infinis m’effraie.
On se souvient cependant que le legs en cause avait, s’agissant des seuls biens immobiliers, une valeur globale de 2.000.000 d’euros, si l’on prend en considération les sommes rentrées dans la comptabilité de l’Institut (1,3 million d'euros pour des locaux commerciaux à Caen + 24 appartements vendus à une SCI, et 700 000 € pour la maison du donateur, à Ifs).
2.000.000 d’euros, ou plus, si comme le suggère le commissaire aux comptes chargé de valider le bilan 2008, on n’a pas « l'assurance raisonnable de la réalité, de l'exhaustivité et de la correcte évaluation des produits liés au legs » (cité par Jean-Pierre BEUVE dans un article paru dans Ouest-France, le vendredi 15 avril 2011).
S’agissant des biens immobiliers (logements et locaux commerciaux), le professionnel compétent pour procéder à une correcte estimation de leur valeur, c’est bien évidemment le notaire chargé des opérations de délivrance du legs, puis de vente, en bloc, des biens en cause.


Le notaire: « L’intérêt du client prime toujours le sien »

On sait qu’un règlement national (références ci-dessous) fait aux notaires, en son article 3.2.1, obligation de délivrer à leur clientèle, en toute impartialité, « l’information la plus complète », étant bien entendu qu’ils doivent « choisir les moyens les plus appropriés pour parvenir au résultat désiré par le client » (ici l’Institut Lemonnier), et qu’il leur est interdit « soit par eux-mêmes, soit par personnes interposées, soit directement, soit indirectement de se livrer ou de s’intéresser à aucune des opérations prohibées par l’article 13 du décret n° 45-0117 du 19 décembre 1945 ».
Le texte complet de cet article 13 figure ci-dessous

Dans ces conditions, quelle raison aurait pu motiver une évaluation incorrecte des biens cédés à la SCI « Le Concorde » ?



 
Réglement national du notariat
http://www.paris.notaires.fr/UPLOAD/files/73d7a07f4e0d764a/Reglementnationalintercours2010.pdf

Décret no 45-117 du 19 décembre 1945 portant règlement d'administration publique pour l'application du statut du notariat.
Article 13
Il est interdit aux notaires, soit par eux-mêmes, soit par personnes interposées, soit directement, soit indirectement :
1° De se livrer à aucune spéculation de bourse ou opération de commerce, banque, escompte et courtage ;
2° De s'immiscer dans l'administration d'aucune société ou entreprise de commerce ou d'industrie ;
3° De faire des spéculations relatives à l'acquisition et à la revente des immeubles, à la cession des créances, droits successifs, actions industrielles et autres droits incorporels ;
4° De s'intéresser dans aucune affaire pour laquelle ils prêtent leur ministère ;
5° De recevoir ou conserver des fonds, à charge d'en servir l'intérêt ;
6° De se constituer garants ou cautions, à quelque titre que ce soit, des prêts à la négociation desquels ils auraient participé, comme aussi de ceux dont les actes seraient dressés par eux ou avec leur participation ;
7° De se servir de prête-nom en aucune circonstance même pour des actes autres que ceux désignés ci-dessus ;
8° De consentir avec leurs deniers personnels des prêts qui ne seraient pas constatés par acte authentique ;
9° De contracter pour leur propre compte aucun emprunt par souscription de billet sous seing privé.

http://www.legifrance.gouv.fr/affichTexte.do?cidTexte=LEGITEXT000006060428&dateTexte=20110818