samedi, 22 février 2020
Caen 2014-2020, le cinéma des municipales et la place de la République...
On rase gratis, saison 2
Demandez le programme 2014 !
Pour « Réussir Caen » au printemps 2014, il fallait selon Joël BRUNEAU « Créer une halle de produits frais et de spécialités normandes, place de la République » (pas besoin pour cela de 19300 m² de surface de vente, ni de détruire une cinquantaine de tilleuls qui y prospèrent depuis plus de soixante ans !)... Il fallait aussi régler la question de la friche du cinéma Pathé sur le boulevard Leclerc (friche toujours présente 6 ans plus tard), par « la reconstruction d'une galerie commerciale d'hyper-centre » à cet endroit (lui aussi tout désigné pour accueillir aussi une -ou plusieurs?- salle-s de cinéma d'art et essai, puisque le cinéma fut sa destination pendant une soixantaine d'année)... Il fallait encore « un centre de congrès digne d'une capitale régionale, placé dans un endroit stratégique », comme dans « l'ancien Palais de Justice place Fontette (…) le reste de l'espace étant partagé entre logements, hôtel et commerces » (un terrain de jeux promis à Investir Immobilier Normandie et Frédéric ALVES, aux sociétés luxembourgeoises d'un certain Bruno BRUCHON -comme Luminare Invest Management-, et pourquoi pas aux chinois du Louvre Hotels Group)... Il fallait enfin « un nouveau parking souterrain sous les Fossés Saint Julien »...
Comment la souris accoucha d'une montagne
Je n'invente rien, le programme ci-dessus résumé figure dans un document électoral du candidat BRUNEAU daté de 2014 (voir ci-dessous), que Me Michel AARON, avocat de la Ville de Caen, communiqua au Tribunal administratif de Caen le 15 juillet 2019.
(cliquer sur l'image pour agrandir)
On n'aura pas besoin de moi pour noter l'état d'avancement de ces promesses (qui n'engagent surtout que les finances municipales, ceux qui y ont cru restant libres de persévérer dans leur foi, aveugle comme de coutume en semblable matière).
Mais s'il ne fut plus jamais question, de 2014 à 2020, de défoncer les Fossés Saint Julien pour y enterrer des bagnoles, ni d'imposer la construction d'une galerie commerciale à l'emplacement de l'ancien cinéma Pathé (là, c'est la SCI Leclerc-Caen du groupe immobilier strasbourgeois Bennaroch-Oussadon qui mène la danse... pas le maire de Caen), c'est au site de l'ancien parking aux tilleuls de la place de la République qu'échut le recyclage des promesses non tenues parce que non tenables, à la satisfaction de M. Laurent CHEMLA (Le Printemps) et de M. Malek REZGUI (Sedelka), peut-être bien pressentis dès avant tout ce cirque pour poser leur béton sur ce beau morceau de propriété publique.
C'est ainsi que la « halle de produits frais et de spécialités normandes » se métamorphosa (se décupla!) dès 2016 en un fort classique centre commercial de 19300 m² de surface au dessus d'un parking souterrain en zone potentiellement inondable... Et pour la réalisation de ce projet intégralement privé, les conseillers de la majorité municipale de M. BRUNEAU consentirent comme un seul homme, le 25 juin 2018, à vendre aux susnommés un demi-hectare de place publique dans l'hypercentre, pour la modique somme de 5,5 millions d'euros, le tout assaisonné de diverses gâteries d'importance non négligeable...
L'apparition des frères Lumière
au maire de Caen
A l'approche des élections municipales de 2020, frère BRUNEAU reprit son bâton de pèlerin, et après avoir converti à ses vues les adeptes du gourou Nicolas GOSSELIN, chef spirituel des macroniens du Calvados au siège de Mondeville, il en accueillit un lot de 10 pour figurer au nombre de ses 55 disciples.
C'est alors que les frères Lumière lui apparurent, et lui ordonnèrent de créer, dans le centre commercial privé de ses amis CHEMLA et REZGUI, « un cinéma Art et Essai en centre-ville, place de la République, avec le Lux » (l'évangile selon Liberté) ou encore « une salle de cinéma, que nous confierons à une association d’arts et essais, pour ne pas la nommer, le Lux » (l'évangile selon Ouest-France). C'est du moins ce qu'il annonça à ses fidèles lors de son meeting de campagne du 23 janvier dernier.
C'est pas du Lux... ni du Sedelka ?
Soucieux de savoir si c'était du lard ou du cochon (variante à saveur locale du bon grain et de l'ivraie) j'interrogeai sans tarder le Lux, en adressant dès le 27 le message reproduit ci-après à MM. Serge DAVID (Président du Conseil d'Administration de l'AEP Cinéma Lux), Didier ANNE, Gautier LABRUSSE et Romuald PORETTI... Et en laissant à d'autres le soin d'interroger les promoteurs du centre commercial, dont on ne peut douter qu'ils puissent être intéressés par le bricolage de leur projet (privé) tel qu'envisagé par un maire candidat à sa réélection, qu'ils y soient favorables ou non. Voilà donc le texte de mon courriel aux patrons du Lux :
« Vivement intéressé depuis plus de trois ans au devenir d'une partie de notre place de la République que M. Joël Bruneau a, par délibération du 25 juin 2018, décidé de vendre aux sociétés de MM. Malek Rezgui et Laurent Chemla, hommes d'affaires caennais, j'ai été très étonné d'apprendre par la presse locale que l'actuel maire de Caen, candidat à sa réélection, avait annoncé lors de son meeting de campagne du 23 janvier dernier la création, dans ce centre commercial privé, d' « un cinéma Art et Essai en centre-ville, place de la République, avec le Lux » (Liberté) ou encore d' « une salle de cinéma, que nous confierons à une association d’arts et essais, pour ne pas la nommer, le Lux » (Ouest-France). »
« Cette annonce, peu conforme au projet de juin 2016 des acquéreurs du terrain, comme au dispositif de la délibération du conseil municipal du 25 juin 2018, et à celui du Cahier des charges notarié annexé à celle-ci, m'a paru au moins fort prématurée, et peut-être aussi peu crédible, faute de toute déclaration à ce propos des principaux intéressés, les promoteurs du centre commercial d'une part, et les instances dirigeantes de l'AEP Cinéma Lux de l'autre. »
« Je vous serais donc reconnaissant de me faire savoir si cette annonce est autre chose qu'une promesse électorale, si le Conseil d'administration ou l'Assemblée générale de l'AEP Cinéma Lux ont pris position sur cette question, et, si oui, dans quelle partie des constructions envisagées et sur quelle surface de plancher serai(en)t réalisée(s) la (ou les) salle(s), sachant que leur réalisation en sous-sol ne serait possible que par dérogation exceptionnelle aux règles du plan de prévention des risques d'inondation (zone d'aléa faible à moyen). »
Bien cordialement, Bruno HERGAS.
Le projectionniste n'était pas...
au courant de la programmation
Dès le 30, j'avais ma réponse, longue et circonstanciée (voir en intégralité ci-après, la mise en relief de divers passages étant de mon fait). En gros, le Lux est aussi une entreprise qui doit tirer son épingle du jeu dans un environnement concurrentiel (paragraphes 1 et 2). Le Lux est donc « en quête d’un projet de développement (…) a sollicité la collectivité pour qu’elle l’accompagne dans la recherche d’un emplacement en ville afin d’y développer ses activités (…) Mais, toutes les pistes suivies ont conduit à une impasse » (paragraphe 3). « Une étude de faisabilité pour l’installation d’un petit complexe art et essai en centre-ville (...) laisse apparaître un réel potentiel d’exploitation » (paragraphe 4).
Le cinquième et dernier paragraphe répond plus précisément à mes questions : « Nous n’avons cependant rencontré ni promoteurs, ni non plus d’architectes. » S'agissant du LUX, « aucune décision de son Conseil d’Administration et de son Assemblée Générale n’autorise ses dirigeants et leurs équipes à l’engager dans la voie évoquée par le Maire de Caen. (…) Nous prenons donc acte de l’annonce faite par le Maire de Caen et, en l’absence d’un projet élaboré, allons sollicité un rendez auprès de lui pour vérifier ses intentions. »
(cliquer sur l'image pour agrandir)
Joël BRUNEAU l’illusionniste
Il se confirme donc que Joël BRUNEAU a sorti cette histoire de son chapeau, en l’absence de tout projet élaboré, et sans même en toucher un mot aux premiers intéressés, les dirigeants du Lux. S'agissant des promoteurs du centre commercial, on ignore s'ils sont dans le coup, tant il est vrai que, dans cette affaire, toutes les questions sérieuses ont depuis 3 ou 4 ans été réglées à l'abri d'épais rideaux de fumée. Il est possible que l'arrivée de cette salle de cinéma les arrangerait, si les enseignes censées s'installer dans leurs murs leur ont déjà fait faux bond. Mais c'est là, avec « un espace d'exposition » qui vient de s'y ajouter (dans un récent 4 pages de propagande intitulé « Nos premières propositions »), un projet bien différent de celui soumis au conseil municipal le 25 juin 2018... avec toutes les conséquences que cela peut entraîner.
Il est donc prudent de se méfier « des promesses électorales et des instrumentalisations liées à la période », comme l'écrivent les dirigeants du Lux dans leur courriel du 30 janvier.
(Joël BRUNEAU février 2020, "Nos premières propositions")
Réponse du Lux du 30 janvier
« Monsieur,
« L’exploitation cinématographique de Caen la Mer présente un visage assez atypique et inédit dans les agglomérations hexagonales de taille équivalente. En effet, depuis les fermetures successives du Pathé Malherbe, du Paris/Pandora et du Pathé Lumière, les salles de cinéma ont totalement déserté le centre-ville de Caen. Par ailleurs, l’agglomération dispose de deux établissements art et essai, soutenus par la communauté urbaine et qui font référence dans ce domaine, mais ont la particularité d’être tous les deux excentrés par rapport à la ville-centre. Il n’en reste pas moins que, malgré cette configuration peu favorable, l’exploitation caennaise est très performante et affiche des indices de fréquentation très au-dessus des moyennes nationales. »
« Pour toutes ces raisons, l’agglomération caennaise et le centre-ville de Caen suscitent bien des convoitises, des circuits nationaux comme des exploitants indépendants. Des tentatives d’implantation de CGR à Verson à celles d’UGC d’extension de son multiplexe de Mondeville, en passant par les sollicitations de ce même circuit auprès des responsables de la ville de Caen pour l’implantation d’un équipement en cœur de ville, nous ne sommes pas à l’abri de nouvelles offensives, qui plus est si une telle implantation devient un enjeu électoral. Force est de constater cependant que, jusqu’à présent et à chaque tentative de nouvel aménagement ou d’extension, les élus de l’agglomération se sont majoritairement mobilisés aux côtés de leurs deux établissements art et essai, mesurant parfaitement les risques qu’ils encouraient si ces projets venaient à se concrétiser. »
« Par ailleurs, à chaque évolution du paysage cinématographique caennais, le LUX est parvenu à se protéger en anticipant sur les bouleversements qu’elle pouvait engendrer : construction d’une seconde salle avant l’implantation d’UGC ; construction d’une troisième salle puis réaménagement de ses espaces intérieurs avant le déménagement de Pathé. Persuadé que le paysage est encore amené à évoluer, le LUX s’est positionné depuis près de trois ans auprès de sa tutelle principale, Caen-la-Mer, en quête d’un projet de développement qui lui permette d’accroître ses capacités de résistance et de défendre ses intérêts. Ne pouvant pas le faire de façon indépendante sur son site, faute de place, il a sollicité la collectivité pour qu’elle l’accompagne dans la recherche d’un emplacement en ville afin d’y développer ses activités. Cette réflexion a, par ailleurs, été menée en concertation avec le Café des Images et plusieurs pistes ont été évoquées, de la reprise du Pathé Lumière à l’association au projet culturel de Michel Onfray sur la Presqu’île en collaboration avec le Conseil Régional de Normandie. Mais, toutes les pistes suivies ont conduit à une impasse.
Par ailleurs à la même époque, toujours avec le Café des Images et avec le soutien financier de Caen-la-Mer, nous avons commandé une étude de faisabilité pour l’installation d’un petit complexe art et essai en centre-ville conjointement à la poursuite des activités de nos deux établissements. Cette étude, très instructive, laisse apparaître un réel potentiel d’exploitation et ouvre la porte à une réflexion en termes d’aménagement culturel du territoire avec une réappropriation du centre-ville, en phase avec le Plan Action Cœur de Ville mis en œuvre par le Ministère de la Culture et le Centre National du Cinéma et de l’image animée. »
« Nous en sommes là. Nous sommes devant une velléité, une ambition, peut-être une exigence. Nous n’avons cependant rencontré ni promoteurs, ni non plus d’architectes. Si les différentes instances de l’association LUX ont exprimé à plusieurs reprises un besoin de développement, aucune décision de son Conseil d’Administration et de son Assemblée Générale n’autorise ses dirigeants et leurs équipes à l’engager dans la voie évoquée par le Maire de Caen. Nous ne pouvons cependant que constater que l’association Cinéma LUX a, avec le candidat à sa réélection, une convergence de projets et que, d’une certaine manière, elle a été entendue. Les responsables de la ville de Caen ont d’ailleurs, à toutes les époques, de tous les bords, été à son écoute et soutenu ses démarches. Nous nous méfions, bien entendu, des promesses électorales et des instrumentalisations liées à la période, mais nous sommes bien obligés d’admettre que cette idée nous intéresse. Nous l’étudierons avec le Café des Images avec lequel nous sommes maintenant engagés dans un groupement de programmation (le GAP) afin de mieux défendre sur le territoire l'accès aux films porteurs Art et Essai qui sont absolument vitaux pour l'économie des salles que nous représentons. Nos salles à Hérouville et en périphérie de Caen, malgré le soutien de nombreux spectateurs et des collectivités, restent fragiles. L’installation d’un concurrent en centre-ville ne s’embarrassant pas de considérations d’équilibre culturel nous poserait de réels problèmes et des incertitudes pour l’avenir. Nous prenons donc acte de l’annonce faite par le Maire de Caen et, en l’absence d’un projet élaboré, allons sollicité un rendez auprès de lui pour vérifier ses intentions. »
« Nous restons à votre écoute pour discuter des suites à donner à cette idée.
Bien à vous.
Pour le Cinéma LUX
Serge DAVID, Président, et Gautier LABRUSSE, Directeur. »
18:04 Écrit par Bruno dans Affaires municipales, La République n'est pas à vendre, Urbanisme et logement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : réussir caen, continuons caen ensemble, joël bruneau, place de la république, investir immobilier normandie, frédéric alves, bruno bruchon, luminare invest management, louvre hotels group, sci leclerc-caen, groupe immobilier bennaroch-oussadon, laurent chemla (le printemps), malek rezgui (sedelka), nicolas gosselin, aep cinéma lux
vendredi, 08 novembre 2019
Vente du bosquet de tilleuls de la place de la République, un premier jugement du Tribunal administratif...
Faut-il sauver le soldat Bruneau ?
Le 17 octobre dernier, le Tribunal administratif de Caen (3ème chambre) examinait deux recours visant une délibération du 25 juin 2018 du conseil municipal de Caen, donnant tout pouvoir à Joël BRUNEAU pour apporter une dernière touche (personnelle) à l'opération de privatisation de notre place de la République, au profit des sociétés SECOPROM et TOSCALEO CONSEIL, c'est à dire aussi MM. Malek REZGUI (groupe JEAN-SEDELKA) et Laurent CHEMLA (Le Printemps Caen, etc.).
On dispose aujourd'hui du texte du premier des jugements attendus (voir ci-après, et cliquer pour agrandir, page par page). La lecture en est instructive, pour qui ne renâcle pas devant la corvée que peut sans doute constituer la lecture de dix pages rédigées dans le plus pur style administratif:
On saura gré au rédacteur de cette prose (prudente) de reconnaître quand même que "la cession aux sociétés Secoprom et Toscaleo Conseil de l’emprise de l’ancien parking à barrières «République» sert les intérêts de ces sociétés".
Sans nous perdre en commentaires, pour le moment, sur divers points qui nous semblent critiquables, il nous paraît néanmoins opportun de nous laisser aller, à ce propos, à une petite citation:
Et puisque nous serons amenés à faire appel de ce jugement, de sa réplique, ou du précédent (concernant l'autorisation d'abattage des tilleuls), profitons-en pour rappeler que cette bagarre n'est pas seulement affaire d'efforts et de temps, mais qu'en appel il faut encore pouvoir s'offrir les services d'un avocat...
16:43 Écrit par Bruno dans Affaires municipales, La République n'est pas à vendre, Urbanisme et logement | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : caen, place de la république, joël bruneau maire, secoprom, toscaleo conseil, laurent chemla (le printemps), malek rezgui (groupe immoblier jean-sedelka), municipales mars 2020
dimanche, 23 septembre 2018
De l'intérêt variable des vestiges archéologiques, selon la DRAC... et la tête du client.
La place de l'archéologie ?
J'ai reçu hier 20 septembre une belle lettre (datée du 18) de M. Jean-Paul OLLIVIER, directeur régional des affaires culturelles (DRAC), lequel, comme le montre l'en-tête de ce courrier (copie en annexe ci-après), agit sous l'autorité de Mme la préfète de la région Normandie, à Rouen.
Il s'agissait pour lui de répondre à mon courrier recommandé du 11 septembre (lien en annexe là aussi), par lequel je lui signalais le risque de destruction de vestiges archéologiques, place de la République, à Caen.
Il faut peut-être préciser ici que toute destruction, dégradation ou détérioration du patrimoine archéologique (tel que défini à l'article L.510-1 du Code du patrimoine, contexte compris) met ses auteurs et responsables sous le coup des poursuites prévues au deuxièmement de l'article 322-3-1 du Code pénal (jusqu'à 7 ans de prison et 100.000€ d'amende).
Mais sans doute faut-il d'abord expliquer pourquoi je me suis vu dans l'obligation de saisir la DRAC de cette question.
Un important bassin de rétention
des eaux pluviales
C'est début octobre que vont vraiment commencer les travaux d'aménagement des espaces publics sur la place de la République et les rues adjacentes (permis d'aménager n° PA 014 118 18 U0003 accordé à la commune de Caen le 25 juin 2018 par M. Joël BRUNEAU, maire de Caen, sous réserve de respecter strictement l'avis du 15 juin 2018 de l'Architecte des Bâtiments de France, M. Dominique LAPRIE-SENTENAC, un avis bien sûr favorable et sans aucune réserve ou prescription particulière).
C'est dans le cadre de ces travaux que la Ville de Caen a décidé (comme je l'avais appris début juillet dernier) de réaliser un important bassin de rétention des eaux pluviales à proximité de la palissade ceinturant le terrain promis aux sociétés de MM. Laurent CHEMLA (Le Printemps) et Malek REZGUI (la nébuleuse bétonnière JEAN-SEDELKA).
Sachant que c'est là que gisent, entre les rues Paul Doumer et Georges Lebret, les vestiges de la façade de l'ancien hôtel de ville détruit en 1944 (séminaire et église des Eudistes jusqu'en 1792), et curieux de connaître les dimensions exactes de l'ouvrage prévu, la fonction qui lui était assignée, et sa localisation précise, j'adressai dès le 6 juillet un courriel à à la Maison du Tramway et des Grands Projets.
Rétention d'informations
J'appris ainsi sans difficultés que cet ouvrage était destiné à éviter de potentielles inondations, et qu'il était d'une capacité de 220 m3, pour une emprise au sol de 34m x 3m (sa réalisation nécessitant donc de creuser une tranchée de plus de 2,5m de profondeur, atteignant de ce fait des niveaux antérieurs aux premiers remblaiements du site aux XVIème et XVIIème siècles, c'est à dire en dessous des fondations des bâtiments de l'ancien hôtel de ville...).
Mais je n'eus plus jamais de réponse à mes autres questions, concernant notamment la localisation précise de l'ouvrage. On me répondit seulement, le 18 juillet, que les études étaient en cours, et les plans pas encore finalisés (un peu plus de deux mois avant le début des travaux!).
Je n'ai jamais eu de réponse à un nouveau courriel du 20 août, par lequel j'interrogeais cette même Maison du Tramway et des Grands Projets (c'est à dire le service de la communication de la mairie de Caen) pour savoir si les plans étaient enfin finalisés, s'agissant de travaux censés commencer début octobre...
J'ai alors (le 30 août) adressé un dernier courriel au maire de Caen, sur le même sujet, sans obtenir là non plus la moindre réponse. Secret défense, sans doute...
Un gros trou programmé dans les vestiges...
Si l'on ne voulait pas me répondre, c'est certainement parce que mes craintes étaient fondées, comme le confirme la lettre de M. Jean-Paul OLLIVIER (DRAC), dont le rédacteur est par ailleurs M. Karim GERNIGON, Conservateur régional de l'archéologie :
« La ville, dans le cadre de la requalification de l'ensemble des réseaux, a effectivement le projet de construire un bassin de rétention des eaux pluviales à un emplacement qui correspond très certainement à l'extrémité orientale de l'église de l'ancien séminaire des Eudistes. ».
Signalons en passant que la construction du bassin en question n'entre certainement pas dans le cadre de la requalification des réseaux, tant il est vrai qu'on ne requalifie que ce qui existe déjà. En fait, cette réalisation ex nihilo n'a sans doute d'autre but que de pallier les désordres auxquels on peut s'attendre, du fait de l'imperméabilisation programmée du terrain de l'ancien parking arboré (par le creusement d'un parking souterrain et la construction d'un centre commercial au-dessus). C'est donc là encore un nouveau cadeau consenti à MM. Laurent CHEMLA et Malek REZGUI, aux frais du contribuable bien entendu. Mais ces questions ne sont évidemment pas de la compétence des services de la DRAC Normandie...
… sans fouille préventive
C'est donc bien à l'emplacement du portail et/ou de la première travée de l'église des Eudistes qu'on creusera début octobre. Et certainement aussi à droite et/ou à gauche de ce portail (dans les fondations du petit et/ou du grand séminaire), car le « trou » sera creusé sur plus de 34m de longueur, parallèlement à la voie actuelle entre les rues Doumer et Lebret.
Ceci sans la réalisation au préalable d'une fouille un peu sérieuse de ce site (de superficie pourtant très limitée), qui sera ainsi définitivement détruit...
C'est en effet, nous dit-on, « compte tenu de leur localisation et de la très fréquente réutilisation de réseaux existants » qu'il n'y a pas eu de prescription d'archéologie préventive. Voilà une explication qui ne me satisfait guère. Qu'entend-on par là ? Qu'on connaît la localisation des réseaux, et qu'on sait le site déjà bouleversé par ceux-ci ?
Vérité en-deçà de la palissade, erreur au-delà
Mais, deux ans et demi plus tôt, quand le même DRAC (M. OLLIVIER) signait (le 1er mars 2016, et à la demande de la Ville de Caen) un arrêté prescrivant une « opération de diagnostic archéologique » sur le site du parking arboré (la moitié de place publique que la municipalité a promis le 25 juin dernier de vendre à MM. CHEMLA et REZGUI), on connaissait tout aussi parfaitement la présence, partout sur ce terrain, d'une multiplicité de réseaux enterrés (sans compter ceux dont on ignorait l'existence).
Des réseaux qui avaient évidemment bouleversé le site dans son ensemble, et rendaient peu prometteuses les fouilles envisagées. C'est ainsi que ce diagnostic accoucha, entre autres petites choses, d'un compteur à gaz affichant paraît-il la date et l'heure de son anéantissement, débris assurément photogénique, et très médiatisé (la communication, c'est savoir se servir de ce que l'on a sous la main, quand bien même ce serait dérisoire, et d'en faire quelque chose d'intéressant).
Mais le maigre bilan de ce diagnostic n'empêcha pas le même Jean-Paul OLLIVIER de signer deux arrêtés préfectoraux successifs, les 15 novembre 2016 et 19 juin 2017, prescrivant des fouilles préventives (par « décapage complet jusqu'au niveau d'apparition des vestiges ») sur la partie du site de l'ancien Hôtel de Ville de Caen... située à l'intérieur des palissades !
Le premier objectif des fouilles ainsi prescrites était de mettre au jour les vestiges de l'ancien séminaire des Eudistes et de leur église, devenu l'Hôtel de Ville de Caen dès 1792. Or il se trouve que les premiers et principaux bâtiments du séminaire des Eudistes, et la première travée de leur église, ont été édifiés au-delà de la palissade qui ceinture actuellement le terrain concerné par la prescription de fouilles.
Ainsi, s'il fallait ne fouiller qu'une partie du site, ce serait plutôt la partie en dehors de la palissade qu'il faudrait fouiller, et non l'inverse, comme le veut la Direction Régionale des Affaires Culturelles...
Les amis de nos amis sont nos amis...
Mais il ne faut sans doute pas trop accabler les services de la DRAC pour cette inconséquence manifeste, car « La DRAC – service régional de l'archéologie, a été très tôt interrogée par les services de la Ville de Caen sur l'impact des réseaux sur le patrimoine archéologique... ».
Notons incidemment que la Ville "informe" la DRAC, mais refuse d'informer les Caennais, quand ils se mêlent de ce qui les regarde...
La Ville a donc "informé" la DRAC, l'assurant sans doute qu'il n'y avait rien à voir à l'endroit prévu pour la création du bassin de rétention, des décennies de multiples travaux sur les réseaux ayant selon elle vraisemblablement détruit les vestiges, ou les avaient tellement bouleversés qu'il en étaient devenus illisibles. Tout en assurant la DRAC qu'elle l'informerait « des éventuelles découvertes de maçonneries anciennes »...
Bonne fille, la DRAC a bien voulu avaler ces sornettes, et considérer que deux secteurs contigus d'un même site archéologique pouvaient appeler des traitements diamétralement opposés (fouilles, ou pas). Il y suffisait d'une palissade.
D'un côté de cette palissade, la Ville prendrait généreusement à sa charge le financement des fouilles incombant aux futurs propriétaires du terrain (MM. CHEMLA et REZGUI), de l'autre (sur l'espace public) elle serait dispensée de fouilles...
« une opération archéologique spécifique »
Pour avoir été si bonne avec MM. CHEMLA et REZGUI, la Ville méritait bien d'être dispensée de ces fouilles. La DRAC n'en resterait pas moins vigilante, bien entendu... Un lot de consolation pour ceux qui estimeraient la "dispense" trop généreusement accordée ?
La construction du fameux bassin de rétention des eaux pluviales « plus important que prévu » (tiens donc) fera ainsi l'objet d'une « opération archéologique spécifique en relation étroite avec le service archéologie du Calvados » (les inventeurs du compteur à gaz dont il a été question plus haut, et des statues géantes gisant dans les caves de l'ancien musée des beaux-arts).
Il faut donc s'attendre à voir au mois d'octobre M. Vincent HINCKER ou l'un(e) de ses collègues sur le chantier de la place de la république, surveillant jalousement les manœuvres du godet de la pelleteuse au fond du trou, un trou plein de caves là encore, comme on le voit sur un plan de 1950...
J'ai assisté à une scène de ce genre il y a plus de 30 ans, dans la Cour des imprimeurs, à Caen. Le distingué préposé à la surveillance de la pelleteuse se contenta d'examiner de loin le contenu d'un godet (c'était une cave là encore), et décréta illico qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre les recherches. Cette opération archéologique spécifique n'avait pas duré plus d'un quart d'heure. Il est vrai que, en pleine OPAH du Centre-Ancien, le chantier de réhabilitation de l'immeuble (classé MH) avait déjà pris du retard, et que l'architecte qui s'en occupait (et l'a affublé d'une étrange toiture en forme de pyramide tronquée) faisait office à l'époque d'Architecte des bâtiments de France...
Annexes
LRAR au DRAC 11 septembre 2018.pdf
et voici la réponse:
18:38 Écrit par Bruno dans Affaires municipales, La République n'est pas à vendre | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jean-paul ollivier, directeur régional des affaires culturelles (drac), destruction de vestiges archéologiques, article 322-3-1 du code pénal, archéologie préventive, place de la république caen, rue paul doumer, rue georges lebret, joël bruneau, maire de caen, dominique laprie-sentenac, laurent chemla (le printemps), malek rezgui (groupe immoblier jean-sedelka), séminaire et église des eudistes, maison du tramway et des grands projets, karim gernigon conservateur régional de l'archéologie, vincent hincker, cour des imprimeurs