jeudi, 04 juillet 2013
« Jardins de nacre » de Nacarat (suite): pour 5 euros par jour, une véranda publicitaire sur les espaces verts municipaux…
« Bulle » immobilière
Ceci n’est pas une bulle…
Quand on veut, on peut. Voilà bientôt près de trois semaines que je voulais obtenir une copie de la décision permettant à la société privée Nacarat d’occuper (de façon fort peu discrète) un bout de gazon à usage collectif à deux pas de chez moi. J’avais, par courriel à Philippe DURON, et par téléphone aux services municipaux, demandé fort poliment cette copie. Et, quinze jours plus tard, je n’avais bien entendu rien obtenu, nonobstant les principes depuis longtemps posés par la loi en matière de communication de documents administratifs.
Mais un courrier (posté le 27 juin) m’est enfin parvenu, et me voilà donc en mesure de vous proposer (entre autres) la lecture d’une lettre du 4 juin, adressée à la société NACARAT par Jean-Louis TOUZE, adjoint au maire de Caen, autorisant celle-ci pour une période d’un an (renouvelable) à installer sa « bulle de vente » sur le gazon municipal.
Moyennant une redevance mensuelle de 150 €, soit 5 € par jour, ce qui n’est manifestement pas exorbitant, comparé au prix d’un emplacement dans un camping, d’un coin de page dans un journal (ou dans plusieurs), comme à celui de 12 m² de publicité sur un panneau de 4 x 3m…
Inutile de me demander pourquoi Jean-Louis TOUZE qualifie de « bulle » le parallélépipède rectangle à visées publicitaires constituant l’objet du délit. Le bipède rétrograde que je suis n’entend rien à la « com », au petit commerce, et aux formules en vogue chez leurs adeptes. Si c’est rond, c’est point carré, comme se plaisait à répéter un de mes instituteurs au temps révolu des blouses grises.
Une hypothèse toutefois: une bulle est une sphère, ainsi susceptible de rouler (verbe transitif en certaines de ses acceptions courantes), et dépourvue des arêtes que présentent les volumes à base quadrangulaire. La bulle est lisse, sans aspérité. Comme le baratin du vendeur. Et quand le client est dans la bulle, il est hors du monde, hors du temps, hors de la réalité. Dans la disposition d’esprit idéale pour se montrer réceptif aux discours prometteurs qu’on lui tient.
Voilà donc une « bulle » qui, si on ne fait rien, va rester là un an ou deux, sans guère d’utilité pour quiconque, puisque même les commerciaux de Nacarat, qui s’y ennuient parfois une heure ou deux, préfèrent laisser un mot sur la porte avec leur numéro de téléphone, sans assurer les permanences annoncées (tous les après-midi, du mardi au vendredi, de 14 h à 18 h).
La seule utilité de cet encombrant objet est donc dans ses parois extérieures, sur lesquelles s’étale la publicité de la société Nacarat.
La municipalité prétend pourtant, depuis novembre 2010 tout du moins, être en guerre contre l’envahissement publicitaire… c'est-à-dire depuis l’annulation par le Tribunal Administratif, à la demande de la société VP Communication (SIREN 428873988, antenne locale à Ranville), de l’arrêté du 20 septembre 1984 portant sur la réglementation en matière de publicité sur le territoire de la ville de Caen.
Voir le compte-rendu de la décision du TA dans le procès-verbal de la réunion du conseil municipal du 14 février 2011 :
http://www.caen.fr/infos_mairie/ConseilMunicipal/integraux/2011/CM14022011.pdf
L’arrêté de 1984 du sénateur-maire Jean-Marie GIRAULT est consultable ci-après.
ArreteReglePubEnseignesPreenseignes 20-09-1984.pdf
Projet de Règlement Local de la Publicité
Ainsi, depuis 2010, la municipalité cherche à organiser la riposte. Le conseil municipal a même adopté à l'unanimité, le 25 juin 2012, un vœu interpellant le Gouvernement afin qu’il prenne des mesures restrictives en matière d’implantation de publicités, enseignes et pré-enseignes. Un vœu qui évoque "les impacts négatifs de la profusion de panneaux publicitaires sur le territoire de la ville pour le cadre de vie des habitants, le patrimoine et les paysages".
Le 7 juin dernier, on a enfin présenté aux Caennais un projet de Règlement Local de la Publicité (RLP), qui vise une meilleure intégration des panneaux publicitaires, enseignes et pré-enseignes, dans le paysage bâti et/ou végétal. La Ville de Caen souhaite paraît-il un encadrement plus strict des nouvelles formes de publicité, en tenant compte des critères de taille, de positionnement des panneaux dans l'espace et par rapport aux façades…
(copie d’écran du site internet de la mairie)
« Cela salit la ville »
La prolifération publicitaire, « Cela salit la ville et n'est pas compatible avec le label ville d'art et d'histoire », selon Xavier LE COUTOUR, adjoint délégué à l'urbanisme.
http://www.entreprises.ouest-france.fr/node/96480
Dommage qu’il n’en ait pas touché un mot à son collègue Jean-Louis TOUZE, autre adjoint membre comme lui du Parti Radical dit de Gauche, une formation dont les réunions doivent pourtant pouvoir se tenir dans une relative intimité…
Cela aurait évité à ce dernier d’autoriser une installation manifestement publicitaire que rien ne justifiait, pas même l’absence momentanée de réglementation en matière de publicité, puisqu’il ne s’agit pas (si ce n’est par détournement) d’un dispositif publicitaire classique.
La cohérence n’est manifestement pas au rendez-vous, à l’hôtel de ville.
Stop ou encore ?
Le dispositif complet: un panneau publicitaire + un volume publicitaire (la "bulle"), sans oublier le stationnement sauvage sur le gazon de la petite voiture blanche du commercial, sagement siglée "Caisse d'Epargne", un détail pas vraiment prévu par la convention passée entre la ville et Nacarat, consultable ci-après:
21:09 Écrit par Bruno dans Urbanisme et logement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe duron, jean-louis touze, résidence « les jardins de nacre », nacarat caen, groupe rabot dutilleul, xavier le coutour, rue de la délivrande, parking de l’iufm, réservoir de la girafe, caisse d’epargne, cabinet d’architectes ataub, autorisation d’occupation provisoire du domaine public, société vp communication, règlement local de la publicité (rlp)
dimanche, 16 juin 2013
Nacarat ou des « Jardins de Nacre » sur le bitume d’un parking
Usage privé des lieux communs
Une semaine après sa publication, mon billet du 7 juin n’a pas eu encore les modestes effets que j’en attendais (l’enlèvement du cabanon publicitaire indûment posé sur les espaces verts municipaux, qui, soit dit en passant, maintenant servent aussi de parking aux véhicules des commerciaux de la société NACARAT…).
Mais les choses ont quand même avancé, puisque le permis de construire de la résidence « Les jardins de Nacre » (daté du 14 mai) est depuis ce même 7 juin correctement affiché, c'est-à-dire visible de la voie publique, à côté du permis de démolir l’ancienne école maternelle annexe de l’IUFM, daté quant à lui du 29 mai 2013.
D’éventuels opposants à ces projets ont donc maintenant près de 2 mois encore pour saisir le Tribunal Administratif, ou préalablement solliciter de Philippe LE BETHON le retrait de ces arrêtés.
Et ce n’est pas non plus à mes écrits que j’attribuerai l’apparition sur le site internet nacarat.com, muet jusque là, de la littérature commerciale habituelle, à grand renfort de formules convenues (« écrin de bien-être », « havre de quiétude », etc.). Calme, luxe et volupté, disait le poète.
(cliquer pour agrandir)
Un cœur d’îlot verdoyant,
de 3 hectares… sur 6473 m² !
Je ne résiste pas plus longtemps à l’envie de vous faire partager ce grand moment de lyrisme :
« Intimiste, à taille humaine, la résidence « Les jardins de Nacre » est un véritable écrin de bien-être. Généreusement arboré, le site dédie plus de 3 hectares à la nature au sein d’un jardin où les plantations côtoient diverses essences d’arbres. Les façades aux lignes raffinées intègrent harmonieusement les balcons, dont certains donnent directement sur le cœur d’îlot. Un vrai havre de quiétude ! »
« Idéalement située à 10 minutes du centre historique de Caen, la résidence « les Jardins de Nacre » charme par son cadre résidentiel, proche des commerces, des services et bien desservie par deux lignes de tramway. Elle vous propose 59 beaux appartements du studio au 4 pièces, et 4 maisons. La plupart des logements sont ouverts sur un cœur d’îlot verdoyant, soigneusement aménagé. Optez donc pour une qualité de vie très recherchée au cœur d’une ville animée. »
http://www.nacarat.com/mon-projet-logement/immobilier-neuf-investissement/batiment-basse-consommation/500-les-jardins-de-nacre.html
Abstenons nous de jeter la pierre à l’auteur de ces quelques lignes, qui entre autres nous gratifie de 3 hectares de nature quand le terrain d’assiette des constructions projetées n’est que de 6473 m² (cf. le permis de construire). A l’ombre du réservoir de la Girafe dès les 5 heures de l’après-midi (heure d’été), en ce médiocre mois de juin (voir la photo de l’actuel parking de l’IUFM).
La muse n’aura peut-être pas été avare de quelque substance euphorisante; le dithyrambe n’est-il pas à l’origine un chant bacchique ?
Un cœur d’îlot verdoyant, et bien ombragé...
Frilosité extrême de la part des clients et des investisseurs
Raffinement, harmonie: l’argumentaire de vente ne recule devant rien, proximité des commerces (lesquels, au Calvaire St Pierre, à la Pierre-Heuzé ou à Lébisey ?), desserte par deux lignes de tram (un TVR bringuebalant et exténué pour aller en ville en 15 bonnes minutes, quand il n'est pas en panne comme il l'est tous les quatre matins, et destiné à la ferraille après seulement 15 années de mauvais services).
Pourquoi ces efforts désespérés, à la limite de la mauvaise foi, pour nous vendre à tout prix ces 4000 m² de plancher ?
La réponse est sans doute dans les lignes qui suivent, parues dans le gratuit Tendance Ouest, édition de Rouen :
« La crise oblige aussi les grands promoteurs immobiliers à mettre le pied sur le frein. Pour autant, ils sont loin d’avoir déserté le terrain. Seulement, ils revoient leur stratégie. C'est le cas de Nacarat, connu notamment à Rouen pour avoir porté le projet Monet-Cathédrale. "On évitera à tout prix d'aller dans des communes ou des zones pas porteuses", explique Patricia Mieusement, directrice du groupe en Normandie (…)
« Ventes en chute libre : le promoteur, qui étudie deux nouvelles pistes à Rouen, se heurte toutefois à une frilosité extrême de la part des clients et des investisseurs. "Alors que l'on vendait trois logements par semaine l'an passé, on tourne plutôt aujourd'hui à deux par mois"... Mais les grands programmes neufs attirent toujours, grâce à deux atouts de poids: le stationnement et des charges moins élevées. »
http://www.tendanceouest.com/rouen/actualite-53036-les-grands-projets-immobiliers-adaptent-a-la-crise.html
Evidemment, si le stationnement est un atout de poids, on comprend que NACARAT ait choisi Caen, et un terrain particulièrement prometteur puisqu’il s’agit d’un parking…
Un bout de papier décidément difficile à obtenir
On comprend également que la société NACARAT et ses commerciaux trouvent le terrain de leurs exploits futurs assez peu engageant dans son état actuel, et leur préférence pour un bout d’espace vert municipal, où vendre au soleil leur « cœur d’îlot verdoyant ».
On comprend moins la complaisance de nos élus à leur concéder, pour de longs mois sans doute (63 logements à raison de deux ventes par mois, cela fait entre deux et trois ans) la jouissance privée (et grossièrement publicitaire) d’un espace à l’usage de tous les caennais, sans même accéder, au mépris des lois en vigueur, à ma demande de communication d’une copie de la décision de mise à disposition du terrain (bien entendu non affichée sur les lieux)…
Pour les Philippe DURON, Xavier LE COUTOUR, et consorts, la démocratie et le respect des lois sont sans doute à mettre au rang des promesses électorales.
(à suivre)
18:54 Écrit par Bruno dans Urbanisme et logement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : philippe duron, résidence « les jardins de nacre », nacarat caen, groupe rabot dutilleul, patricia mieusement, xavier le coutour, rue de la délivrande, parking de l’iufm, réservoir de la girafe, caisse d’epargne, cabinet d’architectes ataub, autorisation d’occupation provisoire du domaine public