jeudi, 24 septembre 2020
« Après nous le déluge », ou l'avis de la chouette équipe de Joël BRUNEAU sur la nouvelle mouture du plan de prévention des risques, inondations et submersion marine...
« Après nous le déluge »
... ou l'avis de la chouette équipe de Joël BRUNEAU (représentant 18,99% des électeurs inscrits à Caen) sur la nouvelle mouture du plan de prévention des risques (PPR) concernant notre ville, et l'ensemble de la basse vallée de l'Orne.
Avec, par ordre d'intervention au micro, Jojo lui-même, l'adjoint Nicolas ESCACH (la Macronie locale), Francis JOLY pour la minorité Caen écologiste et citoyenne, Nicolas JOYAU (adjoint aux permis de construire), Ludwig WILLAUME (adjoint aux « espaces publics », qu'est-ce-là?), et Béatrice HOVNANIAN, autre conseillère d'opposition écolo-citoyenne...
La vidéo intégrale du conseil municipal du lundi 14 septembre 2020 (à votre disposition ci-dessous) a une durée totale d'environ 4 heures ¾ (pour plus de 50 questions à l'ordre du jour)... mais il suffira aux plus curieux d'entre vous d'une vingtaine de minutes pour apprendre ce qu'on veut bien vous dire (ou vous cacher) sur les risques d'inondation à Caen, y compris sur la place de la République.
Pour ce faire, pousser le curseur à 4h 21mn et 55 secondes.
Il s'agissait donc pour le conseil municipal, ce 14 septembre 2020 (question n° 52), de « prendre acte de l'avis favorable de la Ville de Caen »... rendu plusieurs semaines plus tôt (le 24 août) ! Et semble-t-il « agrémenté d'observations »... sans aucune consultation des groupes de l'opposition (des conseillers au rabais sans doute, et dont l'avis ne compte pas). « Il nous reste juste à participer à l'enquête publique pour nous exprimer et faire remonter nos remarques » (Francis JOLY). C'est beau la démocratie!
Une enquête publique qui aura lieu du 12 octobre au 12 novembre, comme nous venons de l'apprendre. Des précisions en suivant ces liens :
http://www.calvados.gouv.fr/IMG/pdf/20200918__avis_presse_ep-2.pdf
http://www.calvados.gouv.fr/IMG/pdf/2020-09-18_ap_o_ep_pprm_bvo-1-2.pdf
On pourra notamment rencontrer les membres de la Commission d'enquête à la mairie de Caen le mercredi 28 octobre... de 16h00 à 18h00 ! Un peu court, non ?
Nicolas ESCACH au rapport...
Ça commence par 7 minutes d'aimable bavardage (passablement technocratique) de Nicolas ESCACH, rappelant qu'on (au nom de la seule majorité) « a émis un certain nombre d'observations »... dont on ne saura évidemment rien de précis ce soir-là.
On nous refait seulement l'histoire du PPR Inondations, de ses origines (la crue de 1995) et sa révision de 2008, à l'actuel projet... appelé à être immédiatement mis en révision, car « pour le moment on ne prend pas en compte l'effet cocktail » (cumul des effets d'une crue de l'Orne et d'un coefficient de marée important, comme en 1995), et on se fonde par ailleurs sur une hausse de 60cm du niveau marin à 100 ans (hypothèse paraissant exagérément optimiste, même aux yeux de M. ESCACH). L'orateur se montre par contre très généreux en incantations et banalités sans conséquences, comme « assurer la sécurité », « limiter la vulnérabilité des biens et des personnes », ou « améliorer la culture du risque »...
La question de Francis JOLY
C'est alors à l'opposition qu'il revient de s'exprimer à son tour, en 3 grosses minutes (de 4h 29' 30'' à 4h 32' 57'').
Francis JOLY rappelle d'abord l'existence d'un projet de règlement du 30 août 2017 qui « prévoyait d'interdire les sous-sols dans toute une partie du centre-ville de Caen », y compris bien sûr la place de la République. Il constate que cette disposition ne figure plus dans le plan de prévention (on sait pourquoi, je pense...).
Il souligne l'insuffisance de ce plan, qui ne prend pas en compte le fameux « effet cocktail », et se fonde sur une hausse du niveau marin limitée à 60cm, quand le dernier numéro de « Tous Normands », revue mensuelle de la Région, consacre ses pages 24 et 25 aux travaux du GIEC normand, qui estime la montée du niveau de la mer en 2100 dans la fourchette 0,4m-1,10m, et prévoit jusqu'à 10% supplémentaires de précipitations intenses générant des inondations.
Il évoque donc aussi les épisodes orageux, comme celui de 2013, qui avait provoqué des inondations (hors saison), notamment dans le quartier de la gare et celui de la Préfecture. Et termine sur les considérations relatives au respect dû aux élus de la minorité dont il a été question plus haut.
Presqu'île et République,
ou l'art d'enfumer les blaireaux...
Réponse dans la foulée de Nicolas ESCACH : « Les chiffres qui sont donnés en submersion marine, c'est pas nous qui les fixons, c'est l’État... Ces mesures sont appelées à être rehaussées... Concernant la place de la République (…) les crues centennales (…) ces grandes crues qui arrivent une fois tous les 100 ans, et qui sont des crues un peu exceptionnelles, et effectivement la seule fois où la place de la République a été inondée, c'était en 1925-1926... »
(Un bref aparté, si vous le permettez. Désolé pour M. ESCACH, qui n'est sans doute pas hydrologue -moi non plus-, les « crues centennales » ne sont pas celles qui arrivent une fois tous les 100 ans, mais celles dont la probabilité d'apparition sur une année est de 1/100, en termes de débit. On peut ainsi parfois constater la survenue de plus d'une crue centennale en un siècle. On connaît même le cas de la Thaya, affluent de la Morava, qui s'est permis 2 crues de ce type en mars et juin de la même année 2006).
Donc « … Si on prend en compte cette crue centennale, il y a un risque d'inondation sur la place de la République » (4h 34' 10''). Ah, quand même...
N. ESCACH convient par ailleurs que des mesures sont prises pour éviter les parkings souterrains sur la Presqu'île, mais « les problématiques ne sont pas du tout les mêmes sur une partie de la Presqu'île et sur la place de la République ».
Bon, mais alors pourquoi les documents de suivi de l'élaboration de ce PPR montrent-ils que l’État (la DDTM) prétendait en 2016 interdire tout sous-sol dans le centre-ville et la Presqu'île, pour des raisons bien compréhensibles de sécurité des personnes et des biens, et pourquoi montrent-ils aussi très clairement que c'est par exception, et sous la pression des représentants de la Ville, que la DDTM a finalement consenti à autoriser le parking du « Projet République »? N. ESCACH connaît-il son sujet? Ou plutôt ment-il par omission? Il semble surtout satisfait de ce que ce PPRM, aussi bancal soit-il, « va être aussitôt révisé avec un temps beaucoup plus long de 3 ans ». Trois ans, le temps de faire passer les projets contestables qu'il autorise ?
Bonne année 1926, Monsieur le Préfet!
Après Prof, au tour de Joyeux.
La farce continue avec l'intervention d'à peine une minute de Nicolas JOYAU (à 4h 36' 37''), manifestement pas volontaire pour cette prise de parole, et qui se contente de rappeler les travaux entrepris à l'initiative du Syndicat de lutte contre les inondations (percement du chenal Victor Hugo, déversoir du Maresquier, etc.), grâce auxquels (c'est bien la moindre des choses) « la capacité d'évacuation des crues aujourd'hui est bien supérieure à ce qu'elle était... ». Jadis... ou il y a déjà 25 ans.
L'orageux Monsieur Bruneau,
ou les vaseux communicants
Joël BRUNEAU coupe alors la parole à son adjoint pour morigéner F. JOLY, insuffisamment attentif à son goût (innocente mise en scène du maître d'école sermonnant l'élève indiscipliné, tutoiement à l'appui, bien sûr), puis y va de son couplet sur le précédent de l'orage de juillet 2013 :
« Je ne suis pas hydrologue, loin de là (4h 37' 47''), mais par observation de la nature, telle qu'elle est vraiment, il ne faut pas confondre la submersion et l'inondation liée à un amas brutal d'eau, un orage, en clair. (…) Quand vous avez 60 millimètres de flotte comme cette fois-ci en 35 minutes (…) 80 ou 100 millimètres en un peu moins d'une heure, vous pouvez faire tout ce que vous voulez, il y a un sujet de trop-plein qui arrive. Le fait est que si l'on a régulièrement des phénomènes climatiques brutaux qui sont plus assimilables à des climats tropicaux qu'à des climats océaniques dont on devrait normalement relever, très clairement, l'eau elle va du point haut vers le point bas, et quand il y a beaucoup d'eau en même temps dans un laps de temps court, le point bas déborde (…) les phénomènes de crue, c'est encore autre chose (…) on est sur des sujets différents ». Voire.
Joël BRUNEAU est sans doute trop modeste, pas hydrologue peut-être (c'est lui qui le dit), mais il maîtrise les bases (le point haut, et le point bas, où se produit le débordement). Il est même un observateur attentif du changement climatique auquel on doit ces « phénomènes climatiques brutaux » dont il constate le retour régulier (comme l'orage de juillet 2013). Mais on ne pourrait selon lui rien y faire... si ce n'est laisser se creuser des parkings souterrains?
"Il n'y a rien à faire, c'est la nature!"
Ça patauge pas mal, à la mairie...
Un blanc. L'occasion de jeter un œil sur l'image (fixe et sans intérêt depuis le début), et sur le geste de la main de Nicolas ESCACH, à 4H 39' 03'' (allez, allez, on enchaîne !)...
Et Jojo d'enchaîner : « C'est assez rare qu'il y ait à la fois, euh, on est dans des temps climatiques différents, l'inondation c'est effectivement les pluies plutôt hivernales avec en même temps conjuguée avec la remontée, enfin ici à Caen avec les marées hautes, hein, qui seront effectivement encore plus hautes demain, c'est clair, et donc un phénomène cumulatif... ». C'est clair ?
Quelques bafouillages plus loin, on apprend enfin que « des travaux d'anticipation sont en cours (…) de renaturation d'un certain nombre d'espaces le long de l'Orne (...) en allant vers la baie » par ouverture des digues, permettant la création de champs d'inondation.
En aval de Caen donc... Quel effet sur les inondations chez nous ? Aucun... Il est vraiment temps que ça se termine !
Ludwig a un tuyau !
4h 40' 09'', Ludwig WILLAUME tient à mettre son grain de sel dans cette salade : « … En 1925, ni le Grand Odon, ni la Noé n'étaient couvertes... ». En voilà un qui n'a jamais eu une aussi belle occasion de se taire. Car en quoi la canalisation de ces cours d'eau il y a 100 ans a-t-elle réduit les effets d'une crue, comme celle de 1995 ? Quand les tuyaux ne sont pas assez gros, ça déborde, comme dit Jojo (point haut, point bas, et voilà « le trop-plein qui arrive.. »).
Caen sur Orne, Odon & Co en 1874
Culture, ou goût du risque ?
On en arrive justement, moins d'une minute plus tard, à l'intervention de Béatrice HOVNANIAN, qui reprenant une partie, restée sans réponse, de la question de son collègue JOLY, se demande ce qui a été fait à Caen pour accroître la « culture du risque », de 2016 à aujourd'hui.
Réponse du maire : « Effectivement, je n'ai pas répondu, pardonnez-moi. Pour ne donner qu'un exemple (…) Il y a eu x présentations au grand public sur le projet Presqu'île, qui justement, à chaque fois, revient sur ce sujet là ». Suit l'évocation de travaux, à Tours dans les années 2000, où l'on a utilisé 1,5 à 2m de « remblais pour rehausser un espace qui était effectivement inondable pour qu'il ne le soit plus. A contrario, sur la Presqu'île, on ne cherche pas à se protéger des inondations, on cherche à éviter qu'en cas d'inondation il y ait des victimes, donc des rez-de-chaussée qui ne sont pas habités (…) ça, ça participe à appréhender la culture du risque ».
Ah oui, pas d'habitants au rez-de-chaussée sur la Presqu'île, mais des clients au premier sous-sol d'un centre commercial place de la République, et 450 places en dessous pour y noyer leurs bagnoles ? Dans une zone exactement de même type : prairies humides, voire marécages (remblayés au XVIème siècle), avec la nappe phréatique affleurante, à 1,5-2 mètres au-dessous du sol actuel...
Le retour de l'acculturé...
Revoilà en effet Nicolas JOYAU, pour finir: «... Nos collectivités se sont engagées dans le dispositif Adapto qu'avait piloté le Conservatoire du Littoral pour sensibiliser (...) dans un premier temps les acteurs du territoire (...) Il y a effectivement des mesures qui sont régulièrement mises en œuvre (...) pour acculturer le grand public, les acteurs du territoire, élus, aménageurs, promoteurs à cet enjeu-là. Et les travaux qui ont été menés sur la presqu'île ont fait part de ce risque qu'il pouvait y avoir. Le Projet Presqu'île prévoit à la fois des aménagements, et prévoira aussi toute une communication sur le sujet... », etc., etc. « et je ne vois pas pourquoi il y a à polémiquer ce soir sur l'adaptation de ce document ».
Polémiquer ? La question des inondations, et de la sécurité des personnes et des biens au cours des années à venir, était-elle donc à ce point secondaire qu'on pouvait en reléguer l'examen après quatre heures de débats, en toute fin de conseil ? La minorité n'a par ailleurs eu la parole qu'au mieux 5 minutes, les collègues du petit Nicolas, lui-même, et leur maître à tous un bon quart d'heure.
On conseillera à ces gens-là de lire attentivement l'article L.2121-29 du Code général des collectivités territoriales : « Le conseil municipal règle par ses délibérations les affaires de la commune. Il donne son avis toutes les fois que cet avis est requis par les lois et règlements, ou qu'il est demandé par le représentant de l’État dans le département... ». Le conseil municipal n'est pas une chambre d'enregistrement et les élus de la minorité y disposent des mêmes droits et devoirs que leurs collègues.
En ce qui concerne « ADAPTO-Estuaire de l'Orne, Stratégie d'intervention 2015-2050 », on trouvera d'utiles informations en suivant ce lien
http://www.caen-metropole.fr/sites/default/files/presenta...
19:05 Écrit par Bruno dans Affaires municipales, La République n'est pas à vendre, Urbanisme et logement | Lien permanent | Commentaires (6) | Tags : conseil municipal de caen, joël bruneau, nicolas escach, francis joly, nicolas joyau, ludwig willaume, béatrice hovnanian, enquête publique du 12 octobre au 12 novembre 2020, place de la république caen, giec normand, crue centennale, plan de prévention multi-risques de la basse vallée de l'orne (i