jeudi, 15 janvier 2015
Charlie J + 7, unanimisme mystificateur et récupération...
Avant de revenir à mes futiles petites histoires d'arnaques en tous genres (j'avais, dès avant le 7 janvier, un nouvel épisode des aventures de Fernando à vous proposer), je voudrais d'abord refermer ici la parenthèse « Je suis Charlie », qui, dans une autre configuration politique, sociale et morale, aurait sans doute pu être autre chose qu'une parenthèse, et permettre l'ouverture d'un vrai débat...
Mais, une semaine après les tueries, on voit bien qu'il n'en sera rien, que nos prétendues élites politiques de gauche-droite, plus désireuses de ne rien voir que réellement aveugles (du moins on l'espère), se contenteront des seules recettes éculées du tout-sécuritaire. L'exploitation immédiate de la peur est bien sûr électoralement plus payante que l'élaboration dans le temps de réponses pérennes à des questions brûlantes posées depuis des décennies (chômage de masse, désespérance sociale, ghettos suburbains, etc.).
A sa sortie hier du Conseil des ministres, Valls prenait soin d'arborer ostensiblement son exemplaire de Charlie-Hebdo, comme un enfant de choeur porte un saint sacrement. Ou comme le charlot qu'il est, mais pas drôle. Ce ne sont pourtant pas les larbins porte-serviette qui lui manquent, pour trimbaler la précieuse documentation du patron. A croire que si c'était utile à la remontée de sa courbe de popularité (déjà dûment enregistrée, pourtant), il irait jusqu'à battre le tambour avec ses parties génitales, comme le suggérait Brassens, qui doutait par ailleurs de l'existence des choses chez certaines personnes...
Comme le comportement de Sarko lors du défilé des chefs d'états (il n'y manquait que Poutine), c'est sordide et insultant pour la mémoire de toutes les victimes, mise au service du carriérisme de quelques-uns. C'est bien sûr insultant aussi pour les millions d'anonymes qui, dès le premier jour des assassinats, se rassemblaient spontanément un peu partout.
Quant à moi, je me suis contenté de descendre dans la rue le mercredi des premiers assassinats, et d'aller au Mémorial le samedi suivant. Relâche le dimanche 11, jour du seigneur et de grande messe. Je trouvais qu'il flottait déjà dans l'air un fort parfum de récupération, sans aucune perspective réelle. Et puis, depuis les présidentielles de 2002 (le soir du premier tour le 21 avril), je ne crois plus guère qu'il puisse sortir quelque chose de positif de ces manifestations d'unanimisme attrape-tout.
Le « détail » Le Pen étant présent au second tour, il fallait alors, paraît-il, voter massivement pour Chirac (« le bruit et l'odeur »). Ce qui par suite nous valut Sarkozy, l'état d'urgence du 8 novembre 2005 au 4 janvier 2006 (première application de ces dispositions en métropole), un ministère de l'identité nationale (entre autres), des Hortefeux, des Ciotti, des Besson (et autres transfuges du PS), et aujourd'hui enfin le marécageux PS de François Hollande, Valls les dents longues compris...
Pendant que j'écrivais ces quelques lignes, le facteur a glissé dans ma boîte aux lettres le numéro 1336 de Politis (du 15 au 21 janvier 2015). On y lira avec profit l'édito de Denis Sieffert, bien plus complet et mieux écrit que ma prose ci-dessus
16:54 Écrit par Bruno | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charlie-hebdo, unanimisme et récupération, manuel valls, sarkozy, le pen, chirac, politis
jeudi, 05 août 2010
Parents de mineurs délinquants: les petits Poutine de l’UMP font de la surenchère…
« Vedendo cio Bulfalmacco, disse a Bruno: Noi che faremo ? Chè non ce ne andiam noi ? A cui Bruno rispose: Andianne; ma io giuro a Dio che mai Calandrino non me ne farà più niuna; e se io gli fossi presso, come stato sono tutta mattina, io gli darei tale di questo ciotto nelle calcagna, che egli si ricorderebbe forse un mese di questa beffa… »
« Que faisons-nous ici ? demanda Bulfalmacco à Bruno. Pourquoi ne pas nous en retourner nous aussi ? – Allons-y, répondit Bruno; mais je jure devant Dieu que jamais Calandrino ne me fera plus marcher; et si nous étions encore ensemble, comme nous l’avons été toute la matinée, je lui lancerais cette pierre dans les talons, de telle façon qu’il en garderait plus d’un mois le cuisant souvenir… »
Giovanni Boccaccio, Décaméron, Huitième journée, III
Jusque dans les chiottes…
On se souvient des fortes paroles de Vladimir Poutine à propos des Tchétchènes : « On va les buter jusque dans les chiottes » (Astana, Kazakhstan, le 24 septembre 1999). Du même, cette déclaration de 2007 : « Suis-je un pur démocrate ? Bien sûr, je suis un pur et absolu démocrate (...) La tragédie, c'est que je suis le seul pur démocrate au monde. Voyez ce qui se passe en Amérique du Nord — C'est l'horreur : des tortures, des sans-abri, Guantanamo, la détention sans procès et sans enquête (...) Voyez ce qui se passe en Europe : les violences contre les manifestants, l'utilisation de balles en caoutchouc, de gaz lacrymogène dans une capitale, le meurtre de manifestants dans une autre… ». On y croit…
Et bien, il se trouve que des chiottes et des démocrates de cet acabit, il n’y en a pas que sur le territoire de la sainte Russie, et parmi les anciens fonctionnaires du KGB. Ici comme ailleurs, le discours sécuritaire a toute sa place dans le livre de recettes des larbins du patron, quand il apparaît que les discours creux dont il nous abreuve ne cachent plus le vide insondable de ses prétendues réalisations (et les pratiques plus que contestables de ses copains).
Voilà donc qu’un certain Éric CIOTTI, dont on ignorait tout jusqu’à ce jour (l’important n’est-il pas d’avoir une vue d’ensemble, sans trop s’encombrer de détails ?), tient à faire savoir qu’il existe, en donnant une interview au Journal du Dimanche (dimanche dernier, après la messe…).
C’est vrai qu’il n’y a guère que deux ou trois ans qu’il joue dans ce qu’il croit être la cour des grands.
L’enfance d’un sous-chef
Né le 28 septembre 1965 à Nice, Éric CIOTTI n’est en effet député des Alpes-Maritimes que depuis juin 2007, et président du conseil général de ce département que depuis décembre 2008 (à la faveur de quelques savantes manœuvres électorales). Il est enfin secrétaire national de l’UMP pour les questions de sécurité. C’est dire la touche personnelle qu’il est autorisé à mettre dans les sujets dont il traite. Car de 1988 (fin de ses brèves études) à 2007, il a toujours vécu dans l’ombre de ses parrains ESTROSI et GAUDIN, n’a jamais rien fait d’autre que de les servir, et ne sait apparemment rien faire d’autre (il pourra toujours devenir avocat, s’il n’est pas réélu). Un sarkozyste pur jus…
http://www.eric-ciotti.com/mon-parcours/
La soudaine importance d’un petit caporal
Mais voyons sans tarder à quelle géniale innovation M. Éric CIOTTI doit de passer sous les feux de la rampe. Cela tient en 3 lignes :
« Est puni de deux ans d'emprisonnement et de 30.000 euros d'amende, le fait par le père ou la mère de laisser son enfant mineur, lorsque celui-ci a été poursuivi ou condamné pour une infraction, violer les interdictions et les obligations auxquelles il est soumis ».
On entre au Panthéon pour moins que ça. Ne décerne-t-on pas la Légion d’Honneur aux gestionnaires de (très gros) patrimoines ? On fait même pire, dirait Woerth.
Un texte d’une pareille importance mérite un commentaire. Son auteur nous le fournit, en prime : « Le message que devra adresser cette loi, si elle est votée, c'est de réaffirmer au sein de l'édifice familial cette responsabilité dont les bases ont été sapées depuis mai 1968, quand on a commencé à pilonner les notions d'autorité, de discipline, de respect de la règle et, plus globalement, de respect de la loi ».
Apprentissage de la propreté en Mai 68…
Mai 1968 ! Eric n’avait pas trois ans, mais il en garde un souvenir terrible. Parmi les châtiments qui le faisaient frémir, quand il ne respectait pas les règles (refusait de manger sa soupe, pissait au lit, proférait des gros mots, etc.), les plus terribles n’étaient pas d’aller au coin ou de prendre une bonne fessée (saintes vertus de la fessée, trop décriées de nos jours !). Non, ce qui le faisait immédiatement revenir dans le rang des gens disciplinés et respectueux de l’autorité (des rangs qu’il n’a plus quittés depuis), c’est la menace d’être livré tout cru aux croquemitaines gauchistes, grands mangeurs d’enfants sages, comme le terrible Dany le Rouge (celui-là, Eric n’en a plus peur aujourd’hui…).
Sagesse toute relative d’un ancien étudiant en droit
Vous aurez sans doute noté qu’Eric n’est pas trop sûr que son texte soit adopté. Et s’il ne l’est pas, que deviendra son message, dans quelle chienlit sombrera à nouveau l'édifice familial ? Mais notre homme a quand même fait son droit (surtout pas philo ou socio cependant, imaginez l’effet qu’aurait pu avoir sur lui le doute cartésien), et il sait que « Nul n’est responsable du fait d’autrui, c’est un principe du droit ». Ce « détail » pourrait donc conduire l’opération à l’échec. Mais il sait aussi que cela n’a aucune importance (ce texte, comme beaucoup des précédents textes sécuritaires que le pouvoir sarkozyste a produits en à peine plus de trois ans, n’a pas vocation à s’appliquer), et il sait d’abord ce qu’on attend de lui: occuper un instant les médias, quitte à se voir décerner un nouveau Prix Busiris…
Eric Ciotti Prix Busiris 2007
C’est par un billet du vendredi 21 septembre 2007 qu’Eric CIOTTI se voit décerner le Prix Busiris par Maître Eolas, auteur d'un blog juridique de très haute tenue, et jouissant par ailleurs d’une grande notoriété. Ce prix parodique récompense, selon les critères de son créateur, des personnes qui ont publiquement proféré « une affirmation juridiquement aberrante, si possible contradictoire, teintée de mauvaise foi et mue par l'opportunité politique plus que par le respect du droit ». En l'occurrence, le 19 septembre 2007, au cours de l'examen du projet de loi "relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile" (devenu la loi n°2007-1631 du 20 novembre 2007), Éric CIOTTI avait notamment soutenu à l'Assemblée Nationale que diviser par deux le délai de recours contre un refus d'asile contribue à réaffirmer la vocation universelle de la France à faire de son sol un lieu d'accueil pour ceux qui sont martyrisés. Et Maître Eolas d’ajouter : « L'opportunité politique est enfin démontrée par le petit coup de langue sur "le ministre de l'intérieur de l'époque" qui a fait du si bon travail, ha, comme il nous manque, quelqu'un sait où il est passé ? »
http://www.maitre-eolas.fr/post/2007/09/21/731-prix-busir...
Surenchère populiste tous azimuts…
Ah ! de quels brillants juristes on sait s’entourer au Château (ne parlons même pas d’Eric BESSON et de Brice HORTEFEUX, et de cette autre loi d’exception qu’ils mijotent de leur côté, aussi vaine et juridiquement mort-née que celle de M. Éric CIOTTI) !
Evidemment, « Jusqu'à présent, ce discours était l'apanage de l'extrême droite » (Jean-Jacques URVOAS), la menace de déchéance de la nationalité française « est en contradiction la plus absolue avec le principe d'égalité entre les Français » (Benoit HAMON, porte-parole du PS), « Seul le régime du maréchal Pétain a eu recours à la remise en cause de la nationalité comme politique d'ensemble. La déchéance de la nationalité française est une mesure inefficace, stupide et anti-républicaine » (Jean-Luc MELENCHON sur son blog). Pour Corinne LEPAGE, présidente de Cap21 et députée européenne, « le chef de l'Etat ne respecte pas la Constitution en parlant de deux types de Français »…
Evidemment…
A force de prendre à Le Pen ce qui appartient à Le Pen, il ne restera bientôt plus aux chefs de meute de l’UMP qu’à apprendre le hongrois, pour leur permettre de jouer aux croix fléchées.
00:02 Écrit par Bruno dans Les exploits du national-sarkozysme | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : Éric ciotti, estrosi, gaudin, eric woerth, ump, mai 1968, prix busiris, maître eolas, eric besson, brice hortefeux, le pen, croix fléchées