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dimanche, 21 février 2010

La Banque Postale invente une nouvelle façon de vivre sa banque…


Ton prochain surveilleras comme toi-même…

Vendredi 19 février 2010, 18h 50. J’ai besoin d’un peu d’argent liquide. Le bureau de poste du Calvaire Saint Pierre est désert. « Bonjour, Monsieur Hergas ». L’avantage des services de proximité, pour combien de temps encore ? N’être pas qu’un numéro. Avoir affaire à des vrais gens, pas à des machines (je n’ai pas de carte bancaire, et ne désire pas en avoir, tant que cela sera encore possible).
Accès immédiat au guichet, puisqu’il n’y a pas d’autre client. J’annonce le montant de mon modeste retrait, une centaine d’euros. Puis je sors mon portefeuille, à la recherche de ma carte d’identité.
Faut-il signaler que, depuis quelques temps (un an, deux ans, ou plus ?), la Poste exige la présentation d’un document d’identité pour tout retrait de son propre compte… et même pour tout dépôt ! (sur le compte de mes filles, par exemple)… C’est stupide, évidemment, mais on se fait à tout, n’est-ce pas ? Pour un retrait dans un autre bureau que celui où mon compte est domicilié depuis plus de vingt ans, où l’on me salue par mon nom, je comprends… Mais pour un dépôt ! Passons, il faut bien se rendre à l’évidence, on est entré tout doucement dans l’ère du soupçon généralisé, du tout sécuritaire. Dans laquelle il faut mémoriser des tas de codes, de mots de passe. Passer sous des portiques. Donner son ADN. Suspects en permanence. Et on a laissé faire, gentils moutons…   
Zut, je n’ai pas ma carte d’identité. Mon épouse me l’a réclamée hier pour la photocopier, car (pour la délivrance d’une carte grise) il nous fallait rédiger un certificat d’hébergement d’une de nos filles, encore étudiante, à notre domicile… certificat obligatoirement authentifié par une copie de ce document (il paraît pourtant que certains bricolent très facilement, sur Photoshop, de vraies-fausses copies…). Qu’à cela ne tienne, je suis connu ici comme le houblon, ne m’a-t-on pas salué par mon nom à mon entrée dans ce bureau de poste ?
-    Zut, je n’ai pas ma carte d’identité…
-    Dans ce cas, je ne peux pas vous donner d’argent…


Le chœur a ses raisons que la raison ne connaît point…

Bon, je sais ce que sont les tracasseries administratives, mon boulot consiste aussi à appliquer des instructions et des textes plus ou moins bien conçus, plus ou moins adaptés, plus ou moins pertinents… Les décisions que nous prenons, mes supérieurs hiérarchiques et moi-même, doivent être motivées, c’est à dire d’abord fondées sur un texte législatif ou réglementaire, ou sur la jurisprudence des juridictions compétentes, et au pire sur ce qu’on appelle la doctrine administrative.
Alors, je reviendrai demain, mais j’aimerais quand même savoir (et je le demande gentiment) en vertu de quel texte on refuse de me donner mon argent, sans pouvoir prétendre avoir aucun doute sur mon identité.
Mauvaise pioche. J’ai beau assurer que je ne mets nullement en cause les ex-fonctionnaires présents (la Poste n’est-elle pas déjà passée au privé ?), exécutants comme moi qui doivent appliquer des instructions qu’ils ne peuvent discuter, je suis devenu un emmerdeur, et je déclenche illico une réaction de défense collective.
C’est écrit là, dit l’une des employées, pointant du doigt un document scotché au mur. Je me permets d’exprimer un doute quant à la moindre référence à un texte législatif ou réglementaire sur ce dépliant publicitaire… Qu’à cela ne tienne, elle pianote sur son ordinateur… et n’y trouve pas non plus la réponse attendue. Tout cela ne nous avance guère, moi surtout qui n’ai toujours que quelques euros pour aller faire mes courses dans les commerces à côté… Moi qui devrai revenir le lendemain, muni de mon rectangle de plastique infalsifiable, et m’entendrai répondre, quand j’évoquerai mes premières recherches sur « Legifrance » dans le Code monétaire et financier : « Ah non ! ça ne va pas recommencer ! ».
C’est que je n’avais rien trouvé, dans ce fameux Code (dont mes interlocuteurs semblaient ignorer l’existence), qui pût justifier l’exigence de leur part d’un contrôle d’identité à chaque opération financière au guichet. Ils ont bien sûr depuis toujours un exemplaire de ma signature, et leurs collègues des chèques postaux, sans jamais rien me demander de plus, valident chacun des rares chèques que j’émets, et mettent chaque mois au crédit de mon compte (créditeur) le montant de mon traitement…


Risque de blanchiment de capitaux

ou de financement du terrorisme ?

J’ai bien trouvé dans ce Code monétaire et financier un Titre VI, traitant des « Obligations relatives à la lutte contre le blanchiment des capitaux, le financement des activités terroristes et les loteries, jeux et paris prohibés ». Y figure une Section 3 (« Obligations de vigilance à l'égard de la clientèle » : articles L 561-5 à L 561-14-2), mais le II de L 561-5 précise clairement que : « Par dérogation au I, lorsque le risque de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme paraît faible et dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, il peut être procédé uniquement pendant l'établissement de la relation d'affaires à la vérification de l'identité du client et, le cas échéant, du bénéficiaire effectif. »
Je doute que dans mon cas le risque de blanchiment de capitaux ou de financement du terrorisme puisse paraître élevé, même au plus soupçonneux des sbires de M. Brice Hortefeux… Quant aux loteries, jeux et paris prohibés, il m’arrive (je l’avoue) de risquer parfois un euro au Loto quand mes collègues me proposent de participer avec eux à l’enrichissement  de la Française des Jeux…
J’ai quand même poussé mes recherches un peu plus loin, dans la partie réglementaire du même Code. J’y ai trouvé notamment un article R 561-11, disposant que : « Lorsque les [sociétés de banque et d'assurance] ont de bonnes raisons de penser que l'identité de leur client et les éléments d'identification précédemment obtenus ne sont plus exacts ou pertinents, elles procèdent à nouveau à l'identification du client. »
Toute nouvelle identification du client (qu’on connaît depuis 20 ans et qu’on voit tous les 8 à 15 jours) ne doit donc être qu’exceptionnelle et fondée sur de « bonnes raisons ». Voilà qui exclut le contrôle systématique. J’en finis avec l’article R 561-15 (i et ii), qui exclut d’importuner inutilement le client « dont l’identité est accessible au public, transparente et certaine », et dont  les « activités, ainsi que ses pratiques comptables, sont transparentes ». C’est mon cas je crois…

N’ayant par moi-même rien trouvé, dans les textes législatifs et réglementaires les plus récents, qui puisse justifier le contrôle d’identité permanent que m’impose la Banque Postale (dans l’agence qui tient mon compte) pour l’utilisation des fonds que je lui confie, je reste évidemment désireux d’apprendre sur quelle base légale cette société anonyme à directoire et conseil de surveillance (au capital de 2 342 454 090 €) fonde son exigence de la production d’une pièce d’identité à chacune de mes opérations au guichet.
Ma demande s’adresse évidemment aux cadres de cette société (et tout d’abord à son service juridique), mais tout le monde peut me donner son avis, bien sûr…