Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

dimanche, 08 juin 2008

La "Villa des Dames" (ou de Tourville) au TA

Le service des affaires juridiques et contentieuses de la Ville de Caen présente

le vendredi 20 juin 2008 à 9 h 15,

à l’audience publique du Tribunal Administratif

(3 rue Arthur Le Duc à Caen),

sa dernière création

(mise en musique par M. Jérémie JAMES):

"L’immeuble

à double fond"

fantaisie burlesque

émaillée de numéros de prestidigitation

et de tirades à la manière des médecins de Molière.

Un mot d’abord sur la trame de la farce...

Il s’agira donc ce 20 juin de savoir ce qu’il en est de la légalité du permis de construire modificatif de la « Villa des Dames », projet d’immeuble de la Sarl « LA VILLA DE TOURVILLE » (SIREN 492116959, gérant Fernando de ALMEIDA GOMES) sur des terrains sis aux numéros 37 à 43 de l’avenue de Tourville.

Un permis de construire modificatif accordé le 9 février 2007 par M. Daniel DETEY, alors premier adjoint de Mme Brigitte LE BRETHON.

Il n’est pas inutile de préciser que le permis de construire initial avait été délivré par M. DETEY, le 15 novembre 2005, à une « Société F. GOMES » (soit France Groupement Organisation Management Européen et Services, SIREN 422123786) dont le gérant était déjà M. Fernando DE ALMEIDA GOMES.

Il n’est pas inutile non plus de préciser que cette SARL FGOMES est en liquidation judiciaire depuis le 23 octobre 2007 (cessation des paiements le 18 septembre 2006), et que M. Fernando DE ALMEIDA GOMES est frappé d’incapacité à exercer les fonctions de gérant à compter du 28 novembre 2006, par ordonnance du même jour de M. le Président du Tribunal de Commerce de Caen.

C’est donc fort opportunément que M. Fernando DE ALMEIDA GOMES avait obtenu, par arrêté du 10 novembre 2006, le transfert du permis de la SARL FGOMES à la SARL « La Villa de Tourville » immatriculée au RCS de Caen le 3 octobre 2006...

Voilà pour les autorisations d’urbanisme, et la grosse cavalerie des sociétés qui se succèdent dans ce dossier, mais de quoi s’agit-il concrètement ?

La question centrale de l’emprise au sol...

Le projet initial (permis du 15 novembre 2005) était de construire un immeuble de 4 niveaux (rez-de-chaussée + 3 étages sur sous-sol à usage de parking creusé sur toute la surface du terrain). L’article UA9 du POS (plan d’occupation des sols) ne prend en effet pas en compte dans le calcul de l’emprise au sol :

« - les parties entièrement enterrées des constructions;

« - les parties d’aires de stationnement semi-enterrées couvertes d’une dalle n’émergeant pas de plus de 1,30m au dessus du niveau du sol naturel et traitées en espace vert dans les conditions définies par l’article UA 13. »

Mais, compte tenu de la nature inondable du terrain, que personne ne pouvait ignorer, on devait s’attendre aussi à bénéficier gratuitement, de temps à autres, d’une piscine en sous-sol...

C’est pourquoi le permis modificatif du 9 février 2007 prévoit la construction d’unimmeuble de 5 niveaux (4 étages de logements + rez-de-chaussée à usage de parking, très partiellement enterré par endroits), par transformation du sous-sol en rez-de-chaussée, et rehaussement de 2 mètres de l’ensemble. Comme l’explique l’architecte du projet, « Afin de répondre au PPRI (Plan de Prévention des Risques d’Inondations), le RDC du bâtiment projeté sera à la cote 7.20 sachant que la cote trottoir est à 5.20 moyenne ».

Mais l’emprise au sol du bâtiment est dès lors de 100% sur toute la surface du terrain, ce que ne permettent pas les dispositions de l’article UA9 du POS.

Sauf incompétence, le fonctionnaire qui a instruit cette demande de permis de construire modificatif ne pouvait donc en ignorer la flagrante illégalité...

L’équipe de Brigitte LE BRETHON en était sans doute bien consciente, et c’est peut-être bien pour cela qu’après avoir rejeté notre recours gracieux, en affirmant par un courrier du 10 mai 2007 que le projet de M. GOMES était « conforme aux règles d’urbanisme existantes », elle nous a fait attendre de longs mois sa réponse à notre requête en excès de pouvoir, déposée dès le 29 mai 2007 au Tribunal Administratif de Caen.

La nature a horreur du vide, le contentieux itou.

La précédente municipalité nous a donc fait attendre sa réponse jusqu’au 4 mars 2008. Il était temps ! Ce furent sans doute neuf mois d’intenses cogitations, bien nécessaires à l’élaboration d’un argumentaire ainsi conçu, au chapitre de l’emprise au sol:

« L'article UA 7.1 du règlement du POS prévoit que l'épaisseur de la bande de constructibilité au regard des limites séparatives est fixée à 18 mètres dans le secteur UAa.

« L'article UA 9 mentionne qu'à l'intérieur de cette bande de constructibilité, en zone UAa, le coefficient d'emprise au sol est fixé à 100% et au-delà de cette bande, à 60%.

« Le règlement du POS définit l'emprise au soi d'une construction "par le rapport en pourcentage entre la surface de terrain occupée par la projection verticale du volume hors œuvre brute de la construction et la surface de la propriété d'assiette de celle-ci."

« En dehors des bandes de constructibilité de 18 mètres, il est convenu notamment de réaliser un vide sur sous-sol. Ce vide ne saurait constituer un volume devant être pris en compte dans le calcul de l'emprise au sol.

« Dans ces conditions, le projet contesté est bien conforme aux dispositions de l'article UA 9 du règlement du POS.

« Le moyen sera donc rejeté comme manquant en fait. »

Pareil exposé pourrait sans doute impressionner un néophyte, ça en impose, et ce n’est pourtant rien d’autre que du Canada Dry. Un mauvais pastiche. Jusqu’à l’article UA7.1 du POS qui est impudemment trafiqué (il n’y est nullement question de « limites séparatives »).

Mais le summum est atteint avec l’invention d’un « vide sur sous-sol » qu’aucun des plans présents au dossier ne fait évidemment apparaître, tant il serait absurde de réaliser un vide sanitaire... sous un parking, et uniquement sous la partie située au-delà de la bande des 18 mètres !

En outre, du fait que « la projection verticale du volume hors œuvre brute de la construction » (rez-de-chaussée à usage de parking couvrant toute la superficie du terrain et en émergeant partout de plus de 1,30m au dessus du niveau du sol naturel) coïncide très exactement avec le terrain d’assiette de cette construction, c’est bien d’une emprise au sol de 100 % qu’il s’agit, ce que ne permet pas l’article UA9 du POS...

Voilà enfin en quels termes, dans un mémoire du 11 avril 2008, nous saluions les louables efforts produits par M. Jérémie JAMES (ou ses inspirateurs) pour éclairer une des plus sérieuses zones d’ombre d’un dossier décidément bien obscur:

« Cet exposé délirant témoigne évidemment du désarroi de son rédacteur (service de l’urbanisme et du droit des sols, et/ou service des affaires juridiques?) qui, parfaitement au fait du caractère imparable du moyen soulevé, n’a pas craint de faire endosser à Mme le maire ce tissu d’inepties laborieuses, et d’en infliger l’examen [au] Tribunal. »

Jérémie persiste et signe...

Ces propos fermes mais mesurés n’ont apparemment pas eu l’heur de plaire dans les bureaux où s’élabore à Caen la pensée urbanistique, domaniale et contentieuse.

Cela nous a valu de recevoir le 20 mai un ultime mémoire de la Ville, auquel il ne nous était pas permis de répondre, l’instruction de l’affaire étant close de la veille.

Jérémie y réitère ses élucubrations relatives au prétendu « vide sur sous-sol » et au respect du coefficient d’emprise au sol:

« Il reste qu’il est patent que les plans figurant au dossier du permis de construire modificatif (Plan sous-sol, Plan de masse, Plan de coupe AA, Plan de coupe BB, Plan de coupe EE) font manifestement apparaître l’existence d’un vide sur sous-sol et qu’ainsi le coefficient de 60% d'emprise au sol requis au-delà de la bande de constructibilité principale de 18 mètres est parfaitement respecté.

« Dans ces conditions, le projet contesté est bien conforme aux dispositions de l'article UA 9 du règlement du POS. »

Mais il ne s’en tient pas cette fois à la théorie du double fond. Et sans exiger la tenue d’un duel, il entend néanmoins obtenir réparation pour son honneur soi-disant bafoué:

« Enfin l’exposante sollicite la suppression, conformément à l’article L.741-2 du code de justice administrative, des propos diffamatoires tenus par Monsieur Hergas, président en exercice de l’association Hastings Saint Nicolas, à la page 9 de son dernier mémoire par lesquels celui-ci indique que “l’exposé délirant“ de la ville relatif à la réalisation d’un vide sur sous-sol par le pétitionnaire “témoigne évidemment du désarroi de son rédacteur... »(texte complet ci-dessus).

Ce n’est plus du Molière cette fois, mais du Corneille. Au ton sentencieux des médecins succède le morceau de bravoure. Le fonctionnaire municipal n’est toutefois pas habilité à signer lui-même ses productions. C’est donc l’adjoint au maire, ayant reçu délégation à cet effet, qui endossera la responsabilité des écrits de M. Jérémie JAMES. Il aura peut-être suffi de les mettre à la signature au tout dernier moment...

Morale de l’histoire

Il n’est pas exclu que les juges administratifs fassent une juste appréciation des faits dans cette affaire, malgré les affirmations impudemment répétées de l’existence d’un fantomatique vide sur sous-sol. Il n’est pas exclu qu’ils constatent ainsi la flagrante méconnaissance des dispositions de l’article UA9, et annulent ce permis modificatif.

Mais il aura pour cela fallu se défendre bec et ongles contre des gens dont la mission est pourtant de faire respecter des règles librement définies par les élus, comme le sont celles du plan d’occupation des sols.

Tous les coups sont-ils permis quand il s’agit de défendre en justice les intérêts de la Ville? Y compris les coups bas? Et sont-ce bien les intérêts de la Ville que l’on défend, dans un dossier comme celui-là?

Autant de questions posées à l’équipe de Philippe DURON, qui, deux mois à peine après son installation, devra peut-être s’interroger aussi sur l’étendue de son pouvoir réel...

Les commentaires sont fermés.