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samedi, 23 février 2008

Modalités de l'aide publique aux promoteurs nécessiteux, chapitre premier

Chapitre I: La recette pour construire et ses trois ingrédients

 

On  sait que la recette, pour construire, exige la présence de trois ingrédients. Pour simplifier: un terrain, des capitaux, un projet, ce dernier compatible avec les règles du plan d’occupation des sols (POS, en attendant le PLU, pour plan local d’urbanisme) définies par le conseil municipal, après avis des administrés recueilli lors d’une enquête publique.

La commune (notamment celle de Caen) dispose ainsi le plus souvent de deux leviers pour orienter ce qui se fait en matière d’urbanisme, et plus particulièrement de logement: la maîtrise foncière de certaines zones du territoire communal, et les règles d’urbanisme (PAZ, POS et bientôt peut-être PLU), au vu desquelles elle accorde ou refuse les permis de construire.

La ville de Caen, depuis les années 1970-1980, s’est en grande partie urbanisée dans le cadre de ZAC (zones d’aménagement concerté: Porte de Nacre, Folie-Couvrechef, Pépinières-Beaulieu, Gardin, Decaen, Jean Monnet).

Maîtresse des principes d’aménagement (PAZ = plan d’aménagement de zone) de ces ZAC, et propriétaire des sols (par droit de préemption et/ou déclaration d’utilité publique), elle y fixe aussi le prix des droits à construire.

Il lui est arrivé ces dernières années (j’y reviendrai dans de prochains sujets) d’y faire de véritables cadeaux à plusieurs promoteurs locaux, notamment en bradant les terrains le long du boulevard Pompidou (Venoix-Beaulieu), en vendant moitié prix un terrain dans la ZAC Gardin à Webre Immobilier (manque à gagner de 678.886 euros pour la ville), ou en changeant le mode de calcul du prix des terrains dans la ZAC de la Folie-Couvrechef, alors qu’il ne restait plus que 5 terrains à vendre...

Mais il y a encore un autre moyen d’encourager l’immobilier privé de haut standing, c’est de tripatouiller les règles d’urbanisme, ou d’accorder des permis de construire qui ne sont pas conformes à ces règles.

 

L’urbanisme réglementaire à la mode de Caen

C’est un de ces permis de construire contestables, rue d’Hastings, à un jet de béton de l’église St Nicolas, qui a suscité la création, en février 1991 (17 ans déjà !) de l’association Hastings Saint Nicolas, qui n’a statutairement vocation que pour « défendre et promouvoir un urbanisme de qualité à Caen et dans son agglomération », c’est à dire soumettre à un examen critique les règles anciennes ou nouvellement introduites dans les documents d’urbanisme, et les permis de construire délivrés au vu de ces règles.

Elle a aussi, il y a quelques années, fait condamner par le Tribunal Correctionnel un promoteur et son architecte qui avaient démoli et construit sans permis, avec l’accord au moins tacite des services d’urbanisme de la ville (encore un épisode qui mérite d’être narré).

Il lui est surtout arrivé de faire annuler par le Tribunal Administratif de Caen et/ou la Cour Administrative d’Appel de Nantes divers permis de construire et une modification de plan d’occupation des sols. Mais elle n’est aussi pas parvenue à faire annuler des dispositions évidemment critiquables, comme nombre de celles du POS révisé, approuvé par le conseil municipal le 11 décembre 2000.

 

Le miracle de la multiplication des mètres carrés

L’une de ces dispositions est parfaitement emblématique de l’attitude très bienveillante de la municipalité envers l’immobilier privé, petits et gros poissons confondus: il s’agit de l’emplacement réservé n° 18, projet de « liaison piétonne » parfaitement inutile entre la rue Richard-Lenoir et la rue Varignon.

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La chose mérite le détour: très belle vue sur l’abside de l’abbaye aux Dames, au fond de ce cul-de-sac situé à l’angle de la résidence « Carré Mathilde », et auquel on accède par la rue Richard-Lenoir (rue parallèle au bassin St Pierre côté quai de la Londe, entre rue Basse et  avenue de Tourville).

Inutile pour les Caennais, et coûteuse pour les finances publiques, mais très utile pour Bouygues (Bouygues-TF1, Bouygues Telecom, Bouygues Immobilier et j’en passe),  cette fantomatique « liaison piétonne » a permis de construire (et avant tout de vendre) plusieurs centaines de mètres carrés de logements supplémentaires.

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Il me faudrait plus de temps et de place pour expliquer comment ce miracle a été possible (il me faudra sans doute y revenir).

Disons brièvement qu’il a suffi au service municipal de l’urbanisme de faire montre d’une grande discrétion. Car lors de l’enquête publique précédant l’adoption, le 11 décembre 2000, du projet de POS révisé, les caennais ignoraient bien entendu l’existence d’une étude très spécialisée (du même mois de juin 2000) portant sur le terrain en question.

Une étude du service de l’urbanisme (alors sous la houlette de l’adjoint Thierry MARC) qui montrait l’avantage qu’il y aurait à percer une voie sur un troisième côté de ce terrain, puisque le POS nouveau abandonnait le principe du contrôle de la densité par le COS (coefficient d’occupation des sols), et instituait des bandes de construction maximales à l’alignement des voies (existantes ou à créer,... ou à ne jamais créer).

 

Un potager municipal concédé à titre précaire

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 Un beau cadeau aux frais de la princesse (le contribuable caennais aménageur à titre gracieux, qui paye pourtant sa taxe d’habitation à la Guérinière et à la Grâce de Dieu comme il la paye rue St Pierre ou place St Sauveur). Un beau cadeau à Bouygues, sans aucune contrepartie, puisque la fameuse « liaison piétonne » ne débouche pas rue Varignon, et n’y débouchera sans doute jamais.

Par un jugement du 18 octobre 2007, le Tribunal Administratif de Caen, à nouveau amené à se prononcer sur cette question de l’emplacement réservé n° 18, toujours en état de potager municipal concédé à titre précaire (décision n° 05 / 055 du 2 juin 2005 de Mme Brigitte Le Brethon), a pourtant validé la délibération du 17 janvier 2005 modifiant le POS, délibération qui modifiait entre autres choses le tracé de la toujours fameuse « liaison piétonne »...

 

dimanche, 17 février 2008

Demandez le programme !

Je m’appelle Bruno HERGAS. Bientôt sexagénaire (tout arrive), je suis né à Caen et n’en suis pratiquement jamais resté éloigné plus de quelques mois, trois ou quatre ans tout au plus. Il ne s’agit pas pour moi de tirer de cet enracinement un quelconque avantage, par exemple de prétendre à une meilleure connaissance des problèmes de la cité. Le temps ne fait rien à l’affaire, c’est bien connu...

Les hasards de l’existence m’ont pourtant amené à suivre d’assez près, au cours des vingt dernières années, les débats auxquels ont donné lieu divers projets municipaux d’aménagement et d’équipement de la ville de Caen.

Projets d’urbanisme avant tout, mais aussi feuilleton du TVR, aujourd’hui improprement baptisé « tram », quand son rail unique le condamne à n’être qu’un mode de transport boiteux, plombant le développement des transports publics dans les deux seules villes qui se le sont vu imposer, Caen et Nancy.

Il m’est arrivé d’être acteur dans ces débats, soit au titre de militant associatif, défendant au cours d’enquêtes publiques, ou devant la justice administrative, les intérêts de nos mandants (notre action a parfois, et même assez souvent, entraîné l’annulation de décisions contestables, en matière de plan d’occupation des sols ou de permis de construire), soit à titre personnel (par exemple contre la vente au rabais, à des promoteurs privés, de terrains aménagés par la ville aux frais du contribuable).

On ne défend pas ce genre de dossiers sans avoir des choses à raconter, ni réunir des documents peu connus, ou totalement inconnus du public, qui pourtant méritent peut-être d’être publiés. C’est ce que j’envisage de faire ici, si je parviens à dominer ma paresse, et mon dégoût devant les dérives actuelles de la démagogie, présidentielle notamment.

Autant dire que je ne m’interdis pas des digressions sur d’autres sujets...