dimanche, 20 avril 2008
Basse Vallée de l’Orne de Louvigny à Ouistreham: enquête publique relative à la modification du PPRI (plan de prévention des risques d’inondation)
Caen: le pari risqué
de l’urbanisation du lit mineur de l’Orne
Par arrêté préfectoral du 12 février 2008, la modification du PPRI de la Basse Vallée de l’Orne (plan de prévention des risques d’inondation) est soumise à une enquête publique, à la préfecture et dans toutes les communes concernées, du 7 avril au 17 mai.
On peut, à Caen, prendre connaissance du dossier (et formuler ses observations), à l’Hôtel de Ville. On trouve les mêmes informations sur internet à l’adresse suivante:
http://www.calvados.equipement.gouv.fr/rubrique.php3?id_r...On lira utilement la note de présentation et le règlement (2 fichiers téléchargeables au format PDF). Mais il faut compléter la consultation par la visualisation des planches (figuration des zones concernées). Je conseille de consulter au minimum la planche 5, et l’annexe 7d (Rives de l’Orne, Presqu’île Portuaire, avenue de Tourville). Plus de rouge (foncé ou clair), plus de bleu (même gamme). Tout est jaune désormais... Un feu vert à l’urbanisation sans trop de contraintes.
On peut aussi consulter le PPRI actuellement en vigueur sur le même site (DDE 14):
http://www.calvados.equipement.gouv.fr/article.php3?id_ar...On est ainsi en mesure de mesurer l’évolution du document, beaucoup moins contraignant dans sa nouvelle mouture.
Un document beaucoup moins contraignant
Cet assouplissement était évidemment souhaité par l’ancienne municipalité de Caen, et ses prédécesseurs immédiats (François SOLIGNAC-LECOMTE, auquel revient la paternité du plan d’occupation des sols révisé, approuvé le 11 décembre 2000). C’est d’ailleurs à ce dernier (vrai patron de l’équipe GIRAULT jusqu’en 2001) qu’on doit aussi, notamment, les ZAC Gardin, Beaulieu, Decaen, Jean Monnet, la dernière tranche de la Folie-Couvrechef, le TVR... et le (déjà) considérable assouplissement du premier projet de PPRI, bien autrement contraignant dans sa première version, puisqu’il rendait la Presqu’île Portuaire pratiquement inconstructible (voir les interventions à ce propos de François SOLIGNAC-LECOMTE en conseil municipal au cours des années 1996-2000).
Celui-ci n’aimait pas non plus les fouilles archéologiques, accusées de retarder, pour de vulgaires histoires de « cailloux », l’aménagement des zones d’activité districales.
Mais il n’était pas non plus le seul à vouloir bétonner la Presqu’île sans entraves. François GEINDRE, ancien maire d’Hérouville (son meilleur allié dans l’opération de lobbying qui nous a valu le décret Jospin-Chevènement-Gayssot déclarant le TVR d’utilité publique), tirait dans le même sens. En témoigne son livre-programme pour la conquête (ratée) de Caen en 2001...
Il semblerait même qu’il existe un consensus mou autour de l’aménagement de ce dernier territoire disponible sur la commune, après l’annexion de la terre à betteraves de la Folie-Couvrechef, des remblais de Gardin, des zones de carrières de Beaulieu, et des enclaves militaires des ZAC Decaen et Jean Monnet. Il ne restera plus bientôt que les terres d’église (WEBRE au Bon Sauveur, GOMES-NEXITY à Lemonnier)... et la Prairie, qu’il suffira de remblayer (la ville en a déjà conquis quelques morceaux depuis le dix-huitième siècle), et/ou de déclarer à l’abri du risque d’inondations...
Un coup de dés jamais n’abolira le hasard...
Après ce petit détour par la préhistoire récente (et sommaire j’en conviens) d’un document qui n’a pas dix ans, nous revoilà à patauger au pied du mur (ou des digues).
Il y a par dessus tout quelque chose qui m’inquiète dans le texte du règlement soumis à enquête, c’est le constant rappel de la « vulnérabilité des biens, notamment dans le cas d’un dysfonctionnement d’ouvrage ».
Comme si le rédacteur de ce document n’avait qu’une confiance limitée dans la fiabilité des dispositifs techniques mis en oeuvre de Rabodanges à Ouistreham pour maîtriser les crues de l’Orne et de ses affluents (vallée sèche et digues à Louvigny, reprofilage du lit de l’Orne dans sa traversée de Caen, canal de dérivation de la presqu’île et savantes manoeuvres de vannes, déversoir du Maresquier).
Comme si ce rédacteur entendait par des précautions oratoires dégager sa responsabilité et celle de l’Etat en cas de bavure (défaillance matérielle ou humaine), et de bavures par millions de m3...
C’est qu’effectivement ce PPRI nouveau est entièrement fondé sur la confiance (aveugle ?) accordée à ces dispositifs techniques, et, qu’à Caen tout du moins, chacun sait que les trains n’arrivent pas toujours à l’heure, même après l’électrification de la ligne Paris-Cherbourg, pourtant censée mettre Caen à deux heures de Paris, comme c’était le cas avec les turbotrains dans les années 70...
Il est certes désagréable de passer quelques heures supplémentaires dans un train arrêté en rase campagne. Mais il l’est sans doute plus de devoir monter ses meubles sur des agglos, ou à l’étage... et de se déplacer en barque, même pour quelques jours.
Si donc, après de savantes et longues études, les services techniques de l’équipement et toute une escouade d’experts publics et privés n’estiment pas fiables à 100 % les mesures préconisées par ce nouveau PPRI (sous la constante réserve d’un « dysfonctionnement d’ouvrage »), pourquoi autorisent-ils l’ouverture à l’urbanisation de toutes les zones basses de la presqu’île portuaire (le lit mineur du fleuve), au seul prix de quelques prescriptions minimales ?
Assurer tant que faire se peut la sécurisation des zones déjà construites (Louvigny, île St Jean à Caen, etc.) est certes une bonne chose, mais permettre de construire (notamment des logements) dans la zone portuaire dont on sait qu’elle pourrait à l’avenir subir de nouvelles submersions, est certainement un pari risqué.
Et peut-être aussi un pari inutilement risqué, quand il est évidemment possible de construire les logements et équipements nécessaires (avec la densité et les dessertes souhaitables, sans consommation abusive d’espace encore agricole) en périphérie immédiate (Ifs, Fleury, Louvigny, Eterville, St Germain, St Contest, etc.).
On laissera par ailleurs les experts explorer les hypothèses de modification du niveau des mers, en relation avec le réchauffement climatique, et leurs conséquences locales (les marées ne font-elles pas sentir leurs effets jusqu’à Caen ?).
Coup de jaune pour la presqu’île
Il est grand temps de dire quelles sont les prescriptions du PPRI modifié en ce qui concerne la zone jaune. Cette zone (couvrant notamment la presqu’île) devient donc indifféremment constructible, sous réserve, pour l’essentiel, de trois prescriptions:
1°) « sous réserve que la cote du premier plancher habitable soit supérieure de 0,20 m à la cote de référence (altitude du niveau d’eau atteint par la crue de référence) », soit la crue centennale (1 chance sur 100 de se produire), c’est à dire celle de 1925-1926. Mais il n’est pas interdit de creuser des sous-sols en dessous de cette cote, à certaines conditions;
2°) sous réserve de « préserver des couloirs d’écoulement de la crue » (couloirs non déterminés, et encore moins figurés sur les documents graphiques). On laisse donc aux communes (maîtresses de leur urbanisme) le soin d’appliquer cette mesure mal définie;
3°) sous réserve de « voiries à créer au niveau du terrain naturel »(de façon à interdire les créations sur remblais, faisant l’effet de digues), mais, de façon contradictoire, les créations sur remblais sont néanmoins autorisées « sous réserve ... de mesures garantissant la transparence hydraulique ».
Cette transparence hydraulique que rien ne définit fait partie des trouvailles langagières dont sont friands élus, technocrates et médias. On pourra la ranger aux côtés de la gouvernance (bonne, de préférence), de la mixité sociale (une ardente obligation, qui, comme toutes les ardentes obligations, n’engage que ceux qui y croient), ou du Grenelle, formule incantatoire de ceux qui curieusement voudraient effacer la mémoire de mai 68...
Pour faire bref, ces mesures du PPRI nouveau me semblent adaptées à l’hypothèse, en cas de grande crue, d’une zone jaune transformée en cité lacustre, les constructions émergeant des eaux au niveau de leur premier plancher habitable...
Ce n’est pas précisément ce qu’on appelle des marinas, mais ça y ressemble. M. Fernando de ALMEIDA GOMES sera content, lui qui aurait acheté plusieurs hectares de terrains sur la Presqu’île, et se proposait d’y construire des... marinas.
Un visionnaire, ce GOMES. Et qui n’hésite pas à mouiller sa chemise. De la trempe des visionnaires locaux de l’urbanisme, comme Luc DUNCOMBE par exemple.
C’est mon avis et je le partage...
Personnellement, je n’irai pas noircir les pages du registre dans lequel le public est autorisé à coucher ses observations, comme lors de toute enquête publique. Je n’aime plus trop ce genre de farce, mais je ne veux surtout pas en dégoûter les autres...
Je suis d’avis qu’il faut se garder d’urbaniser la Presqu’île Portuaire dans la précipitation.
Je pense aussi que cette modification du PPRI a été dictée par la volonté d’une petite minorité influente, soucieuse de construire, pour de bonnes et de moins bonnes raisons, le dernier espace disponible sur la commune de Caen.
Mais je ne ferai pas le déplacement pour le dire.
L’avis du commissaire-enquêteur sera très certainement favorable, et le tour sera joué, alors même que la commune n’a la maîtrise que d’une très faible partie des espaces concernés. Rendre cet espace constructible (après approbation du plan local d’urbanisme -PLU- actuellement en chantier) sera, dans ces conditions, ouvrir un boulevard à tous les GOMES de la place, et à ceux qui sont prêts à vendre leurs terrains aux plus offrants.
19:56 Écrit par Bruno dans Urbanisme et logement | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : modification du ppri, inondations de l'orne, presqu'île portuaire