dimanche, 20 septembre 2015
Quand des ministres font l'aumône d'une lettre au petit peuple, ou du gaspillage des deniers publics à des fins moins obscures qu'il n'y pourrait paraître...
Ҫa sent l'sapin...
Le 7 septembre 2015, MM. Michel SAPIN et Christian ECKERT, Ministre des finances et des comptes publics pour l'un et Secrétaire d'état au budget pour l'autre, ont longuement mâchonné l'extrémité de leur Bic Cristal (au risque d'avaler le petit bouchon bleu qui en obture le corps de forme hexagonale en polystyrène transparent), avant de coucher sur le papier (à en-tête de la République Française), le texte de la lettre personnelle qu'ils entendaient m'adresser, et que le facteur a glissé dans ma boîte lundi dernier.
Pour des politiciens, Michel et Christian ont fait là de louables efforts de concision et de clarté, soucieux qu'ils étaient de m'annoncer en exclusivité le montant de mon non-impôt (et celui de l'économie par moi réalisée), conséquences selon eux des engagements du Gouvernement auquel ils appartiennent, et de son intérêt supposé pour le sort des contribuables disposant de revenus modestes ou moyens.
Je suis vraiment navré de devoir annoncer à ces braves gens l'échec de leur démarche auprès de moi.
D'abord ils ne m'apprennent rien que je ne savais déjà. Il y a bien plus d'un mois que j'ai reçu mon avis de non-imposition, et le calcul de mon impôt, effectué sur le simulateur de leur ministère le 14 mai 2015 donnait déjà le même résultat. Y figurait aussi, d'ailleurs, la même prétendue « information » : « Le montant de votre impôt sur le revenu est réduit en 2015 grâce aux nouvelles mesures fiscales en faveur des revenus modestes ou moyens ». Un usage des techniques de bourrage de crâne que j'estime exagéré...
Il se trouve en outre que mon impôt aurait de toute façon été nul, quand bien même le « Gouvernement » (en fait les Chambres, qui seules ont un pouvoir en ce domaine, mais auquel elles ont de fait renoncé depuis longtemps) n'aurait pas (et pas dans ce seul sens) bricolé une loi de finances produisant ces effets.
Grâce aux réductions d'impôt en vigueur depuis des lustres et bénéficiant aux contribuables qui abandonnent une partie de leurs revenus à des associations caritatives ou à des partis politiques, j'étais assuré (sur la base du barème de l'année précédente, soit avant les mesures « généreuses » du Gouvernement) de n'avoir pas d'impôt supplémentaire à acquitter. Ces dons sont une manière de payer plus d'impôt (la réduction n'est que de 75% du montant versé dans le meilleur des cas), mais au profit de causes qu'on estime prioritaires (mal-logés, mal-nourris, mal-soignés, etc.), causes abandonnées aux bons soins de la société civile et de ses associations par ce « Gouvernement » dit « de gauche ».
Premier prix de propagande au couple SAPIN-ECKERT
Ainsi, contrairement à ce que me répètent à l'envi Michel SAPIN et Christian ECKERT, je ne bénéficie de rien de plus grâce à eux et à leur « Gouvernement », ils ne m'apprennent rien et ne m'expliquent rien de nouveau. Alors pourquoi m'écrivent-ils ?
Il n'est par ailleurs pas interdit de penser que d'autres que moi « disposant de revenus modestes ou moyens » auront eux aussi reçu une lettre du même genre, ne leur apprenant rien non plus. A combien de centaines de milliers, ou de millions d'exemplaires ? Même envoyée d'Auvergne en « Ecopli » (comme précisé sur ce courrier), cette propagande épistolaire sans aucun intérêt a nécessairement un prix (La poste, société anonyme depuis le 1er mars 2010, facture à toutes les administrations l'acheminement de leur courrier, utile ou non).
Jeter l'argent (du contribuable) par les fenêtres...
D'après ce que j'ai pu apprendre sur le site de La poste (http://www.laposte.fr/entreprise/produits-et-services/eco...), le seul envoi de la lettre que m'ont adressée Michel SAPIN et Christian ECKERT a coûté à leur administration 0,442 € au minimum. Car il convient bien entendu d'y ajouter le prix du papier, de l'impression, et de la mise sous enveloppe. Pour un million de destinataires (ou plus), c'est donc au minimum plusieurs centaines de milliers d'euros gaspillés en pure perte...
Amusant quand on sait la prétention de l'administration fiscale à se dire la championne... des économies budgétaires (on voudrait y croire !), et du respect de l'environnement, au nom duquel le contribuable est avec insistance invité à abandonner la déclaration de ses revenus sur support papier (qu'on ne lui adresse d'ailleurs plus qu'à un seul exemplaire), à renoncer à recevoir ses avis d'imposition sur ce même support, et à ne surtout pas imprimer les messages que l'administration lui adresse par voie électronique...
Il semblerait même qu'afin de faire des économies (de bouts de chandelles), elle renonce dans nombre de cas, au mépris de toute sécurité juridique, à l'envoi en recommandé de certains courriers qui rendent nécessaire le recours à cette procédure, quitte à prendre le risque de perdre de l'argent... Mais la pêche aux voix, bien sûr, c'est autre chose...
Enfin pourquoi nos ministres ne m'ont-ils pas adressé leur prose par courriel, ce que leur administration ne manque pas de faire en de multiples occasions ? C'était à l'évidence moins cher, sans gaspillage de papier, et la mise à la poubelle était possible d'un simple clic de souris. Parce que les courriels c'est comme les paroles, et que les écrits restent ?
Fidélisation de la clientèle...
Revenons au site de La poste : « L’Ecopli en nombre est un service d’envois économiques distribués en J+4*. Il vous permet de maîtriser votre budget en bénéficiant d’un tarif adapté à vos envois de documents non prioritaires en nombre. Vous facilitez ainsi vos actions de fidélisation sans engager des dépenses trop importantes. Multipliez vos actions auprès de vos clients avec des courriers à faible coût grâce à une offre économique... »
Voilà donc ce que nous sommes devenus pour nos gouvernants, comme MM. SAPIN et ECKERT, une clientèle qu'il s'agit de fidéliser, en mobilisant toutes les méthodes du marketing. Une clientèle qui, comme à Rome il y a 2000 ans, venait chaque matin chez le maître mendier de quoi ne pas crever de faim (et des jeux), moyennant allégeance. Le bulletin de vote ? Un produit comme un autre, qui peut même s'acheter. Chez les Dassault, on est moins hypocrite...
12:02 Écrit par Bruno | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : michel sapin ministre des finances et des comptes publics, christian eckert secrétaire d'état au budget, impôt sur le revenu 2015, mesures fiscales en faveur des revenus modestes ou moyens, propagande, bourrage de crâne, marketing politique, gaspillage des deniers publics, ecopli, clientèle, action de fidélisation, serge dassault