samedi, 09 janvier 2010
Jørn Riel: « Le naufrage de la Vesle Mari, et autres racontars »
Caen, Normandie septentrionale, 6 et 8 janvier 2010, photos de Camille
Faits d'hiver
L'hiver prend cette année des allures de carte postale, flocons à gogo, manteau blanc uniforme sur la ville et les champs. Y aurait-il de la neige à Noël ? Il y a eu de la neige avant Noël, il y a de la neige après Noël. Les amateurs de chromos devraient être satisfaits... Ils ne le sont pourtant pas. Et de déplorer les difficultés de circulation, et les carences supposées des services chargés de dégager les routes (et d'abord celle qui mène à leur petite maison dans la campagne, bien entendu)...
Alors si vous ne disposez pas d'un bon attelage de chiens de traîneau, et si vous êtes bloqués chez vous, bien au chaud, je vous propose de mettre à profit ce rare moment de solitude (glacée) toute relative, pour endosser l'anorak des héros de Jørn Riel: Museau, Doc, Mortensen, Lasselille, Bjørken, le Comte, Volmersen et compagnie. De fiers gaillards, hauts en couleurs, aux aventures burlesques et désopilantes, qui peuplent les stations du nord-est du Groenland, où ils s'occupent pour la plupart de chasse à l'ours et au renard...
Jørn Riel et les Editions Gaïa
Par une curieuse coïncidence, Gaïa Editions vient en effet de faire paraître, en novembre 2009, un dernier volume des « Racontars arctiques » dudit Jørn Riel, sobrement intitulé « Le naufrage de la Vesle Mari, et autres racontars ». Un beau volume de 250 pages, disponible au prix de 20 euros chez les meilleurs libraires (et à la FNAC aussi sans doute).
C'est là, à peu de choses près, le vingt-cinquième livre du même Jørn Riel que publie Gaïa Editions, dont le site internet relate ainsi l'attachement à cet auteur: « Gaïa a toujours eu le souci de proposer l'œuvre d'un auteur et non un titre par-ci par-là. Figure emblématique du catalogue, Jørn Riel dont tous les ouvrages sont peu à peu traduits et publiés chez Gaïa, fut à l'origine même de la maison d'édition. C'est pour faire connaître aux lecteurs français cet auteur très populaire au Danemark que les fondateurs de Gaïa décidèrent de le traduire et de le publier. »
Quatrième de couverture
Pour vous donner un avant-goût de ce qui vous attend à la lecture de cette dixième et dernière série des Racontars arctiques, publiée en 1996 au Danemark, on peut tout simplement citer la quatrième de couverture, qui résume l'argument assurant la liaison entre ces huit récits: « Comment des chasseurs du nord-est du Groenland, sains de corps et d'esprit, rompus à l'art de transformer l'ours blanc en carpette de lit et d'ingurgiter entre potes un infâme distillat maison, pourraient se réacclimater à la moiteur quasi tropicale du Danemark ? Comment échapper à cette fatale descente aux enfers décrétée par un bureaucrate blafard et cravaté de Copenhague ? Comment ? Nos héros arctiques ont l'imagination fertile, et plus d'un tour dans leur sac... ».
Des risques que l'on court à se laver à l'eau froide,
et autres mises en garde utiles...
Mais il me sera peut-être permis aussi d'aiguiser votre appétit par quelques amuse-gueules. Savez-vous par exemple ce qui arrivera à Museau, allergique au savon noir, et sommé par son chef Bjørken de procéder comme lui à une toilette complète (et totalement exceptionnelle), sous peine d'être exclu des libations prévues lors de l'assemblée des chasseurs ?
Je ne vous en dirai rien bien sûr, comme je ne vous dirai rien du télégraphiste mélomane et de son compagnon, des transformations qu'il leur fallut apporter à un vélo pour traverser l'Indlandis, et faire, à leur arrivée sur la base américaine de Thulé, la connaissance d'une danseuse portoricaine éruptive qui leur laissera de cuisants souvenirs...
Je ne vous dirai rien non plus des projets délirants de deux agronomes distingués, découvrant dans le sud du Groenland, au climat assurément tropical et à la végétation luxuriante (bruyère, saules et bouleaux arctiques, atteignant pour certains jusqu'à près d'un mètre cinquante de haut !), le lieu idéal pour de nouvelles expérimentations...
Ne comptez pas sur moi pour vous en dire plus. Laissez-moi seulement vous conseiller tout spécialement le récit de la longue agonie, à l'ancre, dans le havre de Sardloq, du bateau du capitaine Olsen. Qui, de lui ou de son passager Bjørken, « philosophe de pacotille », quittera le dernier l'épave ? Et surtout empochera la prime d'assurance...
Un danois chez les Inuits
Pour définir les « racontars » de Jørn Riel, un journaliste (Ph. C., Les Echos) a proposé la notion, assez heureuse, de « burlesque poétique ». Certains passages de ces récits ne sont d'ailleurs pas sans rappeler le Charlie Chaplin de « La ruée vers l'or », et l'on peut certainement se représenter certains des héros de Jørn Riel sous les traits du Big Jim de ce film (comme dans la scène où celui-ci voit Charlot sous la forme d'un gros volatile, tout à fait susceptible de lui permettre d'assouvir sa faim...).
Ces « racontars » sont sans doute la partie la plus originale et la plus attachante de l'oeuvre (celle que je préfère en tout cas). Mais cette oeuvre ne se réduit pas non plus à ce genre, et il convient de signaler un autre versant de celle-ci, avec, entre autres, les deux trilogies « La Maison de mes pères » et « Le Chant pour celui qui désire vivre », dont les traductions ont, bien sûr, d'abord été éditées par Gaïa, mais qui sont également disponibles en livre de poche chez 10-18, ainsi que plusieurs recueils des « Racontars arctiques ».
On ne quitte pas le Nord avec Hek, Arluk et Soré (les 3 volumes du « Chant pour celui qui désire vivre »), mais les héros de ces récits ne sont plus des trappeurs scandinaves, ce sont des Inuits, dont on découvre de l'intérieur la culture, l'histoire, et d'abord le quotidien. Sans aucun burlesque cette fois, dans des textes qui témoignent de l'évidente tendresse de l'auteur pour ce peuple menacé par l'irruption du monde moderne, et de sa parfaite connaissance de leur culture.
Il est vrai que Jørn Riel, soixante-dix-huit ans aujourd'hui (car né en 1931 à Odense), a passé 16 ans au Groenland, où il séjourna pour la première fois en 1950. Dans la préface d'« Arluk » (1984), voyage d'un Inuit à travers le Groenland au début du XVIème siècle, il tient d'ailleurs « à remercier chaleureusement les nombreux Groenlandais avec qui, à travers toutes ces années, j'ai tant vécu ». Le Groenland n'est pas l'Islande, mais il y a pourtant du feu sous la glace...
Compléments
L'autonomie du Groenland
(source Wikipédia)
Suite à la loi sur l'autonomie du Groenland votée par le parlement danois le 19 mai 2009, le Groenland a accédé le 21 juin 2009 à une autonomie renforcée. Le Danemark lui a cédé 32 domaines de compétences, dont ceux de la police et de la justice. Le groenlandais (inuit oriental) devient langue officielle. La monnaie, la défense et la politique étrangère restent sous le contrôle du Danemark. Cet acte fait suite à un référendum consultatif qui a eu lieu au Groenland le 25 novembre 2008.
La capitale du Groenland est Nuuk (ou Godthåb en danois). La ville compte 17 000 habitants et sa population est essentiellement composée de Groenlandais (80 %) et de Danois (14,5 %). Le parti Inuit Atagatigiit, qui veut faire du Groenland un État indépendant, a lors des dernières élections législatives du 2 juin 2009 obtenu 43,7 % des voix, soit près du double du score qu'il avait réalisé lors d'une consultation en 2005. Inuit Ataqatigiit, qui a pour dirigeant Kuupik Kleist, dispose de 14 sièges sur 31 au Parlement, contre sept précédemment.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Groenland
Sur le site des Editions Gaïa, Jørn Riel par lui-même, interprété par Dominique Pinon
http://www.gaia-editions.com/index.php?option=com_content...
(sous la présentation du livre, et avant la liste des autres ouvrages, cliquer sur biographie, et en bas de ce texte actionner la commande prévue à cet effet)
22:03 Écrit par Bruno dans Du bonheur dans les épinards... | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : jørn riel, « le naufrage de la vesle mari », « racontars arctiques », gaïa editions