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mercredi, 06 mai 2020

Jean-Baptiste HERGATS a disparu...

Clipper for san Francisco.jpg

AVIS DE RECHERCHE

dans l'intérêt des familles

Jean-Baptiste HERGATS n'a pas donné de ses nouvelles à ses proches depuis de nombreuses décennies.

Nous regrettons de ne pouvoir joindre son portrait à cet avis de recherche, ce qu'aurait permis la merveilleuse, récente et utile invention de M. Nicéphore Niépce, et l'amélioration par son disciple Louis Daguerre du procédé héliographique qu'on lui doit.

Nous ne sommes pas non plus en mesure d'indiquer quels étaient les vêtements qu'il portait lors de sa disparition, ni s'il s'était muni d'un baluchon, d'un havresac, ou d'une malle.

 

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Parti à la conquête de l'Ouest...

On peut penser que Jean-Baptiste a pris au Havre, où sa famille venue du Bessin avait migré, un aller simple en bateau pour le Nouveau-Monde.

Des nouvelles (ou des rumeurs, que nous n'avons encore pu vérifier) nous sont par ailleurs parvenues de la toute jeune République de Californie, dont la déclaration unilatérale d'indépendance ne date que du 14 juin 1846, soit un mois à peine après la déclaration de guerre des États-Unis d'Amérique à la République du Mexique (une guerre à laquelle la Californie doit de figurer définitivement sur la bannière étoilée, deux bonnes années après le traité de Guadalupe Hidalgo du 2 février 1848 qui a mis fin aux hostilités).

Ces nouvelles, plutôt inquiétantes, nous viennent des localités de Mokelumne Hill (Comté de Calaveras), d'Auburn (Comté de Placer), et de Placerville (comté d'El Dorado), cette dernière d'abord connue sous les noms de Dry Diggins ou Hangtown, noms parfaitement révélateurs de l'activité à l'origine de sa fondation (comme de celle des deux autres), c'est à dire l'orpaillage (notamment dans des « placers »), et aussi de la criminalité qui y sévit de façon endémique.

A Mokelumne Hill, par exemple, il se commet en 1851 un meurtre par semaine pendant dix-sept semaines consécutives. On y dénombre, la même année, une importante communauté de chercheurs d’or français (entre 600 et 800 personnes) qu'une confrontation armée oppose aux mineurs américains. Ces derniers ont en effet décidé d’expulser les étrangers. 250 Français font face à 500-600 Américains. Il faudra l'intervention en urgence du consul français de San Francisco, accompagné par des officiels américains, pour désamorcer le conflit, in extremis...

Jean-Baptiste aurait donc contracté la terrible fièvre « jaune », la fièvre de l'or, à l'annonce de la découverte, en janvier 1848, de particules du précieux métal dans le bief du moulin que faisait construire, sur les bords de l'American River, le suisse John (Johann) Sutter.

jean-baptiste hergats, forty-niner, Californie

A miner, forty-niner, excavating for a mine ?

Une nouvelle parvenue très vite dans nos contrées, et partout dans le monde, sans attendre bien sûr la relation qu'en fera Blaise Cendrars en 1925. Mais la Californie, ce n'est pas la porte à côté tout de même, et Jean-Baptiste n'y sera sans doute pas arrivé avant la fin de l'année 1849, comme la majorité des forty-niners venus d'Europe. Ou plus tard.

Un bon filon cette découverte dans le lit de l'American River. Mais à condition de ne pas trop tarder. Car les amateurs par l'odeur alléchés (qui a dit que l'argent n'avait pas d'odeur?) étaient déjà près de 6000 sur place à la fin de l'année 1848. Puis c'est entre 70 000 et 90 000 immigrants qui sont arrivés en 1849, Jean-Baptiste compris, peut-être. Et en 1855 on comptait au minimum, en Californie, 300 000 nouveaux venus, chercheurs d'or, marchands et autres immigrants du monde entier. Des nord-américains bien sûr, des mexicains, mais aussi des latino-américains, des hawaïens, des australiens, des néo-zélandais, des français, des allemands, des anglais, des italiens, des philippins, des basques, des turcs, etc. Une vraie Tour de Babel, la confusion des langues qui va avec, et sans doute aussi un nombre non négligeable de gens de sac et de corde, et prêts à tout.

Bref, si là-bas l'argent coule à flots (et si on y trouve l'or au fond des ruisseaux), il n'y en a peut-être pas pour tout le monde, et on n'est jamais vraiment sûr d'en ramener plusieurs lingots...

C'est peut-être ce qui est arrivé à notre Jean-Baptiste, dont on ne sait rien de bien précis sur sa vie aventureuse jusqu'à ses 35 ans, au début de l'année 1865.

jean-baptiste hergats

Fantassin dans l'armée de l'Union...

à la fumée des cierges !

On assure chez les vétérans de Colfax (Comté de Placer, Californie) qu'un certain J-B Hergats (ou Hergatz ou encore Hergates) a servi lors de la Guerre de Sécession (« the Civil War » pour les américains), en qualité de « private » («PVT», c'est à dire soldat de 2ème classe) dans la Compagnie H du 8ème régiment californien d'infanterie (8th California Volunteer Infantry) du coté de l'Union (le camp nordiste, celui des « Tuniques bleues ») .

Le recrutement de cette compagnie eut lieu dans le Comté de Calaveras, où Jean-Baptiste aurait été enrôlé le 16 janvier 1865, à Mokelumne Hill. Après son rassemblement à San Francisco le 27 février 1865, elle fut stationnée jusqu'en octobre de la même année dans la forteresse de l'île d'Alcatraz et à Fort Point, à l'entrée de la baie de San Francisco.

Une saine décision de la part de Jean-Baptiste que cet engagement tardif dans le camp des futurs vainqueurs yankees, puisque la guerre de Sécession se termine quelques mois plus tard, par la reddition du général Lee le 9 avril 1865 à Appomatox en Virginie (de l'autre côté du continent nord-américain). Précisons que les dernières troupes sudistes qui refusaient encore de rendre les armes capitulent le 26 du même mois, suivies enfin le 23 juin de cette même année par les forces indiennes favorables aux Confédérés.

En s'engageant dans les premiers mois de 1865, Jean-Baptiste n'aura donc pas pris trop de risques, dans un pays-continent déjà ravagé, à l'Est principalement, par près de cinq années d'une guerre civile meurtrière, depuis le bombardement par les Confédérés, le 12 avril 1861, de Fort Sumter à l'entrée de la baie de Charleston en Caroline du Sud. Cinq ans d'une guerre qui, les deux camps confondus, mobilisa plus de 3 millions d'hommes, et fit au total plus de 620 000 morts et près de 500 000 blessés.

jean-baptiste hergats

Le coupe-gorge californien

Certes, ce n'est pas en Californie qu'eurent lieu les grandes batailles de la Guerre de Sécession, mais tout le monde, loin de là, n'y était pas non plus favorable à l'Union, notamment dans le Sud californien (Comtés de Los Angeles, San Diego, etc.), mais aussi, entre autres, dans la région de San Francisco. On y leva des troupes qui servirent à l'est dans le camp des Confédérés, et aussi des bandes armées irrégulières qui s'attaquaient sur place aux transports de métal précieux, afin de financer les forces sécessionnistes... ou pour des raisons bien moins respectables.

On ne peut pas non plus passer sous silence les sanglants conflits avec les tribus amérindiennes, comme la « Bald Hills War » (1858-1864) en Californie du Nord, ou la « Snakes War » (1864-1868). Des amérindiens qui avaient quelques bonnes raisons de n'apprécier que très modérément l'envahissement de leurs territoires, puisque leur nombre, estimé à 150 000 en 1845, n'était plus que d'à peine 30 000 en 1870. Morts de maladies, de famines ou massacrés par les pionniers...

Souvenons-nous en outre qu'en 1865, à la fin de la guerre de Sécession, les troupes françaises de la calamiteuse Expédition du Mexique (janvier 1861 – février 1867) sont présentes depuis quatre ans sur le territoire de cette république (indépendante depuis 1821), au sud des actuels comtés californiens de San Diego et Imperial. Sur les 38 493 soldats français qu'y a envoyés Bonaparte Charles-Louis-Napoléon (dit n° III, ou encore « le petit »), pour instaurer un empire à sa botte en mettant à sa tête l'archiduc Maximilien de Habsbourg, 6 654 n'en sont pas revenus. Les autres ont, à partir de l'automne 1866, progressivement rejoint la mère-patrie, et les derniers embarquent en février 1867.

Il faut préciser que, leur guerre civile terminée, les États-Unis du président Andrew Johnson peuvent à nouveau s'occuper des affaires de leur voisin mexicain, et reconnaissent officiellement le gouvernement de Benito Juarez, président de la république du Mexique légalement élu pour 6 ans en 1861, et à la tête de l'opposition armée des libéraux et des républicains au pouvoir de Maximilien. Le gouvernement américain soutient donc les partisans de Juárez et leur accorde des dépôts d'armes à la frontière entre les deux pays. La perspective d'une invasion américaine pour réintégrer Juárez dans ses fonctions n'est pas non plus à écarter. D'où, entre autres raisons, la sage décision des autorités impériales françaises d'abandonner Maximilien à son triste sort...

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Citoyen américain en 1871

Bref, entre guerre civile, conflits armés entre États, « guerres indiennes », absence d'institutions solides et fiables pendant des années (l'adhésion de la Californie à l'Union ne date que du 9 septembre 1850), immigration massive en quelques années, et foire d'empoigne généralisée en découlant, la vie dans ces régions d'Amérique du Nord et Centrale n'était sans doute pas un long fleuve tranquille, de 1846 à 1867 tout du moins.

Il semble néanmoins que notre Jean-Baptiste ait sans encombre traversé ces années fort agitées, à défaut sans doute de faire fortune, puisqu'on apprend qu'il serait devenu citoyen américain, ayant été naturalisé, par un acte passé à Auburn (Comté de Placer) le 12 août 1871. Il apparaîtrait par ailleurs en 1880 sur les listes du recensement (US Federal Census 1880) à Placerville (comté d'El Dorado).

Dernières précisions : Jean-Baptiste Hergats est né le 5 décembre 1829 à Asnières (Calvados), dans le Bessin, à 3 kilomètres d'Omaha Beach. Il est le fils de Jean-Baptiste, décédé à Bayeux le 15 février 1841, et de Virginie Le Peton, née le 12 fructidor an X à Bricqueville. Celle-ci, rentière et non remariée, demeure en cette année 1886 rue de Fécamp au Havre. Mais pour la communication de tous renseignements concernant le disparu (copie de documents comme ceux dont il a été question ci-dessus, etc.), il sera sans doute préférable de s'adresser au rédacteur de cet avis de recherche, qui transmettra.

 

On pourra en profiter pour écouter Pete Seeger...